Officiellement, le taux d’inflation a reculé au cours du mois de septembre pour s’établir à 5 %. Il s’agit, en fait, d’une bonne nouvelle, mais paradoxalement, il suffit de faire le tour des marchés et des grandes surfaces pour constater que la cherté de la vie est toujours au rendez-vous, érodant encore plus le pouvoir d’achat du simple citoyen. Comment expliquer un tel phénomène…
L’Institut national de la statistique (INS) a annoncé que le taux d’inflation s’est établi à 5 % en septembre 2025, contre 5,2 % en août. Un léger recul, qui semble suggérer une accalmie, mais qui cache une réalité bien plus inquiétante puisque les produits les plus achetés par les Tunisiens, quasi quotidiennement, continuent d’afficher des hausses non stop.
Pour rester dans les chiffres, il suffit de mentionner que, sur une période d’un an, les légumes frais ont grimpé de 21,1 %, la viande d’agneau de 20,2 %, les poissons frais de 10,3 % et les fruits frais de 9,9 %. Curieusement, cette flambée de prix touche les produits que le consommateur met régulièrement dans son panier.
Comment expliquer, dès lors, ces chiffres concernant le taux d’inflation ? En parcourant le reste de la liste des produits pris en compte, on en comprend les causes.
Car, lorsqu’on parle de baisse de certains prix ou services, on croise des produits que le consommateur achète rarement, si jamais ils sont disponibles. Ainsi, on enregistre une forte baisse des huiles alimentaires (-24,3 %), souvent mise en avant par l’INS, alors que ces huiles subventionnées sont rares, introuvables, ou ne représentent qu’une faible part de ses dépenses réelles.
De même, les services de restauration, cafés et hôtels restent à +10,1 %, tandis que l’habillement et les chaussures bondissent de 9 %.
En réalité, au moment où les produits consommés quotidiennement et disponibles sur le marché tendent toujours versa hausse, d’autres produits peu consommés ou introuvables dans le circuit légal tirent la moyenne vers le bas.
Avec un tel calcul du taux d’inflation, sommes-nous en train d’analyser de fausse manière la réalité du marché et ses effets sur le pouvoir d’achat ? C’est que, du côté de l’Institut national de statistique (INS), les comptes et les taux sont calculés pêle-mêle pour afficher des baisses que personne ne perçoit alors que les prix qui flambent sont ceux qu’on paie tous les jours.
Car, ce qui compte le plus pour le citoyen ordinaire, ce sont les prix des produits consommés quotidiennement où ceux concernant les frais des loyers, du transport, des soins sanitaires ou de la consommation d’énergie, et non pas les prix des meubles, des draps ou des services de tables !
Comment les experts expliquent-ils cette confusion entre le taux d’inflation et le pouvoir d’achat ? Dans une déclaration aux médias, Walid Bel Hadj Amor, chef d’entreprise et ancien membre de l’Institut arabe des chefs d’entreprise, résume le problème entre la perception de l’inflation du citoyen, bien supérieure au taux officiel de 5% présenté par l’INS : « Le taux d’inflation calculé en 2025 est basé sur un panier de dépenses issu d’une enquête de consommation datant de 2015 », selon ses dires. Ce qui nous renvoie à l’INS et ses experts pour en savoir plus sur ce qui se dit.
Pour ce spécialiste des chiffres économiques, l’inflation de 2025 repose sur une photographie économique de 2015 — avant la crise énergétique, avant la flambée des loyers et avant l’appauvrissement massif de la classe moyenne.
Du côté de l’INS, on donne raison, sans le révéler publiquement, à cette thèse émise par notre expert. Car, selon la méthodologie officielle de l’INS (une base définie en 2015), le panier de consommation tunisien reste composé de 26,2 % d’alimentation et boissons, 19 % de logement, eau, gaz et électricité, 12,7 % de transport, 5,8 % de santé, 5,9 % de meubles et entretien, et 2,8 % pour l’alcool et le tabac.
Ces pondérations n’ont pas bougé depuis dix ans, alors que la structure des dépenses a été bouleversée.
Ainsi, on comprend, de manière plus claire et réaliste, le contraste entre ce qui se dit du taux d’inflation et ce que vit le citoyen quotidiennement.
Ce qui reste à retenir, en parallèle, c’est que l’Etat fait de son mieux pour mieux maitriser les prix et éviter les hausses mystérieuses de certains produits essentiels de l’alimentation, mais ce travail doit être entretenu avec, en parallèle, un contrôle plus rigoureux.
Et il va falloir attendre ce que vont donner les futures enquêtes pour mieux évaluer le taux d’inflation et avoir une meilleure idée sur la réalité du pouvoir d’achat du consommateur.
Kamel ZAIEM
