Enfin un décret encadrant l’emploi des ouvriers de chantier ! Promulgué au Journal officiel le 20 novembre 2025, il offre des garanties sociales et professionnelles à des milliers de travailleurs longtemps laissés dans l’ombre. Il était attendu depuis que le Président Kaïs Saïed a pris l’initiative de mettre fin à la précarité sociale en décidant de rompre avec le travail précaire sous toutes ses formes.
Dès lors, un nouveau droit du travail est né sur les contrats de travail, abolissant le contrat à durée déterminée, ainsi que la sous-traitance. La loi du 21 mai 2025 a aboli le recours généralisé aux contrats à durée déterminée (CDD) en les rendant l’exception et non la règle. Les CDI constituent désormais la norme et les CDD pour des cas limités. Le décret nouvellement né concernant les travailleurs des chantiers a pour finalité de combler les lacunes du décret de 2021 en accordant plus de garanties pour les travailleurs des chantiers, qui étaient les plus marginalisés.
Dans cette optique, le nouveau texte introduit plusieurs amendements majeurs, destinés à encadrer plus rigoureusement l’emploi des ouvriers des chantiers et à régulariser la situation de catégories de travailleurs longtemps laissés en marge du système. Car, plusieurs années auparavant, les administrations publiques et les collectivités locales recouraient aux chantiers comme une solution temporaire au chômage structurel. Sous l’ancien régime, ceux qui travaillaient dans ces chantiers étaient d’ailleurs communément appelés «les chômeurs», n’étant pas régulièrement engagés à cause de cette précarité. Ils étaient employés selon les opportunités et au gré des circonstances, pouvant rester longtemps dans l’expectative, alors qu’ils étaient obligés de faire face aux besoins quotidiens de la vie avec des familles nombreuses à leur charge. Leur rémunération était très inférieure au SMIG et leur statut relevait d’une forme de précarité institutionnalisée. Ce système, né dès les premières années de l’indépendance, s’est perpétué pendant plus d’un demi-siècle sans qu’aucune réelle volonté politique ne se manifestât pour régulariser ces ouvriers. Ces travailleurs, non seulement sous-payés, étaient aussi totalement dépourvus de protection sociale. Les victimes d’accidents du travail ne recevaient que des indemnités dérisoires, et aucun régime de retraite ne leur était garanti.
Intégration des ouvriers âgés de 45 à 55 ans dans la fonction publique
Le nouveau décret marque ainsi une rupture nette avec cet héritage, en cherchant à mettre fin à une injustice sociale profondément ancrée. Ainsi, désormais ceux qui atteindront l’âge de 60 ans s’arrêteront de travailler, pour bénéficier d’une pension de retraite. Ce qui n’était pas le cas auparavant, car on voyait souvent des personnes ayant largement dépassé la soixantaine, n’ayant pas d’autres ressources, obligés de travailler afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. En outre, ils bénéficient également d’une carte de soins gratuits. Par ailleurs et selon le chapitre 2 du nouveau décret, les ouvriers âgés de 45 à 55 ans, ont la possibilité d’être régularisés par leur intégration dans la fonction publique. Ces ouvriers étaient maintenus dans la précarité et vivaient au jour le jour, ce qui sied mal notamment à ceux qui étaient les seuls soutiens de leurs familles. Cette situation avait d’ailleurs suscité de nombreuses mobilisations, notamment dans les régions les plus défavorisées, où les ouvriers de chantier constituent depuis longtemps une catégorie sociale vulnérable et négligée. En comblant cette lacune majeure, le nouveau décret ouvre enfin une perspective de stabilité professionnelle et de protection sociale pour cette «génération intermédiaire», longtemps privée de toute reconnaissance institutionnelle. Ces travailleurs peuvent désormais envisager un avenir moins incertain, fondé sur des droits consolidés et un véritable statut au sein de la fonction publique.
Consolidation des principes de la justice sociale
Le texte réaffirme également un principe essentiel concernant le mécanisme des chantiers qui doit revenir à sa vocation initiale. Il ne peut plus être détourné pour répondre, de manière permanente, aux besoins structurels en main-d’œuvre des administrations publiques ou des collectivités locales.
Conçu à l’origine comme un dispositif temporaire de travaux d’intérêt public tels que l’entretien des espaces verts, l’aménagement de zones rurales, ou les petits travaux d’infrastructure locale, le système avait progressivement dérivé en un mode d’emploi parallèle, durable et souvent utilisé pour masquer l’absence de recrutements réguliers. Cette dérive a contribué à maintenir des milliers de travailleurs dans une précarité prolongée.
En rétablissant le cadre d’intervention des chantiers, le décret entend mettre fin à ces pratiques. Ce mécanisme doit désormais être strictement limité à des missions ponctuelles d’utilité collective, tout en garantissant que ces tâches ne se substituent plus aux postes permanents relevant de la fonction publique. Ainsi, le gouvernement cherche à instaurer une gestion plus rigoureuse de l’emploi public, tout en protégeant les travailleurs contre les dérives qui, pendant des décennies, ont transformé un outil temporaire de solidarité nationale en un système de précarité institutionnalisée.
En définitive, ce nouveau dispositif s’inscrit pleinement dans la dynamique engagée par le Président de la République Kaïs Saïed afin de lutter contre la précarité et consolider les fondements de la justice sociale. En réformant en profondeur un mécanisme longtemps source d’inégalités, l’État affirme sa volonté de garantir à chaque travailleur dignité, stabilité et protection. Une étape décisive vers un modèle social plus équitable, où les politiques publiques d’emploi cessent d’entretenir la vulnérabilité pour devenir, enfin, un levier d’inclusion et de droits effectifs.
Ahmed NEMLAGHI
