Il y a des livres qui ne se contentent pas de raconter l’art — ils l’incarnent. Les femmes et l’art au Maghreb, dirigé par Nadia Sabri et Rachida Triki, appartient à cette lignée rare d’ouvrages qui tissent un récit collectif, fait de luttes, de lumières et d’élans créatifs.
Le 15 novembre prochain, dans l’écrin du Musée du Bardo, ce livre sera présenté au public, sous le parrainage bienveillant de la Délégation générale Wallonie-Bruxelles en Tunisie. Un rendez-vous à ne pas manquer, tant il s’annonce comme un moment de partage, de réflexion et de reconnaissance — reconnaissance envers celles qui, depuis des décennies, inventent des chemins là où rien ne semblait tracé.
Né d’un colloque fondateur à Rabat, organisé en pleine pandémie, ce projet a germé dans l’effervescence et la fragilité d’un monde à l’arrêt. Pendant deux jours, artistes, critiques, commissaires d’exposition, directrices de musées et journalistes du Maghreb ont débattu d’un sujet longtemps relégué à l’ombre : la place des femmes dans la création artistique.
De cette rencontre est née une œuvre polyphonique, un travail collectif et transfrontalier soutenu par la Délégation Wallonie-Bruxelles Maroc, l’UNESCO et la structure Archives des Arts. Trois années de recherche, de correspondances et de dialogues ont donné vie à un livre lumineux, publié aux Éditions Le Fennec (Maroc, 2025).
On y entend les voix de Brahim Alaoui, Myriam Amroun, Nouha Ben Yebdri, Wafa Gabsi, Najah Zarbout, Wassyla Tamzali, Fatima Chafaa, Rita Ghita El Khayat et tant d’autres figures qui ont, chacune à leur manière, sculpté une géographie sensible du féminin dans l’art. À travers leurs récits personnels, leurs projets, leurs doutes et leurs triomphes, se dessine une cartographie de l’émancipation créatrice — celle qui transcende les frontières, les codes et les silences.
Le livre, riche de 252 pages, s’éloigne des arides actes de colloques pour se faire œuvre vivante, ouverte à tous les publics. Sous la direction artistique de Nadia Sabri et Nina Pilon, il s’articule autour de quatre grands chapitres : les voix critiques, les paroles d’artistes, les écritures de l’histoire de l’art et les fondatrices d’espaces culturels. Une structure fluide qui épouse les contours mouvants de la pensée et du sensible.
Comme le rappellent avec justesse Nadia Sabri (directrice du Musée Mohammed VI d’Art Moderne et Contemporain, Rabat) et Rachida Triki (philosophe et critique d’art, Tunis), « Aujourd’hui, au Maroc, en Algérie et en Tunisie, une dynamique artistique contemporaine portée par les femmes s’affirme avec une force tranquille, forgée dans la créativité et la persévérance. »
Oui, le Maghreb féminin de l’art existe, vibrant, pluriel, tissé d’images et de voix qui refusent l’effacement. Ce livre en est le miroir et la mémoire.
Et le Musée du Bardo, ce soir-là, en deviendra le théâtre vivant — celui où l’histoire des femmes artistes du Maghreb s’écrira à nouveau, non plus dans les marges, mais au cœur de la lumière.
Mona BEN GAMRA
