Le beurre se fait rare en Tunisie. Il a fondu dans les rayons comme neige au soleil. On manque de beurre dans les rayons des grandes surfaces. Les fabricants n’arrivent pas à répondre à la demande. Les consommateurs tunisiens ont, certainement, constaté ces derniers jours, un manque, si ce n’est une rupture du stock de beurre dans les étals.
Le beurre demeure un ingrédient indispensable à la préparation de gâteaux en tout genre. Alors que les rayons des grandes surfaces débordent de yaourts, fromages et crèmes, le beurre, lui, disparaît régulièrement. Et, comme par magie, à chaque retour en rayon, son prix grimpe. En 2022, le prix du beurre 100 g tournait autour de 2d, 400. Il est passé à 2d, 840. Il a bondi à 3d, 150 en 2024, soit une hausse de plus de 30% en deux ans. Croissants, viennoiseries et de nombreux produits risquent d’être impactés. De quoi inquiéter les consommateurs. «Dans les étalages, déjà, il y a moins de produits à base de beurre», constate une cliente. «Ça me dérange, bien sûr. Mais j’irai toujours acheter des produits de qualité. Parce que manger, c’est d’abord se faire plaisir», affirme un autre.
Pour vérifier si le beurre est bel et bien devenu une denrée rare, il s’agit d’abord de s’intéresser à sa matière première, c’est-à-dire au lait et à sa production. Nombreux sont ceux qui expliquent la crise du beurre par de mauvaises conditions météorologiques qui auraient entraîné une baisse de la collecte. Les producteurs de lait dénoncent aussi le réchauffement climatique qui aurait un impact direct sur la graisse du lait de vache et donc sur la production de beurre. La production peine à suivre. Les éleveurs laitiers, mal rémunérés, ont réduit le robinet. La collecte a baissé. Circonstance aggravante : le lait de vache (vaches sélectionnées génétiquement pour produire beaucoup de litres) s’avère aujourd’hui moins riche en matière grasse. «Le producteur est payé 1,340 dinar pour un litre de lait, alors que le coût réel de production dépasse 1,900 dinar. C’est impossible à supporter. L’éleveur perd de l’argent à chaque litre vendu», nous dit un éleveur de Korba.
Si la pénurie se poursuit, les fabricants qui l’utilisent dans leur recette devront trouver des produits de substitution comme la matière végétale. Le président du Syndicat tunisien des agriculteurs, Dhaoui Midani, indique que cette pénurie du beurre est directement liée à la «chute de la production nationale de lait, une crise qui dure depuis trois ou quatre ans, précisant que le beurre, à la différence d’autres produits laitiers, ne peut être fabriqué qu’à partir de lait cru. Certains dérivés présents sur le marché sont faits à base de lait en poudre importé. Mais on ne peut pas produire du beurre avec du lait en poudre, uniquement avec du lait frais», a-t-il souligné. Ainsi, l’absence de beurre dans les rayons est un indicateur direct de la baisse du cheptel laitier. Face à cette situation, de nombreux éleveurs ont été contraints de vendre une partie de leur cheptel, entraînant une baisse durable de la capacité de production nationale. Le risque est bien réel. La production de lait, matière première du beurre, est en baisse pendant que la demande explose. Résultat : déséquilibre entre l’offre et la demande, prix qui flambent et menace de pénurie ces derniers jours. La production du lait peine à suivre. Les éleveurs laitiers ont réduit leur robinet. «Nous avons des vaches qui produisaient jusqu’à plus de trente litres par jour mais qui sont descendues à moins de 10 litres. C’est du lait en moins à l’instant T aujourd’hui et c’est aussi du lait en moins sur la prochaine campagne 2026», explique un éleveur de Béni Khalled.
Il faut dire que le beurre est une matière grasse très prisée à l’échelle internationale. Si une pénurie de beurre est également à craindre sur le sol tunisien, c’est aussi parce que ce produit laitier riche en graisse et à la saveur si particulière est très apprécié aux quatre coins de la planète si bien que le prix du beurre a atteint un nouveau sommet, à plus de 7600 euros la tonne, soit 26 millions, contre 3000 euros il y a cinq ans. Une flambée des prix qui résulte d’une pénurie mondiale du lait.
La fabrication de beurre va-t-elle alors reprendre ? La réponse est plus difficile à prévoir car elle est impactée par son mécanisme d’obtention lui-même, le beurre étant coproduit, c’est-à-dire que, pour en produire, le lait est transformé pour donner deux denrées : le beurre, issu de la matière grasse, et le lait écrémé en poudre. Il est indéniable que le beurre n’est pas un luxe, c’est un produit de base. En attendant le retour de cette denrée dans nos commerces, ils sont plusieurs à recourir au beurre artisanal, fait à la main, ou à la margarine, de quoi meubler ces jours de pénurie d’un produit devenu rare.
Kamel BOUAOUINA
