Par Slim BEN YOUSSEF
Le pouvoir est un fardeau. Il exige une vigilance intérieure qui ne souffre ni distraction ni complaisance. Tout responsable public devrait garder en mémoire l’attente du peuple, cette attente simple et ancienne : voir son pays avancer avec droiture, courage et imagination. Dans les temps décisifs, Machiavel parlait de virtù : cette force fondatrice qui permet à une nation de trancher ce qui doit l’être et d’oser ce que d’autres redoutent. La Tunisie entre dans l’un de ces moments où la décision devient une forme de moralité.
Chaque époque a ses illusions. La nôtre s’est longtemps appuyée sur des solutions prudentes, des ajustements partiels, des compromis fragiles. Or l’histoire ne récompense que ceux qui engagent l’avenir avec clarté. Gramsci rappelait que l’intelligence doit être lucide jusqu’au pessimisme, mais que la volonté doit rester ardente. C’est cette tension féconde qui peut transformer le pays : lucidité pour regarder les failles, ardeur pour bâtir l’inédit.
Le monde change. Les cartes se recomposent. La Tunisie ne se tient pas à l’écart : elle fait partie du Sud global par trajectoire et par conviction. Elle a vocation à devenir un laboratoire politique où l’audace, l’équité et la souveraineté inventent des voies nouvelles. Pour cela, il faut des lois jeunes, précises, adaptées aux besoins de la population et capables de porter une ambition collective. Les textes publics devraient respirer l’usage, la justice et la continuité du temps long.
Nietzsche affirmait que seules les forces créatrices survivent vraiment. Il ne songeait ni à la brutalité ni au désordre, mais à cette énergie qui choisit de se dépasser au lieu d’attendre qu’on la sauve. Une nation peut renaître de cette volonté : par la refonte de son administration, par la promotion du travail et de la dignité, par l’élargissement de son horizon économique et touristique, par une confiance renouvelée dans son génie social.
Le développement authentique possède une beauté propre. Il élève, apaise et transmet. Les générations futures devraient hériter d’un pays où l’humain, la justice, la joie simple et le bien-être deviennent autant de signes d’une civilisation accomplie. Qu’est-ce que le développement authentique ? Le pouvoir comme responsabilité lourde — la renaissance tunisienne comme œuvre lucide — et la souveraineté comme devoir créatif.
Le moment est venu d’assumer des décisions qui engendrent, qui donnent forme. Les nations avancent lorsque leurs décisions deviennent des forces de création. Le destin d’un pays se sculpte par des décisions qui inventent. Le nôtre peut atteindre cet horizon s’il accepte d’assumer la charge du pouvoir comme un acte de création. Le temps, toujours impartial, saura reconnaître l’effort fondateur.
