La question des diplômés chômeurs revient à l’agenda national, cette fois avec des mesures concrètes. Lors de l’examen du projet de loi de Finances 2026, la commission des finances a validé les articles 13 et 14, deux dispositifs destinés à favoriser l’insertion professionnelle des diplômés chômeurs de longue durée et à renforcer les mécanismes publics d’appui à l’emploi.
L’article 13 institue un régime d’incitation à l’embauche dans le secteur privé et transfère en même temps à l’État, la charge de la contribution patronale au régime légal de sécurité sociale et ce, concernant les salariés titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur recrutés à compter du 1ᵉʳ janvier 2026. Cette prise en charge sera dégressive sur cinq ans : 100% la première année, 80% la deuxième, 60% la troisième, 40% la quatrième et 20% la cinquième. Un mécanisme qui favorise l’intégration des diplômés chômeurs dans le marché du travail.
Quant à l’article 14, il élargit le champ d’intervention du Fonds national de l’emploi en modifiant la loi n°101 de 1999. Le fonds pourra désormais financer les programmes destinés à rehausser les compétences des demandeurs d’emploi, des étudiants en fin de cursus universitaire et des apprenants des centres de formation professionnelle. Cette extension vise à concentrer les ressources publiques vers les profils touchés par le chômage de longue durée et à renforcer les parcours de qualification avant l’insertion professionnelle.
Plateforme numérique et mise en œuvre progressive du budget 2026
Adoptées par les deux chambres législatives, ces mesures s’inscrivent dans la politique de justice sociale prônée par le Président de la République Kaïs Saïed et répondent à l’esprit de la Constitution, ainsi qu’aux revendications de la révolution relatives au droit au travail. Le recrutement s’effectuera via une plateforme numérique, sur dossier et par étapes successives, permettant une mise en œuvre progressive dès le budget 2026 et offrant une réelle perspective à une large frange de diplômés laissés pour compte.
Les mesures inscrites aux articles 13 et 14, qui visent à encourager l’embauche des chômeurs diplômés, s’inscrivent dans une logique de réinsertion professionnelle et de lutte contre le chômage des jeunes. Si leur ambition est clairement affichée, leur réussite dépend toutefois d’une série de conditions économiques, institutionnelles et sociales. Toutefois, plusieurs défis sont à lever, dont la capacité réelle à absorber de nouveaux diplômés, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé. Et ce, malgré la prise en charge de la contribution patronale au régime de sécurité sociale selon l’article 13 précité. Même avec des incitations fiscales ou financières, de nombreuses entreprises tunisiennes, surtout les PME, manquent de visibilité économique, de capacité d’investissement ou même de trésorerie stable. Elles pourraient donc se montrer réticentes à recruter, même avec le soutien de l’État. Il y a également le risque pour des entreprises de profiter de certains avantages en vertu des articles 13 et 14, sans créer d’emplois durables. Car, dans plusieurs programmes passés, certaines entreprises ont profité des primes sans offrir de véritables postes et sans maintenir l’employé au-delà de la période subventionnée. Donc, sans mécanisme de contrôle, les mêmes dérives pourraient se reproduire.
Quelle probabilité de réussite ?
En cas de mesures bien ciblées, la réussite est fort possible. Les articles 13 et 14 peuvent fonctionner s’ils s’adressent prioritairement aux secteurs en croissance, aux entreprises qui démontrent un potentiel d’expansion, aux zones à fort chômage. Donc, un ciblage intelligent augmente la probabilité d’impact réel. Les résolutions prévues par les articles 13 et 14 constituent donc une opportunité pour stimuler l’emploi des diplômés et favoriser leur réinsertion professionnelle. Elles peuvent produire des résultats tangibles, mais à condition que la transparence soit garantie et le suivi rigoureux assuré. En outre, il est nécessaire de penser à simplifier les procédures, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé et de soutenir les entreprises. Autrement dit, la réforme peut réussir, mais elle a besoin d’un environnement plus large et favorable à l’investissement, à la création d’emplois et à la modernisation du marché de travail tunisien.
Quoi qu’il en soit, les résolutions à travers les articles 13 et 14 marquent un tournant important dans la politique d’appui à l’emploi, en redéfinissant les missions du Fonds national de l’emploi (FNE). En élargissant son champ d’intervention, le législateur permet désormais au Fonds de financer «les programmes et mécanismes visant à rehausser les compétences des demandeurs d’emploi, des étudiants inscrits dans les dernières années de l’enseignement supérieur, ainsi que des apprenants des centres de formation professionnelle».
Montée des diplômés chômeurs et repositionnement stratégique de l’Etat
Ce changement n’est pas purement technique car il reflète un repositionnement stratégique de l’État face à la montée du chômage des diplômés, longtemps laissés pour compte et à la nécessité d’adapter le capital humain aux mutations du marché du travail. Ce qui ouvre la voie à une multitude d’actions jusque-là limitées ou insuffisamment financées. Le Fonds pourra soutenir les programmes de mise à niveau destinés aux diplômés trop longtemps éloignés du marché du travail, ainsi que les formations certifiantes dans des secteurs en tension tels que le numérique, l’ingénierie, l’agro-industrie ou les métiers verts.
Cette extension du rôle du Fonds national de l’emploi traduit ainsi la volonté de l’État de rationaliser les dépenses publiques en les orientant vers des programmes à forte valeur ajoutée, susceptibles de produire un impact durable sur l’employabilité. Elle s’inscrit également dans une vision plus large de justice sociale, telle que défendue par le Président de la République Kaïs Saïed, selon laquelle l’accès au travail constitue un droit fondamental et non une simple opportunité économique. Elle constitue donc un champ de possibilités inédites, à condition que les structures de formation, les entreprises partenaires et les administrations concernées soient en mesure de mettre en œuvre ces dispositifs avec l’efficacité et la coordination nécessaires.
Ahmed NEMLAGHI
