En Tunisie, les terres à vocation agricole représentent environ 10 millions d’hectares sur l’ensemble du pays. 5 millions d’hectares de ces terres labourables sont essentiellement destinées aux grandes cultures et à l’arboriculture. Olives, dattes, agrumes, vignes et céréales constituent une véritable richesse agricole du pays dont la production ne cesse d’augmenter à travers les années et ce, malgré les années de faible pluviométrie ou de sécheresse.
A cette variété de produits agricoles, il faut ajouter l’importance de la culture de pistachiers qui occupe des zones importantes, notamment au Nord-Ouest du pays (Gafsa, Kasserine…) et dont la production est substantielle.
En effet, la Tunisie a cherché après l’indépendance à moderniser son agriculture et ce, grâce aux compétences d’ingénieurs agricoles tunisiens qui ont visé à diversifier les productions et à assurer la sécurité alimentaire. C’est que la Tunisie moderne présente actuellement une production agricole diversifiée. Le Nord est propice aux céréales, aux légumes, aux olives, aux raisins et aux agrumes. Le Sud est réputé pour ses dattes. L’arboriculture fruitière et les cultures maraîchères se sont développées dans tout le pays, souvent grâce à l’irrigation. Depuis l’indépendance du pays, les agronomes tunisiens se sont penchés également sur le renouvellement de variétés anciennes d’oliviers, de céréales ou de pistachiers qui datent de l’Antiquité en les remplaçant par de nouvelles plantations plus résistantes à la sécheresse face au changement climatique.
Depuis l’indépendance, le gouvernement a mis l’accent sur la «tunisification» de l’agriculture. Dans le secteur agricole, cela implique d’apprendre aux agriculteurs tunisiens à modifier leurs pratiques agricoles traditionnelles et de mettre en œuvre diverses réformes matérielles et institutionnelles afin de favoriser la réalisation du potentiel économique de la Tunisie en tant que nation indépendante et majoritairement agricole. D’où l’intérêt porté aux études agricoles et la formation d’une nouvelle génération d’ingénieurs spécialisés dans l’exécution de cette tâche. L’objectif étant de revitaliser l’agriculture afin de permettre d’absorber une grande partie de la main-d’œuvre inexploitée du pays, notamment dans les zones rurales. Ainsi, une base solide a été mise en place pour une amélioration progressive de notre agriculture et du niveau de vie des agriculteurs. Et c’est ainsi qu’on a vu naître dès les années 60 les pionniers de l’agriculture en Tunisie nouvellement indépendante, ceux qui ont renforcé les grandes plantations comme les oliviers et les pistachiers et d’autres cultures.
Des projets prometteurs
Parmi ces pionniers, on peut citer le nom de Sadok Djallouli, ingénieur en chef agricole au ministère de l’Agriculture à l’époque qui, entouré de ses élèves, également ingénieurs, et avec l’assistance du PAM (Programme Alimentaire Mondial), dont il fut le directeur, et d’autres institutions, a pu réaliser un grand projet à Kasserine qui consistait en la plantation de 830.000 pistachiers, sur une superficie de 8200 hectares, dont 90% sont actuellement en phase de production, ce qui était un exploit agronomique d’une grande importance pour la région et pour la Tunisie. Auparavant, il y eut la création de l’Ecole de Moghren (gouvernorat de Zaghouan), l’un des grands projets réalisés sous sa direction et où il fut à la fois directeur et enseignant.Toute sa vie durant, il s’était consacré à l’agriculture, à l’enseignement et à la recherche. C’est lui qui disait toujours : «Le développement rural commence par l’enseignement» ou encore : «L’agriculture n’est pas une mémoire du passé, c’est la promesse de l’avenir». Jusqu’à ce jour, ses anciens élèves et collaborateurs évoquent la compétence de cet homme et surtout sa nouvelle conception pour l’avenir de l’agriculture en Tunisie. En effet, dans chaque pistachier qui pousse aujourd’hui à Kasserine, il y a un peu de son regard, de sa main et de sa foi dans l’avenir de la Tunisie. Pour rendre à César ce qui appartient à César, il faut reconnaître que c’est à cette communauté agricole et scientifique, attachée à ses racines, dont l’ingénieur agricole Sadok Djallouli, que revient le mérite d’intensifier les plantations de pistachiers au Sud-Ouest du pays. En outre, Sadok Djallouli et son équipe se sont intéressés à la modernisation des infrastructures et à l’amélioration des conditions sociales des ouvriers agricoles de la région en procédant à leur titularisation et à la construction de 300 logements pour ces ouvriers qui, auparavant, vivaient dans des gourbis.
L’histoire de la plantation de pistachiers en Tunisie remonte à l’Antiquité et cette culture s’est développée au fil des siècles. Aujourd’hui, le pistachier est un pilier économique dans la région du Nord-Est du pays, avec une expansion continue grâce à l’adoption de techniques modernes, comme l’irrigation, et au soutien de projets de développement agricole qui visent à accroître la superficie plantée et à améliorer la production.
Augmentation de la production et rendement exceptionnel
Il est à noter que le pistachier est un arbre qui résiste à la sécheresse et à la faible pluviométrie, étant adaptable aux conditions climatiques de cette région.
Depuis des années, de nouvelles plantations de cet arbre ont vu le jour, couvrant aujourd’hui environ 33 000 hectares, à Gafsa particulièrement, qui occupe la première place avec 22 000 hectares. Le gouvernorat de Kasserine vient en seconde position. On estime que la production nationale est d’environ 5 000 à 6 000 tonnes par an. Toutefois, si cette production est assez suffisante pour une consommation locale sans cesse croissante, elle n’occupe pas encore une bonne place sur le marché mondial, dominé par les pistaches de l’Iran, de la Turquie et de la Syrie.
Aujourd’hui, la Tunisie est un producteur majeur de pistaches en Afrique. Cette culture se développe sur des superficies croissantes, en systèmes irrigués et pluviaux. Une récolte record de 4289 tonnes a été atteinte en 2025 rien que dans le gouvernorat de Gafsa. A Kasserine, la production de pistaches pour la saison agricole 2024-2025 a été également significative, avec une récolte record estimée à près de 1650 tonnes. Rien que dans les sites de Majel Bel Abbès, la récolte a atteint plus de 800 tonnes de pistaches. Ces chiffres témoignent d’une augmentation importante de la production et d’un rendement exceptionnel dans la région de Kasserine.
Hechmi KHALLADI