L’article 50 du projet de loi de Finances pour 2026 apporte des modifications à l’article 23 du décret n°79 de 2022 relatif à l’impôt sur la fortune immobilière. En effet, cet article est entièrement abrogé et remplacé par un nouveau dispositif instaurant un impôt général sur la fortune.
L’un des changements les plus significatifs concerne l’élargissement du champ d’application. Alors que le système en vigueur depuis 2023 ne portait que sur la fortune immobilière, le nouveau projet assujettit désormais à l’impôt aussi bien les biens immobiliers que les biens mobiliers. Ainsi, fonds, titres, capitaux et diverses catégories de biens mobiliers deviennent imposables au même titre que les biens immobiliers.
Le projet introduit également un barème progressif destiné à mieux refléter la capacité contributive des redevables. Les biens immobiliers et mobiliers de chaque personne physique dont la valeur vénale est comprise entre 3 et 5 millions de dinars seraient soumis à un taux de 0,5 %, tandis que ceux dépassant 5 millions de dinars seraient imposés à hauteur de 1%. Cette progressivité rompt avec l’ancien régime qui appliquait un taux unique de 0,5% sur les biens immobiliers appartenant à chaque personne physique dont la valeur vénale atteint ou dépasse 3 millions de dinars, y compris les immeubles de ses enfants mineurs sous tutelle.
En matière d’exemptions, le projet clarifie et élargit la liste des biens non imposables. Outre l’habitation principale du redevable et le mobilier qui y est utilisé, sont également exonérés les biens immobiliers affectés à un usage professionnel ainsi que les fonds de commerce effectivement exploités. S’y ajoutent les véhicules non utilitaires dont la puissance fiscale est inférieure ou égale à douze chevaux.
Le projet maintient l’échéance déclarative fixée à la fin du mois de juin, tout en élargissant les mécanismes de dépôt. La déclaration et le paiement pourront désormais être effectués par voie électronique. Par ailleurs, le lieu de dépôt pourra être déterminé en fonction du lieu de résidence principal du contribuable ou de l’emplacement du bien immobilier ou mobilier. Le texte confère également à l’administration fiscale la possibilité de redéfinir le siège réel du contribuable lorsque les circonstances l’exigent.
Un débat parlementaire marqué par de profondes divergences
L’introduction de cet impôt sur la fortune a donné lieu à un débat entre les commissions des finances des deux chambres parlementaires. La Commission des finances de l’Assemblée des représentants du peuple a exprimé de fortes réserves, évoquant l’absence d’étude de faisabilité financière, les difficultés logistiques liées à l’évaluation des biens privés et les risques économiques potentiels, tels que la baisse de l’investissement et de l’épargne ou la fuite des capitaux. Elle a proposé que l’impôt cible plutôt les revenus que le capital, et qu’il soit appliqué uniquement à titre exceptionnel et temporaire.
À ce titre, et dans une déclaration au journal Le Temps, le député Abdeljalil El Héni, président de la Commission des finances de l’ARP, a expliqué que l’article 50, relatif à l’élargissement de l’impôt sur la fortune, affecte les dépôts d’épargne, les participations et les actions, et porte de manière significative atteinte à l’investissement ainsi qu’à l’épargne, dont le taux est passé de 16% il y a dix ans, à seulement 4,6% aujourd’hui. Il a ajouté que cet article pourrait également favoriser la contrebande et l’évasion fiscale.
Le président de la Commission des finances de l’ARP a précisé que le rejet de cet article ne signifie pas l’abandon du projet de loi dans son ensemble, puisque la loi de Finances de 2023 a déjà instauré une taxe de 0,5% sur la fortune immobilière dépassant 3 millions de dinars.
Le député a, par ailleurs, indiqué que le gouvernement pourrait réintroduire cet article, conformément aux dispositions de l’article 112, et qu’il serait probablement réexaminé ou présenté de nouveau ultérieurement. «Cette position ne constitue pas une défense des riches ou des détenteurs de capitaux, mais reflète plutôt une volonté de préserver l’économie nationale», a-t-il souligné.
La Commission des finances du Conseil national des régions et des districts valide le texte avec des ajustements
À l’inverse, la Commission des finances du Conseil national des régions et des districts a soutenu le dispositif tout en recommandant plusieurs ajustements. Elle a notamment proposé de modifier les seuils d’imposition, en fixant un taux de 0,5% pour les fortunes comprises entre 2 et 3 millions de dinars et de 1% pour celles dépassant 3 millions de dinars, tout en excluant les fonds déposés dans les banques, les institutions financières, la Poste tunisienne, ainsi que les valeurs mobilières et les capitaux.
Dans ce cadre, Oussama Sahnoun, vice-président de la Commission des finances au Conseil national des régions et des districts, a déclaré au journal Le Temps que l’article 50 et sa modification ont été approuvés par les deux commissions, celle du Conseil national des régions et des districts, ainsi que celle de l’Assemblée des représentants du peuple.
Il a révélé que le premier amendement concerne l’exemption des sommes déposées dans les banques ou à la Poste tunisienne, tandis que le second porte sur l’élargissement de l’assiette fiscale, dans le but d’accroître les recettes générées par cette mesure.
«Il est inexact d’affirmer que cet article a été abrogé, car il n’a pas été rejeté. En effet, la notion de ‘’rejet’’ se réfère au vote des commissions : si l’Assemblée des représentants du peuple avait voté pour le rejeter mais que le Conseil des régions et des districts ne l’avait pas fait, le texte original serait alors présenté en séance plénière pour examen», a-t-il expliqué.
Nouha MAINSI
