A l’ère de la numérisation et de l’intelligence artificielle, il convient de tourner la page définitivement sur la lenteur administrative et les procédures complexes qui entravent la bonne marche des institutions publiques et portent atteinte par là même aux intérêts des citoyens. En exhortant les responsables à assumer pleinement leurs missions, le Président de la République Kaïs Saïed remet au cœur du débat la question de la responsabilité administrative. La réforme du service public devient ainsi une priorité pour redonner sens à l’action de l’État et protéger les citoyens contre la spéculation et les abus.
La lenteur de l’administration devient systémique, étant causée par des procédures complexes, un manque de digitalisation efficace et des résistances au changement. Ce phénomène affecte les citoyens et les entreprises, entraînant frustration, inefficacité et ralentissement du développement économique. La corruption et le manque de volonté politique, qui ont sévi durant des années, sont également cités comme des freins majeurs à la réforme. Le citoyen souffre encore de la lenteur dans les procédures et de leur complication avec des formalités souvent inutiles. Afin d’obtenir satisfaction pour n’importe quel service administratif, le citoyen reste acculé à répondre à des formalités surannées telles que celles consistant à remplir des formulaires avant de les remettre au service concerné. Alors que le service à distance faciliterait beaucoup la tâche aussi bien pour le citoyen que pour l’administration, les pratiques d’antan, héritées d’ailleurs du système colonial, persistent encore. Sans parler des obstacles imputés à certains lobbies, qui tiennent à mettre les bâtons dans les roues afin de bloquer le développement, en recevant notamment des ordres de l’étranger, dans le but de nuire à la réputation du pays comme l’a si bien évoqué récemment le Président Kaïs Saïed lors de sa rencontre avec la cheffe du gouvernement Sarra Zaâfrani Zenzri. Il tient à préserver la souveraineté nationale et refuse toute soumission aux diktats étrangers.
Supprimer les institutions inutiles
Désormais, la Tunisie devra compter sur ses propres moyens. En l’occurrence, il est nécessaire de moderniser l’administration publique et faciliter autant que possible les procédures et ce, en commençant par restructurer les institutions publiques et ce, en supprimant celles qui sont inutiles et coûteuses. A titre d’exemple, il y a dans chaque ministère le service des relations avec le citoyen. Ce service est en principe destiné à résoudre le problème du citoyen. Mais il s’avère, selon plusieurs observateurs, que ce service est plutôt un service de renseignement par le biais duquel le citoyen est dirigé vers le responsable compétent avec lequel il faut de nouveau attendre plusieurs jours, voire des semaines pour le rencontrer et lui exposer de nouveau le problème à traiter. C’est une perte de temps inutile, alors qu’il aurait pu se mettre directement et de prime abord avec ce responsable. C’est donc un service à remodeler de manière à ce que le citoyen puisse résoudre son problème plus rapidement et sans perte de temps. Les défaillances accumulées par le passé, souvent nourries par des intérêts particuliers, ont fragilisé la capacité de l’État à répondre aux attentes les plus élémentaires des citoyens, qu’il s’agisse d’un certificat, d’un titre foncier ou d’une autorisation d’investissement.
Réhabiliter l’éthique du service public
En fait, l’État ne doit pas être réduit à une structure abstraite, mais vivre à travers celles et ceux qui le servent. D’où l’importance de la responsabilité individuelle et collective des cadres administratifs, qu’ils soient centraux ou régionaux. Il ne s’agit pas de sanctionner pour la forme, mais de réhabiliter l’éthique du service public, de corriger les bavures et de rendre l’administration plus proche, plus réactive et plus juste. Cela concerne également ceux qui détiennent les leviers économiques. La protection contre la spéculation et les monopoles, ne peut être effective que si les producteurs eux-mêmes se sentent sécurisés dans leurs démarches, leurs droits et leurs revenus. Sans cela, la lutte contre les pratiques illicites restera vaine. Surtout que le pays, affaibli par les crises, ne peut se permettre une administration fragmentée ou parasitée par les logiques d’intérêt. L’efficacité de l’État passe nécessairement par une meilleure coordination entre les services publics, une responsabilisation des fonctionnaires et une transparence accrue des décisions. En rappelant que «la compétence se mérite» et qu’aucune erreur de bonne foi n’est condamnable lorsqu’elle s’accompagne d’un effort de correction, Kaïs Saïed plaide pour une administration humaine mais rigoureuse, au service du citoyen. L’objectif est de bâtir un État juste, fort et équitable, un État où la confiance ne se décrète pas, mais se reconquiert jour après jour, à travers des actes concrets et une gouvernance exemplaire.
Sécurisation des droits et réhabilitation de la justice administrative
Par ailleurs, la protection contre la spéculation et les monopoles, ne peut réussir que si les producteurs, agriculteurs ou entrepreneurs sont sécurisés dans leurs droits, leurs démarches et leurs revenus. Il ne s’agit pas seulement d’une question économique, mais d’une exigence de justice sociale et de souveraineté nationale. Car une économie dominée par des groupes d’intérêt ou des réseaux opaques affaiblit la nation tout entière.
Ainsi, la refondation de l’État passe par une réhabilitation de la justice administrative, de la responsabilité individuelle et de la transparence dans la gestion publique.
Kaïs Saïed, en rappelant que «la compétence se mérite» et que «celui qui agit de bonne foi vaut mieux que celui qui bloque», met l’accent sur une vision éthique de la gouvernance.
Il ne s’agit pas seulement d’une réforme administrative, mais d’un projet de société fondé sur la dignité, la justice et la proximité entre l’État et le citoyen.
Redonner confiance, c’est redonner vie à la République. Et c’est peut-être là, le plus grand chantier du renouveau tunisien.
Ahmed NEMLAGHI
