Par Mondher AFi
La séance plénière conjointe du 19 novembre 2025, consacrée à la mission de la Santé dans le projet de budget de l’État pour 2026, ne doit pas être lue uniquement comme un épisode budgétaire : elle est l’occasion d’interroger la manière dont une vision politique structurée transforme les pratiques publiques. La posture adoptée par le Président Kaïs Saïed et les orientations ministérielles récentes témoignent d’un projet d’État où la santé est placée au cœur de la souveraineté nationale.
Dans ce cadre, la santé n’est plus un simple secteur administratif mais la matrice d’un nouvel ordre social et politique.
Dans la vision du Président Kaïs Saïed, la santé n’est pas un simple secteur administratif, elle constitue le fondement de la souveraineté nationale et un indicateur direct de la légitimité étatique. Le Chef de l’État inscrit l’action publique dans un horizon normatif où garantir l’accès aux soins pour tous devient une condition d’existence de l’État lui-même : un État souverain est d’abord un État capable de protéger son corps social.
Cette orientation rompt avec les approches purement gestionnaires. Sur le plan épistémique, elle renverse la hiérarchie des critères d’évaluation : la valeur d’une politique sanitaire ne se mesure plus seulement en termes comptables, mais à travers les capacités humaines reconstruites. Cette vision rejoint la pensée d’Amartya Sen, pour qui le développement consiste à élargir les possibilités réelles d’agir, et non à maximiser des indicateurs abstraits. La santé devient ainsi un levier de liberté et un prisme de justice sociale.
Mais cette justice ne peut être réalisée sans une refonte territoriale profonde. Les fractures spatiales mises en lumière par les députés, telles que le manque de spécialistes, des équipements insuffisants, des hôpitaux régionaux fragiles, révèlent une «injustice spatiale» au sens d’Edward Soja. Pour y répondre, Kaïs Saïed propose une stratégie globale : implantation de nouveaux services, création de facultés de médecine dans les régions, réhabilitation des structures existantes. L’objectif est double : réparer les déséquilibres historiques et renforcer l’unité nationale.
Dans cette logique, rééquilibrer la carte sanitaire est un acte de souveraineté. Car un État absent de ses marges perd sa cohésion. Rehausser le niveau de soins dans les régions intérieures, c’est reconstruire un pacte national fondé sur la dignité, au sens où l’entendait Frantz Fanon : la dignité naît de la reconquête des conditions matérielles de la vie.
Ainsi, chaque projet sanitaire, chaque service ouvert, chaque médecin affecté dans une région longtemps marginalisée devient un acte politique fort. La santé n’est plus perçue comme un coût, mais comme un investissement stratégique dans la stabilité nationale. En ce sens, la vision du Président Kaïs Saïed articule souveraineté, justice territoriale et protection du citoyen dans une même cohérence : protéger la vie, c’est protéger la nation.
Numérique, données et souveraineté technologique : une lecture épistémique
Le développement de l’hôpital numérique, l’essor de la télémédecine et la mise en place de réseaux d’imagerie médicale à distance ne constituent pas seulement des innovations techniques, ils traduisent une vision structurante portée par le Président Kaïs Saïed, où l’accès aux soins devient un droit garanti par la maîtrise des outils technologiques. Pour le Chef de l’État, démocratiser la santé passe par la souveraineté numérique, car celui qui possède les systèmes de données et leurs logiques de fonctionnement détient la capacité de protéger durablement sa population.
Sur le plan épistémique, ces dispositifs redéfinissent la manière même dont le savoir médical se constitue : la production massive de données, leur standardisation et leur circulation à travers des plateformes sécurisées permettent une gouvernance fondée sur des preuves objectivées. En reprenant le contrôle de ces infrastructures, l’État retrouve une puissance de planification qui réduit la dépendance à des circuits techniques ou financiers extérieurs.
Dans cette perspective, la lutte contre la contrebande pharmaceutique et les formes de corruption qui affectent les chaînes d’approvisionnement n’est pas seulement une opération de police économique, elle s’inscrit dans un projet national de réappropriation des flux vitaux, condition essentielle de la sécurité sanitaire et de l’autonomie stratégique du pays.
Les professionnels de santé : reconnaissance, stabilité et pacte républicain
Les revendications sur la revalorisation des salaires, la reconnaissance des travaux pénibles, la régularisation des modes de recrutement et l’accélération des décrets d’application ne reflètent pas seulement des demandes sectorielles, elles révèlent une crise du lien professionnel et de la reconnaissance sociale. Pour Kaïs Saïed, consolider le statut des soignants est une priorité stratégique : la résilience du système dépend directement de la stabilité et de la motivation de ses agents.
L’approche gouvernementale, inscrite dans le discours sur l’interdiction de la sous-traitance et sur la protection contre la précarité, transpose une logique éthique et institutionnelle : un État protecteur ne peut tolérer que ses fonctions essentielles reposent sur des formes d’emploi fragiles. Sur le plan sociologique, cette orientation mobilise la théorie de la reconnaissance (Honneth) : la dignité professionnelle est condition de la cohésion sociale.
Prospective et gouvernance anticipatrice : la vision comme méthode
La présentation des réalisations et des projets, hôpital numérique, développement des services spécialisés, plan national de prévention, investissements régionaux programmés, révèle une orientation stratégique qui dépasse la simple gestion du présent. Dans la vision du Président Kaïs Saïed, il ne s’agit pas de répondre aux crises une fois qu’elles surgissent, mais de bâtir des anticipations structurelles capables d’amortir les chocs sanitaires, climatiques ou migratoires. Cette perspective, fondamentalement prospective, confère à l’action publique une cohérence temporelle : préparer avant de réparer, maîtriser avant de subir.
Sur le plan épistémique, cette stratégie implique la constitution d’un appareil de connaissance capable de guider la décision publique. Dispositifs de surveillance sanitaire, unités de veille, plateformes analytiques, production de données en continu : l’ensemble forme une architecture cognitive où la preuve devient un instrument de gouvernement. La vision présidentielle fonctionne dès lors comme un savoir organisateur, un cadre normatif qui institue la collecte systématique des informations, l’évaluation permanente des politiques et l’ajustement précoce des programmes.
Cette dynamique prospective s’articule à une dimension éthique centrale : la lutte contre la privatisation des vulnérabilités. La critique des logiques marchandes appliquées à la santé, à la spéculation pharmaceutique, aux circuits parallèles, à l’extraction de rente, ne relève pas simplement d’une dénonciation morale, elle s’inscrit dans la défense d’un principe politique : l’autonomie des services publics face aux intérêts qui fragilisent les populations. Le combat engagé par le Chef de l’État prend ainsi une double forme : réformes juridiques et administratives d’un côté (encadrement de la sous-traitance, numérisation des filières, lutte contre la contrebande), orientation normative de l’autre, visant à affirmer que la santé est un bien commun et non un marché.
En fusionnant maîtrise technologique, capacité d’anticipation et impératif éthique, cette vision construit un modèle de gouvernance où l’État retrouve son rôle de garant et de protecteur, capable d’organiser son propre avenir au lieu de se laisser dicter ses priorités par les vulnérabilités du présent.
Dialogue, légitimation et construction d’un espace public rationnel
La restitution détaillée des engagements ministériels et l’insistance sur un dialogue permanent entre les institutions publiques et les professionnels de la santé s’inscrivent dans une dynamique de légitimation profondément réfléchie. Dans la vision du Président Kaïs Saïed, la gouvernance sanitaire ne peut se réduire à une série de mesures techniques, elle doit être enchâssée dans un espace de discussion publique où les décisions tirent leur force non de la seule autorité institutionnelle, mais d’une adhésion rationnelle et collectivement construite. En portant la question de la santé au cœur de la sphère civique, le Chef de l’État cherche à ancrer l’action publique dans un processus délibératif continu, capable de produire une légitimité fondée sur l’intelligence collective et la transparence.
Sur le plan épistémique, la mise en place d’un espace de discussion informé revêt une importance particulière. Il ne s’agit pas simplement de réunir experts et citoyens, mais de créer un cadre dans lequel les savoirs techniques, les attentes sociales et les impératifs politiques peuvent se rencontrer de manière productive. Cette démarche, profondément habermassienne, vise à établir ce que le philosophe appelait une «validité normative» : une légitimité qui naît de la qualité du débat, de la circulation des arguments et de la capacité de chaque acteur à rendre ses positions intelligibles et justifiables. En instaurant ce type de dialogue, l’État renforce sa capacité à agir tout en renforçant le sentiment d’appartenance et de confiance au sein de la population.
La séance du 19 novembre 2025 illustre avec clarté cette philosophie de gouvernance. Les mesures présentées, qu’il s’agisse du renforcement de l’hôpital numérique, de la consolidation des services spécialisés, de la planification nationale des investissements, ou de la lutte contre la corruption dans les filières de santé, ne doivent pas être appréhendées comme une suite disparate de décisions techniques. Elles s’inscrivent dans une matrice conceptuelle cohérente, portée par le Président Kaïs Saïed, où la santé publique devient un pilier de la souveraineté nationale. Dans cette perspective, chaque projet contribue à élargir les marges de manœuvre de l’État : la justice territoriale assure la cohésion sociale, l’autonomie technologique garantit la maîtrise des données vitales, la dignité professionnelle renforce la légitimité du service public, et la transparence refonde la confiance institutionnelle.
Il s’agit d’une vision simultanément normative et épistémique. Normative, car elle définit des finalités politiques fortes : souveraineté, égalité d’accès, justice territoriale, protection sociale. Épistémique, car elle institue des pratiques de connaissance : collecte de données, dispositifs de veille, évaluation en continu, prospective stratégique, comme conditions de possibilité de ces finalités. Cette articulation entre valeurs, savoirs et action constitue le cœur de la stratégie présidentielle : une gouvernance qui ne se contente pas de répondre aux urgences, mais qui anticipe, structure et projette.
En somme, les réalisations et projets exposés ne représentent pas l’aboutissement d’un cycle, mais les prémices d’une refondation plus vaste, celle d’un État social renouvelé, où la santé devient le vecteur central de la résilience nationale. Si cette orientation est poursuivie avec constance et cohérence, elle est susceptible de transformer la santé en moteur d’une souveraineté réaffirmée et de redéfinir le contrat social autour de la protection de la vie collective et de la maîtrise de l’avenir national. Ce projet, qui conjugue lucidité stratégique et ambition éthique, constitue l’une des contributions majeures du Président Kaïs Saïed à la reconfiguration de l’État tunisien contemporain.
