Par Slim BEN YOUSSEF
La chanson remonte comme une source, un appel du Sud qui ramène à l’essentiel. Là-bas, le pays s’ouvre sur une lumière de plénitude, large et calme, douce et souveraine. Le désert porte une sagesse ancienne – quasi immémoriale. Le temps y glisse avec une lenteur grave ; le sable y réécrit chaque jour la courbe du monde ; le sirocco y cisèle des formes vivantes. Les ergs suivent la marche séculaire du désert : ils changent de place avec la patience du vent, glissent dans la lumière comme des mirages devenus matière. Les palmeraies veillent en cercles calmes, posées là pour dompter la chaleur. Les chameaux avancent avec la lenteur noble de la caravane, les gazelles glissent sur les pierres comme des silhouettes de bronze, des traits de lumière. Et dans chaque tente, un parfum ancien flotte : pain cuit sous le sable, thé fumant, dattes gorgées de soleil.
À Douz, à Tozeur, à Nefta, à Kébili, à Ksar Ghilane, à Tataouine, à Remada, le pays laisse affleurer une beauté profonde, installée dans la durée. Le Grand Erg oriental ? Une école de la vision. Il façonne le regard, il apprend à voir. Chott el-Jérid ? Une ligne droite : simplicité, netteté, continuité. Et le Djebel Dahar ? Une verticalité vénérable dans l’horizontalité ancestrale du désert.
Les villages berbères – suspendus aux pentes rocailleuses – gardent la mémoire des premiers bâtisseurs, ces hommes et ces femmes qui ont maçonné dans la pierre et dans l’horizon. À Matmata, à Toujane, à Tamazret, les maisons troglodytes creusent la terre jusqu’à la fraîcheur et dessinent une géométrie de silence. Et les ksours de Douiret, de Chenini, de Guermessa façonnent l’imprenable secret de la roche, érigent une architecture de patience et de résistance.
Le Sud accueille, transcende, enseigne. Il porte aussi un avenir immense : tourisme saharien attentif au paysage, itinéraires caravaniers réinventés, écotourisme d’élégance, hébergements troglodytes repensés pour l’époque, festivals enracinés dans la culture du désert, circuits culturels qui relient la pierre, le sable et la mémoire.
Le monde contemporain s’épuise dans le bruit ; il cherche des lieux de vérité, d’espace et de silence. Le Sud tunisien offre cette halte essentielle, cette respiration rare.
La liberté y est une température. Une manière d’avancer dans le présent comme dans la lumière d’un matin du Sud. Une manière simple d’être là. D’accueillir le temps. D’aimer sans vigilance.
C’est rare, c’est précieux. Et cela donne à notre nation un peu plus d’humanité, un peu plus de somptuosité.
