La Commission de la législation au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a tenu, le 7 novembre 2025, une séance conjointe avec la Commission du Règlement intérieur, de l’immunité et des affaires juridiques du Conseil national des régions et des districts, consacrée à l’audition du ministère de la Justice dans le cadre de l’examen du projet de loi de Finances pour l’année 2026.
Au cours de cette réunion, les représentants du ministère de la Justice ont présenté, à travers des données chiffrées et des indicateurs précis, la mission du ministère, ainsi que ses programmes actuels et les projets prévus pour l’année 2026, mettant en lumière les principales orientations de la politique judiciaire.
Les représentants du ministère de la Justice ont indiqué que le budget alloué à leur département pour l’année 2026 représente 1,6% du total des dépenses publiques de l’État et 1,28% du budget général de l’État de 2026.
«Le budget du ministère de la Justice a été fixé à 1 025 millions de dinars pour 2026, contre 984 millions de dinars en 2025, soit une augmentation de 41,5 millions de dinars, correspondant à une hausse de 4,22% par rapport à 2025», ont-ils indiqué.
En ce qui concerne la répartition des dépenses, les représentants du ministère ont précisé que les dépenses salariales représentent 38% du budget total, les dépenses de fonctionnement 10%, et les dépenses d’intervention 1%. Quant aux dépenses d’investissement, elles représentent 6% du budget global du ministère de la Justice pour l’année 2026.
Selon la répartition par programmes, le programme «Justice» s’est vu attribuer une enveloppe de 418,635 millions de dinars, enregistrant une hausse de 6,32% par rapport à 2025. Le programme «Prisons et rééducation» bénéficie, quant à lui, d’un budget de 537,350 millions de dinars, soit une évolution de 0,86%. Le programme «Pilotage et appui» est doté d’un montant de 69,515 millions de dinars, enregistrant une progression notable de 20,94%. Ainsi, le budget global du ministère de la Justice pour l’année 2026 s’élève à 1 025 millions de dinars, ont précisé les représentants du ministère.
Un renforcement du personnel avec 1 213 nouveaux recrutements en 2026
Les représentants du ministère de la Justice ont indiqué que les dépenses salariales représentent près de 80% du budget global du département, soit 820,785 millions de dinars en 2026, contre 818 millions de dinars en 2025.
«Cette légère hausse s’explique principalement par l’ajustement de la masse salariale et la mise en œuvre du programme de recrutement prévu pour l’année 2026, lequel prévoit l’intégration de 1 213 nouveaux agents au sein des différentes structures du ministère», ont-ils expliqué.
Ces recrutements concernent plusieurs corps de métiers, notamment 100 magistrats, 30 administrateurs de greffe de juridiction, 100 greffiers principaux de juridiction, 150 greffiers de juridiction, 55 greffiers adjoints de juridiction et 60 agents de tribunal.
Ils incluent également 5 ingénieurs principaux, 3 architectes, 32 techniciens de laboratoire en informatique, 20 techniciens principaux, ainsi que 30 gestionnaires adjoints d’archives.
Par ailleurs, le ministère prévoit de renforcer le personnel ouvrier avec le recrutement de 80 ouvriersde première catégorie, 70 de quatrième catégorie et 20 de cinquième catégorie, en plus de 446 agents pénitentiaires.
56,8 millions de dinars consacrés à l’amélioration de l’alimentation des détenus en 2026
Les dépenses de fonctionnement représentent 10% de l’ensemble du budget du ministère de la Justice. Elles s’élèvent à 104 millions de dinars en 2026, contre 96 millions de dinars en 2025, enregistrant ainsi une hausse de 8,4%.
Ces dépenses sont réparties entre les programmes de la Justice, de l’administration des prisons et de la rééducation, ainsi que celui de Pilotage et appui.
Cette augmentation s’explique principalement par la hausse des coûts de l’énergie, notamment du carburant, de l’électricité et du gaz, ainsi que par l’amélioration de la qualité des repas destinés aux détenus dans les établissements pénitentiaires. «À ce titre, les dépenses consacrées à l’alimentation des détenus s’élèvent à 56,8 millions de dinars en 2026»,ont expliqué les représentants du ministère de la Justice.
Elle résulte également de l’augmentation du coût des matières premières, en particulier celles importées de l’étranger.
Par ailleurs, les dépenses d’intervention ont enregistré une hausse de 33,8%, atteignant 19,051 millions de dinars en 2026, contre 14 millions de dinars en 2025. Cette augmentation s’explique principalement par la mise en œuvre des départs à la retraite avant l’âge légal.
8% du budget pour les dépenses d’investissement
Les dépenses d’investissement représentent 8% du budget total du ministère de la Justice, soit 80,694 millions de dinars en 2026, contre 54,9 millions de dinars en 2025.
Selon la répartition par programmes, 36,394 millions de dinars seront alloués au programme de la Justice, 25,5 millions de dinars au programme des prisons et de la rééducation, et 18,8 millions de dinars au programme de pilotage et d’appui.
Parmi les projets prioritaires prévus pour 2026 figurent la construction et la réhabilitation des tribunaux de première instance, des tribunaux de proximité et des cours d’appel. Le ministère envisage également la construction de directions régionales, la création de complexes d’archives et l’acquisition de terrains destinés à ces nouvelles infrastructures.
D’autres projets concernent la numérisation du système judiciaire, le renforcement de l’équipement des tribunaux, ainsi que la modernisation et l’extension des établissements pénitentiaires, notamment à travers l’acquisition de matériel spécifique destiné aux prisons.
Sanctions alternatives : 1,6 million de dinars pour 200 bracelets électroniques
Lors de la présentation du projet de budget du ministère de la Justice, les représentants ont souligné que les initiatives prévues ne se limitent pas au développement des infrastructures. Elles s’étendent également aux projets numériques, aux actions relevant de la politique pénale du ministère, ainsi qu’à celles ayant une portée sociale.
Dans ce cadre, l’un des projets présentés concerne l’adoption du bracelet électronique, actuellement en phase expérimentale. À cet effet, 200 bracelets électroniques ont été acquis pour un coût total de 1,6 million de dinars, ont précisé les représentants du ministère.
L’objectif, ont-ils expliqué, est de permettre l’intégration prochaine de ce dispositif dans le système judiciaire, afin qu’il soit utilisé par les tribunaux.
S’agissant des catégories ciblées, ce projet concerne notamment les détenus se rendant dans les hôpitaux ainsi que ceux convoqués devant les tribunaux.
A ce titre, les représentants ont tenu à préciser que le cadre législatif nécessaire à la mise en œuvre de ce projet est déjà prêt, ouvrant ainsi la voie à son application effective dans les mois à venir.
Principales statistiques de l’activité judiciaire
Les représentants du ministère de la Justice ont présenté les principaux indicateurs de l’activité judiciaire de l’année 2024 –2025.
Ils ont souligné que le volume des affaires enregistrées auprès des tribunaux de première instance sur l’ensemble du territoire national a augmenté de 20% par rapport à l’année précédente. Le taux de jugement dans ces tribunaux a également connu une hausse de 5,4% sur la même période.
Concernant les cours d’appel, le nombre total d’affaires ayant fait l’objet d’un recours a progressé de 6%, tandis que le taux de jugement au sein de ces juridictions a enregistré une légère hausse de 0,4%.
En revanche, la Cour de cassation a enregistré une baisse de 12,4% du nombre d’affaires soumises à pourvoi, un recul que les représentants du ministère attribuent à une amélioration de la qualité et de l’acceptation des jugements rendus en appel. Parallèlement, le taux de jugement à la Cour de cassation a progressé de 9,1%.
Orientations stratégiques pour la période 2026-2030
Les représentants du ministère de la Justice ont présenté les principales orientations du plan de développement sectoriel du système judiciaire et pénitentiaire 2026-2030. Ils ont expliqué que la vision du ministère repose sur une justice plus accessible, plus efficace et centrée sur l’être humain.
La stratégie du ministère s’articule autour de trois grands objectifs visant à moderniser et humaniser le système judiciaire.
Le premier objectif stratégique consiste à faciliter l’accès à la justice, afin de garantir une justice équitable, sociale et inclusive. Pour ce faire, le ministère agit selon deux axes prioritaires : d’unepart, la levée des obstacles juridiques qui entravent l’accès au droit, d’autre part, la réduction des contraintes logistiques et matérielles susceptibles de freiner le bon fonctionnement du service judiciaire.
Le deuxième objectif stratégique vise à renforcer l’efficacité du système judiciaire. Cette orientation repose sur une double approche. D’un côté, l’efficacité fonctionnelle, visant à faire évoluer la justice d’une logique de jugement vers une justice de solutions, plus pragmatique et adaptée aux réalités sociales, de l’autre, l’efficacité structurelle, qui cherche à transformer une justice traditionnelle en justice intelligente, fondée sur la modernisation, la digitalisation et une gestion optimisée des ressources.
Le troisième objectif stratégique met l’accent sur la consolidation de la confiance dans une justice centrée sur l’être humain.
Nouha MAINSI
