Le ministère des Finances poursuit sa stratégie de modernisation et d’assainissement du système fiscal en franchissant un nouveau pas décisif : la généralisation progressive de la facturation électronique dans le secteur des services. Cette mesure, inscrite dans l’article 56 du projet de loi de Finances 2026, marque un tournant majeur dans la lutte contre l’évasion fiscale, dans l’amélioration de la traçabilité économique et dans l’établissement d’un climat de confiance entre l’administration et les opérateurs.
Dans un pays où plus de 310 000 prestataires de services exercent actuellement, le passage au numérique apparaît désormais comme une nécessité structurelle pour mieux cerner la réalité de l’activité économique.
La décision d’étendre l’obligation de facturation électronique à l’ensemble des opérations de prestation de services répond à un double objectif. D’abord, il s’agit de réduire les zones d’opacité qui entourent encore une grande partie du secteur. Les services, qu’il s’agisse de professions libérales, d’entreprises de conseil, d’ateliers spécialisés, d’instituts de beauté, de prestataires informatiques ou encore d’agences diverses, représentent un volume d’activité considérable et complexe à suivre. L’absence d’un outil unifié de facturation rend difficile l’évaluation précise des revenus réels, fausse les statistiques économiques et ouvre la voie à des pratiques de dissimulation.
Ensuite, cette réforme s’inscrit dans une dynamique internationale et régionale. De nombreux pays ont déjà adopté la facturation électronique, convaincus qu’elle constitue l’un des mécanismes les plus efficaces pour moderniser la gestion fiscale. Pour la Tunisie, il s’agit d’un pas supplémentaire dans la transition numérique de l’administration, entamée depuis plusieurs années, et destinée à simplifier les procédures, réduire les litiges et fluidifier les échanges entre contribuables et autorités fiscales.
Le ministère des Finances a souligné que la première phase de déploiement commencera en 2026, en parallèle avec la mise en place des infrastructures techniques nécessaires. Cette étape préparatoire sera également consacrée à la formation et au renforcement des équipes chargées de superviser l’application du dispositif. L’objectif est de mettre en place un système robuste, sécurisé et adapté aux spécificités des différents corps de métiers, afin d’éviter toute difficulté d’adaptation.
Un outil au service de la transparence et de l’équité fiscale
La généralisation de la facturation électronique apportera une transformation profonde du rapport entre le contribuable et l’administration. En imposant l’enregistrement en temps réel des transactions effectuées, elle permettra de limiter les marges de manœuvre liées à la dissimulation partielle ou totale des revenus. Chaque opération sera automatiquement tracée, certifiée et archivée, ce qui facilitera les contrôles, réduira les manipulations possibles et garantira une meilleure équité entre les opérateurs du même secteur. La réforme aura également un impact significatif sur la relation de confiance entre l’État et les acteurs économiques. La transparence des données constitue un élément indispensable pour instaurer une fiscalité plus lisible, plus cohérente et plus juste. Elle évite les approximations, réduit les risques de conflits et permet à l’État d’ajuster ses politiques en s’appuyant sur des chiffres fiables.
Pour les prestataires de services eux-mêmes, cette transformation pourrait représenter une opportunité. En adoptant la facturation électronique, ils bénéficieront d’une meilleure organisation administrative, d’une réduction des erreurs de calcul, d’une facilité de gestion comptable et d’une protection accrue contre les litiges avec les clients. La digitalisation peut également encourager les entreprises à renforcer leur professionnalisation et à améliorer leur image auprès du public, dans un contexte où la transparence est devenue un critère essentiel de crédibilité.
Vers une nouvelle culture de conformité fiscale
Au-delà de l’aspect technique, la généralisation de la facturation électronique marque l’émergence d’une nouvelle culture économique fondée sur la conformité, la rigueur et la responsabilité. La Tunisie cherche à dépasser les anciennes pratiques et à installer durablement une logique de transparence dans l’ensemble de la chaîne productive. Le secteur des services, longtemps difficile à contrôler, sera désormais mieux encadré et mieux valorisé.
Cette réforme ne se limite donc pas à un simple outil numérique. Elle constitue une véritable transformation structurelle, un levier essentiel pour renforcer les ressources de l’État, moderniser l’économie et bâtir un environnement plus sain, plus équitable et plus compétitif. Le passage à la facturation électronique n’est pas seulement une obligation, il représente une étape déterminante vers une gouvernance fiscale solide et alignée sur les standards internationaux, capable de répondre aux défis de demain.
Leila SELMI
