L’Institute for Economics and Peace (l’Institut pour l’économie et la paix) vient de publier son Rapport sur les menaces écologiques 2025. Ce rapport fait, entre autres, état d’une tendance émergente de l’aggravation de l’insécurité hydrique, notamment dans notre pays dans lequel l’indicateur national du risque hydrique a augmenté de près de 70%.
Le Rapport sur les menaces écologiques 2025 de l’Institut for Economics and Peace est une évaluation mondiale exhaustive des risques écologiques, fondée sur des données probantes. Il couvre 3.125 zones infranationales dans 172 pays et territoires, représentant plus de 99% de la population mondiale. Il mesure quatre menaces interdépendantes : les risques liés à l’eau, l’insécurité alimentaire, l’impact des événements naturels et la pression démographique.
Le rapport indique qu’alors que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont enregistré la plus forte augmentation globale des risques écologiques à l’échelle mondiale, l’expérience de notre pays constitue un avertissement : sans une action urgente, l’aggravation de l’insécurité hydrique pourrait éroder les moyens de subsistance et intensifier l’instabilité politique dans toute la région.
L’expérience de la Tunisie : un avertissement
L’on peut lire que, depuis 2019, notre pays a enregistré la plus forte augmentation de la menace écologique parmi tous les pays évalués dans ce rapport, principalement en raison de l’aggravation de l’insécurité hydrique et des impacts croissants des événements naturels. Une succession de sécheresses prolongées, de vagues de chaleur sévères et de précipitations de plus en plus irrégulières a compromis la capacité de notre pays à stocker et à distribuer l’eau douce.
Il est précisé que ces contraintes ont été aggravées par des infrastructures insuffisantes et une capacité de gouvernance limitée, laissant des millions de citoyens vulnérables à la merci des pénuries prolongées et érodant la confiance dans les institutions, et que des décennies de sous-investissement et d’entretien insuffisant ont fait perdre au réseau de canalisations du pays environ 30% de l’approvisionnement total en raison de fuites. Ces pertes, autrefois considérées comme gérables, sont devenues catastrophiques en raison des sécheresses, et notre gouvernement a ordonné, selon la plateforme en ligne EcoHubMap, à la population de rationner sa consommation d’eau.
La Manouba, plus forte détérioration sous-nationale
Même s’il est mentionné, dans le rapport, que les défis auxquels est confronté notre pays ne sont pas uniques, il n’en reste pas moins qu’ils sont parmi les plus graves. Ainsi, sur les 20 régions sous-nationales qui se sont le plus détériorées entre 2019 et 2024, neuf se trouvaient chez nous. Parmi elles, figurait La Manouba qui a enregistré la plus forte détérioration sous-nationale au niveau mondial.
Ces détériorations ont été causées par une augmentation de près de 70% de l’indicateur national du risque hydrique, qui s’est détérioré dans toutes les régions du pays.
Le rapport note que cette évolution a été amplifiée par une année de référence, 2019, exceptionnellement favorable, au cours de laquelle l’Afrique du Nord a connu des précipitations relativement élevées.
Selon le rapport, en 2024, toute notre population résidait dans des zones à risque moyen et les réserves d’eau des barrages avaient diminué de 27%. Les sécheresses prolongées et les températures record ont non seulement épuisé les réserves d’eau disponibles, mais également perturbé les régimes pluviométriques traditionnels, exposant ainsi notre pays à la vulnérabilité face aux changements climatiques, avec des répercussions en cascade sur les ménages, les communautés et les économies locales.
Plus de 2.100 coupures d’eau non annoncées
Le rapport indique qu’en 2024, l’Observatoire tunisien de l’eau a enregistré plus de 2.100 coupures d’eau non annoncées, dont beaucoup ont duré plus de 10 heures. Les ménages et les entreprises ont été contraints de rationner leur approvisionnement : environ 74% de notre eau est consommée par l’agriculture, ce qui laisse des réserves limitées pour les ménages.
Selon le rapport, les inégalités institutionnelles persistantes, qui se traduisent par une négligence chronique des secteurs municipaux au profit de l’agriculture orientée vers l’exportation, ont exacerbé le mécontentement de la population. La pénurie d’eau est, ainsi, passée d’un défi environnemental à une question de justice sociale, étroitement liée à un mécontentement plus général concernant la gouvernance, les inégalités et la responsabilité du gouvernement.
Bien que le secteur agricole ait des besoins importants en eau, il reste l’un des plus vulnérables aux pressions. Le rapport mentionne que notre agriculture dépend largement des précipitations et d’une irrigation limitée, avec seulement environ 9% de nos terres cultivées équipées pour l’irrigation, ce qui rend de nombreux agriculteurs extrêmement vulnérables aux fluctuations des précipitations.
L’on peut lire que les sécheresses récurrentes ont réduit la production, entraînant une baisse d’environ 5% de la part de la main-d’œuvre nationale employée dans l’agriculture au cours de la dernière décennie.
Zouhour HARBAOUI