La campagne oléicole 2025 connaît une série de difficultés qui, selon plusieurs professionnels du secteur, étaient parfaitement prévisibles. Le président du Syndicat tunisien des agriculteurs, Midani Dhaoui, a indiqué que les perturbations observées dans les huileries, marquées par une surcharge exceptionnelle et des retards prolongés, trouvent leur origine dans le décalage de la récolte.
Les divergences entre producteurs et acheteurs concernant les prix d’achat des olives ont retardé le lancement effectif de la cueillette, comprimant toute la saison en un laps de temps trop court. Cette situation a créé un afflux massif d’olives dans les unités de transformation, incapables d’absorber un volume aussi important dans des délais raisonnables.
Midani Dhaoui rappelle que chaque saison oléicole possède une fenêtre de récolte bien définie. Lorsque cette fenêtre est dépassée, un enchaînement mécanique se produit : les olives arrivent simultanément dans les huileries, les files d’attente s’allongent, les capacités de trituration sont rapidement saturées et les retards s’amplifient. Les huileries, déjà confrontées à un manque structurel de main-d’œuvre et à des coûts de production en hausse, se retrouvent ainsi sous une pression intense.
Les conséquences de ces retards sont particulièrement nuisibles pour la qualité de l’huile produite. Lorsque les olives restent trop longtemps stockées avant d’être triturées, elles commencent à fermenter et à s’altérer.
Des retards qui compromettent la qualité de l’huile
Cette dégradation influence directement la qualité finale de l’huile, qui perd en fraîcheur, en arômes et en propriétés nutritionnelles. Le responsable syndical souligne que des quantités importantes d’olives sont aujourd’hui conservées dans des conditions loin d’être optimales, parfois plusieurs jours avant leur passage au moulin. Cette détérioration est d’autant plus préoccupante que la Tunisie compte sur une récolte exceptionnellement abondante cette année, estimée à près de 500 000 tonnes. Une telle production exige une organisation fluide et un traitement rapide, or les blocages observés dans la filière risquent d’entraîner une chute significative de la qualité globale de l’huile tunisienne, pourtant réputée à l’international. Midani Dhaoui avertit qu’il est illusoire d’imaginer prolonger la saison jusqu’aux mois d’avril ou de mai, car un tel décalage aurait des effets négatifs non seulement sur la qualité de l’huile, mais aussi sur la santé des arbres et sur l’équilibre de la saison suivante.
À cette situation déjà tendue s’ajoute un problème économique qui complique davantage la campagne : la baisse du prix de vente de l’huile d’olive. Les cours actuels ne permettent ni aux producteurs ni aux travailleurs agricoles d’assurer une rentabilité satisfaisante. Les salariés réclament une revalorisation de leurs rémunérations, tandis que les propriétaires d’huileries peinent à couvrir les coûts d’exploitation. Cette fragilité économique entraîne une réduction de la main-d’œuvre disponible à un moment où la filière a justement besoin d’un renfort pour absorber la surcharge.
Midani Dhaoui explique que la rentabilité se dégrade fortement lorsque le prix du litre d’huile se situe autour de neuf dinars, d’autant qu’un kilogramme d’huile brute correspond à environ 1,10 litre. Avec de telles marges, les producteurs sont découragés et hésitent à poursuivre l’effort nécessaire pour récolter dans des temps réduits. Ce désengagement accentue les retards et perturbe davantage les huileries déjà saturées. La filière se retrouve dans un cercle vicieux où la baisse de rentabilité, la surcharge et la dégradation de la qualité s’alimentent mutuellement.
Appel à l’intervention urgente de l’ONH
Face à la gravité de la situation, le président du Syndicat tunisien des agriculteurs appelle l’Office national de l’huile à intervenir rapidement. Selon lui, l’État doit jouer un rôle stabilisateur pour éviter un effondrement de la filière. Il insiste sur la nécessité de soutenir financièrement les producteurs, de rétablir des prix plus motivants et d’aider les huileries à faire face à la surcharge actuelle. Sans une action immédiate, il redoute que la filière oléicole tunisienne, pourtant stratégique pour l’économie nationale, ne subisse une paralysie durable avec des conséquences sur l’ensemble de la chaîne, de la production à l’exportation.
Cette campagne 2025, qui aurait dû être porteuse de bonnes nouvelles grâce à une récolte exceptionnelle, risque de se transformer en une saison difficile où rendement et qualité sont menacés. Le secteur a besoin d’une coordination renforcée et d’une prise de décision rapide pour éviter que les retards accumulés ne compromettent l’un des produits phares de l’agriculture tunisienne. La situation actuelle rappelle de manière urgente l’importance d’un dialogue fluide entre producteurs, transformateurs et autorités publiques pour préserver la qualité et la compétitivité de l’huile d’olive tunisienne.
Leila SELMI
