Le secteur des transports en Tunisie traverse une période déterminante. Entre crises financières, vieillissement des équipements, baisse de la qualité de service et nouveaux impératifs de gouvernance, trois grandes entreprises publiques : Tunisair, la Transtu et la CTN se retrouvent aujourd’hui au cœur d’un chantier de réforme d’une ampleur inédite. Sous l’impulsion du ministre du Transport, Rachid Amri, l’État prépare une restructuration profonde visant à redresser ces acteurs essentiels et à relancer un secteur qui conditionne à la fois la mobilité des citoyens, la compétitivité économique et l’image du pays à l’international.
Depuis plusieurs années, Tunisair, la Société des transports de Tunis (Transtu) et la Compagnie tunisienne de navigation (CTN) accumulent les difficultés. Manque d’investissement, flotte vieillissante, dette croissante, problèmes de gouvernance et baisse de la qualité des prestations ont fragilisé leur fonctionnement. Le ministre a reconnu que les défis auxquels ces entreprises font face ne relèvent pas de simples ajustements ponctuels, mais d’une remise à plat en profondeur de leur organisation. Il ne s’agit plus de colmater les brèches mais de repenser les fondations mêmes de leur modèle économique, de leur gestion interne et de leur stratégie de développement.
Tunisair : redonner des ailes à la compagnie nationale
Symbole du transport aérien tunisien, Tunisair souffre depuis longtemps d’un déséquilibre financier persistant et de difficultés opérationnelles. L’âge avancé de la flotte, la concurrence accrue sur les lignes internationales et une gestion interne complexe ont progressivement affaibli la compagnie. La réforme en préparation vise à moderniser l’entreprise, à rationaliser ses dépenses, à améliorer la qualité de ses services et à restaurer la confiance des voyageurs. La restructuration doit poser les bases d’une compagnie capable de rivaliser avec les standards internationaux, tant au niveau de la gestion que de l’expérience client.
Transtu : un transport urbain sous pression
Dans la capitale et sa périphérie, la Transtu assure la majorité des déplacements quotidiens des citoyens. Pourtant, son réseau souffre d’une saturation croissante, d’un manque de moyens financiers et de matériel roulant insuffisant. Les pannes récurrentes, les retards et la vétusté des véhicules pèsent sur les usagers comme sur les performances de l’entreprise.
La réorganisation envisagée devra permettre une meilleure gestion des lignes, un entretien plus régulier du matériel, une augmentation de la capacité de transport et l’intégration progressive de solutions intelligentes pour fluidifier la mobilité urbaine. Cette réforme est cruciale pour améliorer la qualité de vie des habitants de la capitale, réduire la congestion routière et encourager un transport public plus attractif et plus fiable.
CTN : maintenir le rôle stratégique du transport maritime
La Compagnie tunisienne de navigation assure, depuis des décennies, la liaison maritime avec l’Europe et participe au transport de marchandises et de passagers. Elle joue également un rôle essentiel dans les échanges commerciaux extérieurs. Cependant, la CTN fait face à des coûts d’exploitation élevés, à une flotte qui nécessite une modernisation et à une concurrence internationale de plus en plus rude.
La restructuration doit permettre à l’entreprise de renforcer sa compétitivité, de garantir la sécurité et la performance de ses navires et de soutenir les exportateurs tunisiens à travers des dessertes plus régulières, plus efficaces et plus économiques.
Pour mener à bien cette transformation, des comités spécialisés ont été mis en place. Leur mission : établir un diagnostic précis, proposer des solutions réalistes, revisiter les modèles de gestion et définir les investissements prioritaires. Ces équipes analysent les comptes, évaluent les besoins techniques, identifient les sources de pertes et élaborent des scénarios d’avenir. Cette démarche vise à mettre les entreprises sur une trajectoire de performance durable, fondée sur une meilleure gouvernance et une utilisation optimale des ressources.
Pourquoi cette réforme est essentielle pour la Tunisie
Le transport n’est pas un secteur isolé : il structure l’économie nationale. Une aviation performante attire les investissements et soutient le tourisme ; un réseau de transport urbain efficace assure la fluidité de la vie quotidienne ; un service maritime solide stimule les exportations et renforce l’intégration internationale du pays. Réhabiliter ces entreprises revient à renforcer la compétitivité du pays, améliorer l’attractivité économique et favoriser la croissance. De plus, un secteur du transport modernisé contribue à réduire les coûts logistiques, facilite les échanges commerciaux et renforce la cohésion territoriale. C’est un moteur essentiel pour l’emploi, l’innovation et le développement durable.
Au-delà de la restructuration financière, la réforme préparée ouvre la voie à un changement plus profond : l’introduction de pratiques de gestion modernes, l’intégration du numérique, la professionnalisation des équipes et l’amélioration de la relation avec les usagers. En s’engageant dans cette transformation, la Tunisie veut bâtir un secteur des transports plus efficace, plus transparent et plus tourné vers l’avenir.
Une réussite dans ce domaine pourrait servir d’exemple à d’autres entreprises publiques et contribuer à instaurer une nouvelle culture de performance dans tout le pays.
Leila SELMI
