Abdelhakim Zraïer vient de publier un nouveau recueil de poésie intitulé « Rugissement de la parole » en langue dialectale. C’est un nouveau maillon d’une chaine de recueils qu’il a déjà publiée et qui reposent sur la « parole », sachant que la poésie arabe dialectale est avant tout orale. C’est ainsi que ses recueils antérieurs portent les titres suivants : « Sources de la parole », « Nectar de la parole », « Miroir de la parole » et « Fin de la parole ». L’omniprésence du mot « parole » dans chacun de ces titres révèle bien l’intérêt que porte le poète à ce genre de poésie qui lui permet d’être plus proche de son public et d’interagir avec lui directement, tant que la langue utilisée (le dialecte tunisien) est à la portée de tous.
Ce nouveau recueil, paru en novembre 2025, comprend 12 poèmes répartis sur 118 pages. Ce qui distingue ce recueil des autres précédents, c’est la longueur des poèmes : ils sont peu nombreux, mais très longs. Ils sont presque tous composés sous forme de quatrains et se caractérisent par une certaine dénonciation sociale, souvent acerbe. C’est par la satire, la critique et la moquerie que le poète aborde les phénomènes sociaux et les comportements des gens, toujours avec beaucoup d’humour.

C’est justement grâce à ce style humoristique adopté dès ses premiers recueils que le poète a pu créer un effet de plaisir chez ceux qui assistent à ses récitals poétiques dans différents clubs ou maisons de culture. En usant de parodies, de caricatures, de jeux de mots, de calembours, de satire et d’ironie, le poète dénonce les maux de la société, en lançant des messages cachés à travers les mots, tout en invitant le public à réfléchir sur les conditions de sa vie et sur sa situation sociale. Au niveau du texte, les images évocatrices, les comparaisons et les métaphores sont abondantes. Les assonances et les allitérations sont également présentes dans tous les poèmes.
En voici quelques poèmes qui pourraient nous donner un avant-goût de lecture.
« Entre soleil et lune » est un poème composé de 14 strophes de quatre vers chacune où le poète décrit une scène vécue par lui et ses amis à la capitale Tunis alors qu’ils étaient sur le chemin de la « Souleimania » pour participer à un récital poétique. C’est alors qu’ils ont été surpris par un orage qui les empêchait de continuer leur chemin. Le voilà qui décrit, non sans ironie, les rues inondées, les égouts qui débordent, les voitures qui s’embourbent, des vêtements et des chaussures mouillés. Bref, il s’agit d’une peinture sarcastique et critique de l’état de la ville de Tunis en cas de fortes pluies.
« Quel monde ! », poème formé de 21 strophes dont chacune est achevée par le même refrain « Ah ! Si tu connaissais les circonstances ! ». C’est une plainte adressée par le poète à son interlocuteur qui veut savoir dans quelles conditions vit le citoyen dans la société. Il peint les caractères de certaines gens et leurs comportements dans la société moderne, empreintes de jalousie, d’égoïsme, d’hypocrisie, d’apparences trompeuses et d’incivilités.
« Le ballot » (allusion faite à la friperie). Dans ce poème, formé de 36 quatrains, le poète parle des gens qui s’habillent de fripes, notamment ceux qui appartiennent aux familles défavorisées ou pauvres. Surtout quand leur budget maigre ne leur permet pas de s’approvisionner auprès des boutiques de prêt-à-porter ou dans des magasins de mode. Alors, ils sont obligés de se tourner vers la friperie où ils peuvent trouver de « bonnes affaires ». Il énumère tous les articles vestimentaires qu’un citoyen modeste pourrait trouver chez les fripiers.
Dans un autre poème, non moins long, le poète met l’accent, et non sans humour, sur les différentes pénuries qu’a connues le pays concernant les denrées alimentaires de première nécessité : lait, farine, huile, sucre, café, riz, farine… Il parle également du manque flagrant de certains médicaments dans les pharmacies. Il se demande comment dans un pays grand producteur d’huile d’olive et de dates, ces produits se vendent encore cher aux citoyens.
Dans le poème intitulé : « Relâchement », le poète critique la manière dont s’habillent les jeunes d’aujourd’hui, filles et garçons, et leur lanière de se comporter, faisant souvent fi des valeurs morales et d’une bonne conduite en société.
Je vous laisse le soin de découvrir le contenu de tous les autres poèmes où, le poète, sur un ton humoristique et critique à la fois, tourne en dérision certains phénomènes anormaux, voire intolérables dans notre société. Cependant, chacun de ces poèmes est chargé d’un message.
Hechmi KHALLADI
