Dans notre pays, 17% des mariages finissent par un divorce (soit un mariage sur six) selon une récente étude réalisée par l’Institut National de la Statistique (INS).Statistiquement, le nombre de divorce ne cesse d’augmenter d’une année à l‘autre en Tunisie. Une hausse préoccupante des divorces en Tunisie a été révélée au cours des dernières années. A partir de 2029, la Tunisie enregistre en moyenne 14 000 divorces par an, soit environ 46 divorces par jour. Parallèlement, on observe une diminution du taux de mariage, ce qui pourrait être un indicateur supplémentaire de l’évolution des dynamiques familiales dans le pays. Cette hausse est considérée comme alarmante, touchant directement le noyau familial.
Les raisons invoquées incluent des problèmes sexuels, comportementaux, familiaux, financiers et un manque de communication ou encore un manque de compatibilité de caractères entre les conjoints entre les conjoints. Ainsi, la tendance semble s’accroitre et les chiffres vont crescendo et deviennent inquiétants..
Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, c’est que dans une société arabo-musulmane, comme la nôtre, ce sont les femmes qui prennent de plus en plus l’initiative de divorcer. Parmi elles, nombreuses sont celles qui se déclarent plus heureuses, plus libres et plus épanouies qu’avant, ayant trouvé dans la séparation l’occasion de s’accomplir et de s’affirmer, sur les plans psychologique, individuel et social. Souvent émancipées socialement et indépendantes financièrement et ayant un bon niveau d’instruction, elles n’hésitent pas à balancer un partenaire trop égoïste, trop avare, trop jaloux, trop envahissant ou trop violent.
Une nouvelle vision féminine du divorce
Depuis longtemps, le divorce constitue un échec de la vie conjugale et le couple séparé est toujours pointé du doigt et devient victimes des médisances de l’entourage. Et c’est surtout la femme qui est mal vue par la société, qui la considère, malgré tous ses droits acquis, comme responsable du divorce et l’accuse d’abus de liberté et parfois d’immoralité. Quant à l’homme divorcé, il est toujours à l‘abri des accusations, quoique souvent il est à l’origine de la séparation. Or, pour certains sociologues, un divorce ne constitue pas forcément un échec pour un bon nombre de femmes qui trouvent dans le divorce un tremplin pour changer leur vie, étant passées par une étape souvent douloureuse et décevantes, dans la mesure où elles s’attendaient à une vie conjugale heureuse et satisfaisante sur tous les plans.
Aujourd’hui, on assiste de plus en plus à un phénomène assez curieux en Tunisie, c’est le fait que certaines femmes demandent elles-mêmes le divorce, soit dans les premières années du mariage ou quelques années après, parfois sans mobile apparent, provoquant même la rupture sans avoir de reproches majeurs à formuler à leur partenaire. Elles recourent souvent à une séparation à l‘amiable, sans même exiger une indemnité.
Toujours selon les sociologues, ces femmes ont souvent un certain degré d’instruction et si elles demandent le divorce, c’est parce qu’elles refusent de se voir s’user physiquement et moralement, au cours des années de la vie conjugale pleine de devoirs, d’obligations et de sacrifices qu’elles ne sont pas capables de fournir. Bon nombre d’entre elles décident de quitter le foyer conjugal, même étant mères, croyant qu’elles se sont beaucoup investies dans leur couple et leur famille, surtout quand elles se retrouvent niées dans leur identité, réduites au seul rôle d’épouse ou de mère. Ne voulant pas se retrouver enfermées dans ces rôles, elles quittent leur mari, qui ne leur témoigne généralement pas assez de reconnaissance.
« Divorcer n’est pas toujours un échec »
Cette phrase est relevée d’ailleurs sur la page Face Book appelée « Femmes divorcées-Tunisie » qui regroupe une communauté de femmes tunisiennes divorcées où l’on peut lire plusieurs opinions et commentaires autour de la vie post-conjugale de femmes qui ont choisi de se séparer de leur conjoint. Il y a même une mise en garde sur cette page qui dit : « Cette page est sur les femmes divorcées, ce n’est pas une page de rencontres », ou « Nous n’acceptons pas de demande de mariage. », ou encore cette phrase : « Vaut mieux être seule que mal accompagnée. »
Pour certaines femmes, le divorce est ainsi devenu une occasion de reconquête de soi et d’émancipation. Divorcer n’est donc pas forcément synonyme d’échec, comme on a souvent tendance à le penser dans notre société, du moins dans l’esprit de ces femmes divorcées. Il est à noter que la plupart des femmes divorcées en Tunisie se déclarent heureuses, après s’être débarrassées d’un lourd fardeau qu’elles n’étaient pas capables de supporter. C’est que la gent féminine semble vivre beaucoup mieux la séparation, et se sentir même beaucoup plus heureuse ! Douloureux pour certaines femmes, le divorce pourrait passer pour un acte libérateur pour d’autres, surtout celles qui ont un travail fixe, qui détiennent un quelconque commerce et qui ont leur propre voiture et un logement particulier. Et dire que ces femmes divorcées ne comptent pas se convoler en justes noces, préférant du divorce pour goûter aux joies du célibat. Demandez à une femme divorcée les raisons de son choix, elle vous répondrait qu’elle est plus heureuse en état de divorce, même si elle gardait ses enfants avec elle et vous ne les entendrez jamais prononcer le mot « échec » ou « déception ». Parfois même, une femme divorcée, vous déclare qu’elle entretient des relations très amicales avec son ex-mari. Décidément les mentalités ont évolué ! Et ces propos n’ont rien de misogyne , mais elles reflètent une certaine nouvelle tendance…
Hechmi KHALLADI
