4,9% des Tunisiens, soit plus de 586 mille personnes sur une population de 11,972 millions d’habitants selon le dernier recensement général de la population et de l’habitat (novembre 2024), souffrent de troubles dépressifs, selon un rapport publié le 5 novembre 2025 par le fournisseur de données américain Country Cassette. Ce taux est bien plus élevé que la moyenne mondiale de 3,9%.
La Tunisie se classe ainsi au 48e rang à l’échelle mondiale en matière de prévalence de la dépression, bien loin des pays fortement exposés à cette maladie comme l’Ukraine qui occupe la première position mondiale, avec un taux de prévalence de 6,3% de la population, les Etats-Unis (5,9%), le Brésil (5,8%) et la Grèce (5,7%).
A l’échelle arabe, la Tunisie arrive à la 5e position derrière les Emirats arabes unis, Qatar, Djibouti (5,1% de la population pour chacun de ces pays) et le Koweït (5%).
Le taux relativement élevé des Tunisiens souffrant de dépression par rapport à la population totale se manifeste également dans le classement 2025 des pays les plus heureux du monde, connu sous l’appellation du «World Happiness Report 2025». Selon la dernière édition de ce classement publiée en mars 2025 par le Réseau des solutions de développement durable des Nations unies en collaboration avec le cabinet de sondage Gallup World Poll, la Tunisie occupe le 113e rang mondial. Ce classement mondial repose essentiellement sur des évaluations subjectives des participants à des enquêtes nationales de leur bonheur, ainsi que sur des données économiques et sociales réparties sur six variables (le soutien social, le revenu, la santé, la liberté, la générosité et l’absence de corruption).
Le rapport de Country Cassette rappelle que les principaux symptômes de la dépression sont la tristesse persistante (sentiment constant de tristesse, de vide ou de désespoir pendant la majeure partie de la journée), la perte d’intérêt ou de plaisir pour les activités qui étaient autrefois agréables, y compris les loisirs et les interactions sociales, les changements dans les habitudes de sommeil (l’insomnie ou l’hypersomnie), les changements d’appétit (perte ou prise de poids importante due à des changements d’appétit).
Une évolution favorable, à condition que le traitement soit précoce
A cela s’ajoutent la sensation de fatigue constante et le manque d’énergie pour accomplir les activités quotidiennes, le sentiment d’inutilité ou de culpabilité, les difficultés de concentration et l’irritabilité ou l’agitation, les pensées suicidaires ou morbides ou suicidaires et l’isolement (retrait des activités sociales et évitement des amis ou des membres la famille).
Il existe également des symptômes physiques tels que les douleurs inexpliquées, les maux de tête et les problèmes digestifs sans cause physique organique.
Les facteurs de risque de la dépression sont notamment la prédisposition génétique (des antécédents familiaux de dépression peuvent augmenter le risque), les traumatismes ou événements stressants de la vie (traumatismes subis pendant l’enfance, pertes de proches, etc.), les maladies chroniques, la consommation de drogues et d’alcool, les traits de personnalité (faible estime de soi ou un pessimisme excessif), les changements hormonaux (les fluctuations hormonales, telles que celles qui surviennent pendant la grossesse, après l’accouchement ou pendant la ménopause), le sexe (les femmes sont généralement plus sujettes à la dépression que les hommes, et les changements hormonaux peuvent jouer un rôle) et l’âge (la dépression est plus élevée à certaines étapes de la vie, telles que l’adolescence ou l’âge adulte avancé).
En ce qui concerne le traitement de la dépression, il importe de noter que l’évolution de cette maladie mentale est le plus souvent favorable, selon le Dr Badiî Amamou, praticien au service de psychiatrie de l’hôpital Fattouma Bourguiba à Monastir.
D’après lui, il existe essentiellement trois types de traitement pour la dépression, à savoir les antidépresseurs (médicaments), l’électro-convulsivo-thérapie et la psychothérapie. De façon générale, la dépression guérit complètement, pourvu que l’intervention soit précoce et efficace, ce qui suppose un recours aux soins dans les premières semaines du début du trouble et une rigueur dans le suivi et la prise des médicaments. Mais c’est là que le bât blesse : la situation des finances publiques a poussé l’Etat à réduire le recrutement des psychologues et psychiatres dans les établissements publics de santé. En conséquence, certains citoyens se tournent vers les psychiatres de libre pratique, mais le tarif de la consultation (80 dinars) et les prix des médicaments ne sont pas à la portée de toutes les franges sociales. La dépression reste ainsi une maladie sous-diagnostiquée et largement non traitée, surtout que la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) ne prend pas en charge tous les médicaments y afférents.
Walid KHEFIFI
