Il y a quelques jours, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Sadok Mourali, a souligné, lors de la séance plénière consacrée au budget 2026 de son département, que «le projet de loi relatif aux jeux de hasard, d’argent et de paris sportifs a été entièrement révisé pour être conforme aux normes internationales de lutte contre la manipulation et le blanchiment d’argent. Il sera incessamment soumis au Parlement».
Un tel projet serait d’un grand apport pour la réorganisation des jeux de hasard en Tunisie, notamment le pari sportif.
Nul ne peut ignorer l’impact négatif provoqué par ce phénomène de plus en plus flagrant en Tunisie. En effet, l’addiction aux jeux de hasard est un problème touchant plusieurs couches de la population (riches et pauvres, hommes et femmes), ce qui pourrait entraîner des problèmes familiaux et sociaux énormes. Officiellement, ces jeux de hasard en Tunisie sont autorisés par la loi, à condition qu’ils se pratiquent selon les réglementations en vigueur. Cependant, dans notre contexte arabo-musulman et selon les principes de l’Islam, les jeux de hasard et les paris d’argent sont strictement interdits, car ils sont perçus comme une source d’incertitude financière et de dépendance, pouvant avoir des conséquences néfastes sur les individus et la société.
Le pari sportif, une pratique populaire
Dans certains pays, les jeux de pari sont parfaitement légaux et réglementés, tandis que dans d’autres, ils sont totalement interdits ou limités à des formes spécifiques de jeu comme c’est le cas en Tunisie pour le pari sportif, communément appelé «Promosport», qui est géré par la loi 84-63 du 6 août 1984. D’autres jeux de hasard sont pratiqués en Tunisie, comme la loterie, les courses de chevaux (nationales ou internationales) dont les résultats sont publiés dans certains journaux, ainsi que les casinos qui proposent des jeux de table, des machines à sous et des jeux de roulette. On peut citer aussi le Powerball et le Bingo.
Un marché parallèle en pleine expansion
Ajoutons à cela, les paris sportifs internationaux qui se pratiquent à travers le Net où l’on voit un grand engouement sur les sites de paris en ligne. L’absence de cadre juridique clair a conduit à une prolifération de boutiques et de sites de paris en ligne non réglementés et ce, depuis plusieurs années. Ce marché parallèle des paris sportifs en Tunisie est en pleine expansion, avec un chiffre d’affaires estimé à environ 7 millions de dinars. Cette situation entraîne une évasion fiscale significative, privant l’État de ressources essentielles pour financer des programmes sociaux et des services publics.
Mais il existe d’autres jeux de hasard chez nous qui se font illégalement et dans la discrétion totale. Ces différents jeux de hasard échappent souvent au contrôle de l’Etat, mais le seul jeu monopolisé et règlementé est celui qui est exercé sous le contrôle de Promosport, sachant que les revenus générés par ce pari sont soumis à une retenue à la source de 25%, ce qui procure plus de 160 millions de dinars à l’Etat.
Toutefois, le pari sportif demeure le jeu favori de la majorité des Tunisiens dont certains y consacrent un budget mensuel. Presque toutes les catégories sociales s’y adonnent à volonté, considérant ce jeu comme un véritable défi à relever, quoique les chances soient souvent minimes. Il arrive que des parieurs gagnent le gros lot, certains savent en tirer profit, contrairement à la plupart qui n’en usent pas sciemment.
Des statistiques récentes montrent que durant ces dernières années, la participation des Tunisiens à divers types de jeux a considérablement augmenté. Ainsi, on estime que 28,3% des Tunisiens ont effectué des paris sportifs au cours des 12 derniers mois.
Les risques encourus
Les jeux de hasard ont sans doute des conséquences sociales et économiques aussi bien sur le parieur que sur sa famille et sur la communauté en général. En effet, sur le plan individuel, ces jeux peuvent mener à l’addiction, ayant toujours le désir et l’espoir de gagner. Ensuite, le budget consacré aux jeux de hasard pourrait affecter sa vie familiale et économique puisqu’il subit souvent des pertes financières importantes aux jeux, causant ainsi des ruptures familiales ou des violences domestiques. D’ailleurs, nombreuses sont les familles qui sont ruinées à cause des jeux de hasard. De même, un parieur pourrait être scandalisé ou stigmatisé par ses proches ou ses voisins, surtout ceux qui croient que ces jeux de hasard sont contraires aux valeurs de l’islam, ce qui affecterait ses relations et son intégration sociale.
Des études psychologiques montrent que des problèmes de santé mentale (anxiété, dépression…) peuvent se manifester et s’exacerber chez le joueur de hasard, ce qui peut influer sur toute la famille. Dans certains cas, le besoin de financer les pertes liées aux jeux peut pousser certains individus à commettre des actes criminels, comme le vol ou la fraude. Certains parieurs sont obligés d’emprunter fréquemment de l’argent pour continuer à jouer ou payer leurs dettes contractées au jeu. Et ce n’est pas un hasard si l’on entend parfois qu’un tel joueur a vendu sa voiture ou sa maison, suite à des pertes successives aux jeux. De même, on trouve des parieurs qui font de ces jeux leur pain quotidien, vivant constamment dans l’angoisse et toujours impatients de savoir s’ils seraient un jour parmi les heureux gagnants.
Hechmi KHALLADI