Par Mondher AFi
Le 21 novembre 2025, le Président de la République a présidé, au palais de Carthage, la réception officielle de plusieurs ambassadeurs étrangers récemment accrédités, tout en rencontrant l’ambassadrice sortante de Cuba. Ces cérémonies, au-delà de leur caractère protocolaire, constituent des manifestations tangibles de l’autorité de l’État et de la souveraineté nationale.
La remise et la réception des lettres de créance ne sont pas de simples formalités, elles traduisent la capacité de la Tunisie à s’inscrire dans le système diplomatique mondial sur un pied d’égalité, à affirmer sa voix et à protéger ses intérêts tout en consolidant sa légitimité sur le plan international.
D’un point de vue philosophique et historique, ces gestes trouvent un écho dans les concepts développés par Aristote, pour qui la souveraineté représente la «puissance suprême de l’État sur son territoire», ainsi que dans la pensée de philosophes modernes tels que Jean Bodin et Hugo Grotius, qui ont théorisé la souveraineté comme fondement du droit et de la légitimité étatique.
L’accueil des ambassadeurs du Burkina Faso, du Liban et des États-Unis, ainsi que la rencontre accordée à l’ambassadrice sortante de Cuba, ne relèvent pas d’un simple rituel institutionnel, ils s’inscrivent dans une conception renouvelée de l’action diplomatique où symbolique et stratégie sont indissociablement liées. Ces gestes, en apparence protocolaires, traduisent une vision profonde de la gouvernance internationale telle qu’elle s’est affirmée ces dernières années, notamment à travers les orientations du Chef de l’État, pour qui la diplomatie n’est pas seulement une scène d’apparences, mais un espace de réaffirmation souveraine, de cohérence nationale et de projection géopolitique.
Sur le plan symbolique, ces cérémonies consolident la légitimité de l’État en réaffirmant la centralité du protocole comme langage politique. Selon Pierre Bourdieu, le capital symbolique s’acquiert à travers des actes reconnus comme légitimes par les autres acteurs ; or, la remise des lettres de créance constitue précisément l’un de ces actes performatifs où l’État manifeste son autorité, sa continuité et sa capacité à interagir d’égal à égal avec les puissances étrangères. Dans la perspective sociologique et institutionnelle adoptée par le Président, cette dimension symbolique n’est pas secondaire, elle soutient la cohésion interne, renforce le sentiment d’unité nationale et consolide l’image d’un État maître de ses décisions, fidèle à son histoire et attaché au respect mutuel.
Une diplomatie symbolique et stratégique
Mais l’enjeu est également stratégique. Ces rencontres permettent d’ouvrir ou de réactiver des espaces de coopération bilatérale dans un contexte international marqué par la recomposition des alliances, la compétition géoéconomique et l’évolution des rapports de force régionaux. En recevant ces ambassadeurs, la Tunisie démontre sa capacité à maintenir une diplomatie équilibrée, ouverte à la diversité de ses partenaires, tout en affirmant la primauté de ses propres priorités nationales. La vision présidentielle insiste sur ce point : la diplomatie ne doit pas être une simple gestion de relations extérieures, mais un outil de protection de la souveraineté, de défense de l’intérêt général et de maîtrise du destin collectif.
C’est pourquoi la dimension symbolique se transforme en ressource stratégique : elle nourrit un capital relationnel essentiel pour mener une diplomatie autonome, capable de négocier, de refuser lorsque cela s’impose et de proposer lorsque les intérêts convergent. La reconnaissance du rôle des ambassadeurs, l’insistance sur la réciprocité des relations et l’affirmation d’une dignité souveraine non négociable traduisent une conception normative de l’action diplomatique, où la dignité de l’État devient un principe structurant. Cette cohérence entre éthique de la souveraineté et pratique diplomatique se manifeste dans une volonté claire de dépasser les logiques de dépendance, de refuser les ingérences et de situer la décision nationale au cœur du jeu international.
Dans cette perspective, la diplomatie tunisienne devient un instrument prospectif : elle anticipe les transformations régionales, évalue les risques géostratégiques, ouvre de nouvelles marges de manœuvre économiques et culturelles et se positionne comme un acteur capable de défendre ses choix face aux pressions extérieures. Ce faisant, elle traduit l’idée, chère au Président, que la souveraineté n’est pas un slogan mais une praxis : un exercice continu de vigilance, de cohérence et de lucidité politique. Ainsi, loin de se limiter à la gestion quotidienne des relations bilatérales, ces réceptions diplomatiques s’inscrivent dans une vision globale où la Tunisie affirme simultanément son identité, sa liberté de décision et sa place dans un monde en mutation.
La diplomatie comme levier de coopération et de développement
La rencontre avec l’ambassadrice sortante de Cuba constitue un révélateur essentiel de la manière dont la Tunisie conçoit aujourd’hui son action extérieure : une diplomatie orientée vers l’efficacité, articulée autour d’un projet national qui place le développement, la souveraineté et la cohérence des politiques publiques au cœur de la relation internationale. En saluant l’engagement de la diplomate et en soulignant la continuité des partenariats dans les domaines de l’éducation, de la santé, du tourisme, de la culture et de l’industrie pharmaceutique, le Président montre que la coopération bilatérale n’est pas un simple rituel diplomatique, mais une ressource stratégique pour renforcer les capacités nationales.
Dans cette perspective, la Tunisie adopte une diplomatie qui dépasse les logiques classiques de présence et de représentation pour devenir un instrument concret de transformation socio-économique. Le Président insiste, dans ce type de rencontres, sur la valeur des échanges éducatifs, médicaux et culturels en tant que leviers d’émancipation collective. En mobilisant les compétences nationales et en favorisant un transfert mutuel de savoir-faire, ces initiatives permettent de consolider un tissu social résilient, capable de soutenir l’effort de reconstruction économique.
Cette approche s’inscrit dans une vision où la diplomatie ne se limite plus aux négociations politiques, mais englobe une dimension sociale et territoriale. Le Président Kaïs Saïed défend l’idée que chaque partenariat doit contribuer à la souveraineté nationale, à la montée en compétence des institutions et à la réduction des dépendances extérieures. Ainsi, la coopération éducative avec Cuba ne vise pas seulement l’échange d’expertises, elle participe à la formation d’un capital humain apte à répondre aux besoins du pays et à soutenir un modèle de développement autonome.
La valorisation du capital culturel et scientifique constitue également un axe majeur de cette vision. En considérant la culture comme un pilier stratégique, le Président affirme une conception intégrée de la diplomatie, où l’identité nationale et l’ouverture sur le monde se renforcent mutuellement.
Souveraineté et reconnaissance internationale : un équilibre complexe
Dans un monde structuré par une interdépendance économique, technologique et culturelle croissante, la souveraineté tunisienne s’affirme aujourd’hui comme un enjeu géostratégique central. Elle n’est plus seulement un principe juridique, mais une responsabilité politique visant à protéger la capacité de l’État à décider librement dans un environnement international marqué par les rivalités de puissance, les asymétries économiques et les pressions normatives. Dans cette perspective, la réception protocolaire des ambassadeurs dépasse largement la dimension symbolique : elle devient un acte stratégique par lequel la Tunisie réaffirme son autonomie, consolide sa légitimité et renforce sa présence dans le système international.
L’histoire de la pensée politique éclaire cette dynamique. Jean Bodin considérait la souveraineté comme l’autorité suprême permettant à l’État d’exercer son pouvoir sans dépendance extérieure. Hugo Grotius soulignait que cette souveraineté ne prend sens que lorsqu’elle est reconnue par les autres nations. Bentham et Austin rappelaient quant à eux que la souveraineté implique un pouvoir effectif, capable de s’affirmer dans les relations internationales.
Dans ce cadre, chaque geste diplomatique devient un outil géostratégique : consolider des alliances, diversifier les partenariats, équilibrer les rapports de force et protéger les intérêts vitaux du pays. Ainsi, en affirmant sa souveraineté à travers ses pratiques diplomatiques, la Tunisie se dote des leviers nécessaires pour renforcer sa sécurité, stabiliser son développement et construire une présence internationale crédible et durable.
Diplomatie, cohésion nationale et projet prospectif
Au-delà de leur dimension internationale, les cérémonies diplomatiques tenues au palais de Carthage exercent un impact structurant sur la cohésion interne et sur la représentation collective de l’État. Elles projettent l’image d’un pays capable de conjuguer tradition et modernité, continuité institutionnelle et adaptation stratégique. Dans cette dynamique, l’État apparaît non seulement comme détenteur d’une légitimité historique, mais aussi comme acteur engagé dans un projet de transformation systémique articulant souveraineté, développement et cohésion nationale.
Les interactions diplomatiques, menées sous l’égide du Président, contribuent à la construction d’un capital de confiance nationale essentiel pour la stabilité politique et sociale. Elles renforcent le sentiment d’appartenance à une communauté politique unifiée, tout en montrant que la souveraineté n’est pas un principe abstrait, mais une capacité réelle à agir, à décider et à défendre les intérêts du pays dans un environnement international marqué par l’incertitude et la compétition. La reconnaissance de l’État par ses partenaires, à travers le rituel des lettres de créance, participe à consolider la légitimité institutionnelle et à ancrer l’autorité publique dans un cadre symbolique partagé par les citoyens.
Dans la perspective défendue par le Président, la diplomatie n’est jamais un simple exercice protocolaire. Elle constitue un espace de rationalité stratégique où se rencontrent pragmatisme, éthique et vision à long terme. En combinant gestes symboliques et orientation prospective, la diplomatie tunisienne se mue en un véritable laboratoire de réflexion politique, capable d’anticiper les mutations régionales et internationales, de repositionner le pays dans les chaînes de coopération mondiale, et de garantir la défense de son autonomie décisionnelle. Cette approche rejoint l’idée, développée par Raymond Aron, selon laquelle les relations internationales sont un champ où chaque État cherche à affirmer sa liberté d’action tout en préservant son identité.
Ainsi intégrée, la diplomatie devient un levier de transformation globale. Elle facilite la négociation de partenariats équilibrés, susceptibles de soutenir la modernisation économique, la diversification des échanges, l’innovation culturelle et le développement social. Le Président insiste sur une diplomatie qui refuse la dépendance, privilégie la réciprocité et inscrit chaque coopération dans une logique de bénéfice mutuel. Sous cet éclairage, les cérémonies de Carthage ne sont pas des événements isolés, elles s’inscrivent dans une stratégie cohérente où chaque geste vise à consolider la souveraineté, à renforcer l’autorité de l’État et à ouvrir des perspectives nouvelles de développement.
En projetant une image de stabilité, de dignité et de résilience, la Tunisie affirme sa capacité à agir en acteur autonome dans un monde traversé par les tensions géopolitiques et les recompositions stratégiques. La diplomatie devient ainsi un pilier central de l’affirmation nationale : un espace où l’État défend ses choix, articule son projet et construit la confiance nécessaire pour mobiliser les forces internes autour d’un avenir commun.
