La CESAO vient de publier une note d’orientation, en langue arabe, examinant la réalité de la participation économique des personnes handicapées en Tunisie, en mettant l’accent sur les principaux obstacles à leur pleine inclusion sur le marché du travail et dans l’entrepreneuriat, malgré les progrès législatifs réalisés dans notre pays. Ce résumé est fondé sur les résultats d’une enquête menée par la CESAO dans notre pays au cours de la période 2024-2025, concernant les perceptions des personnes handicapées et des employeurs quant à la participation des personnes handicapées au marché du travail.
La note d’orientation, publiée par la CESAO et concernant l’intégration des personnes handicapées dans le marché du travail, propose deux points de vue : celui des concernées et celui des entreprises.
En introduction, le document rappelle que la prévalence nationale du handicap est estimée, en 2023, à environ 14,1%.
La prévalence des handicaps sévères chez les adultes de 18 à 49 ans est de 4,3 %, allant de 4,5% chez les femmes à 3,1% chez les hommes. Il est signalé que les taux de prévalence du handicap sont plus élevés en milieu rural, atteignant 6,2% chez les femmes rurales contre 3,8% chez les femmes urbaines et 4,5% chez les hommes ruraux contre 2,4% chez les hommes urbains.
Sur le marché du travail, le taux de chômage des personnes handicapées varie de 40% à 80%, ce qui freine leur insertion professionnelle malgré l’existence d’un cadre juridique progressiste. Cependant, certaines lacunes pratiques subsistent, telles que l’exigence de qualifications physiques spécifiques et l’invocation des risques pour la santé et la sécurité sans définition précise de ces risques, ainsi que le recours à des évaluations médicales.
Un taux de chômage entre 40% et 80%
Il est rappelé que, sur le marché du travail, le taux de chômage des personnes handicapées oscille entre 40 et 80%, freinant leur intégration économique, et ce, malgré le relèvement, en 2016, du quota d’emploi des personnes handicapées de 1% à 2% dans tous les établissements publics et privés employant cent personnes ou plus, le lancement, en 2019, de mesures incitatives, de programmes d’autonomisation et de financements via le Fonds national de l’emploi, un programme 2022 qui a permis la mise en œuvre de 236 projets en 2024, les arrêtés relatifs à l’accessibilité des bâtiments, des routes, des communications et des transports, ainsi que les dérogations accordées aux employeurs et les aménagements spécifiques pour les personnes handicapées.
Leur pourcentage dans le secteur privé ne dépasse pas 2%, révélant un décalage entre les textes et les politiques et leur application concrète.
Selon la note d’orientation, les principaux défis rencontrés par les personnes handicapées sont des procédures de recrutement inadaptées, discrimination et attitudes négatives lors des entretiens d’embauche (91% des personnes ayant participé à l’enquête), lors de la recherche d’emploi, et le financement limité, le manque de soutien technique et les difficultés d’accès aux informations sur la manière de se lancer dans l’entrepreneuriat, lors d’une création d’entreprise.
Toujours d’après la note, 87% des personnes en situation de handicap ont exprimé le désir de créer leur propre entreprise. Parmi elles, 54% recherchent un emploi depuis plus de six mois et 50% sont âgées de 30 à 39 ans ; la majorité de ces personnes a un niveau d’études secondaires ou supérieures, et 68% résident en zone urbaine.
Absence de revenus stables
Il est signalé que l’absence de revenus stables touche la majorité des personnes handicapées. Plus de la moitié n’ont aucune source de revenus, tandis qu’un tiers de celles qui en ont dépendent de l’aide sociale.
D’autres défis sont mis en avant comme le fait que 86% des personnes handicapées rencontrent des difficultés limitant leur accès au lieu de travail, 69% ont des difficultés à consulter les offres d’emploi, 54% éprouvent des difficultés à utiliser les transports en commun pour se rendre au travail, 39% des personnes handicapées rencontrent des difficultés qui limitent leur accès aux technologies modernes et 10% ne peuvent pas du tout les utiliser.
D’autre part, un tiers des personnes handicapées ne bénéficient d’aucun service de soutien à l’autonomisation économique, et ce pourcentage atteint près de la moitié en milieu rural. Parmi les personnes ayant reçu un soutien, la formation professionnelle est la plus courante (23%), suivie de la formation à la création, à la mise en œuvre et à l’évaluation de projets (19%), puis du soutien aux droits (15%) et du soutien à l’emploi (9%).
Près des deux tiers des personnes handicapées (62%) se disent insatisfaites des services de soutien économique disponibles. Les programmes gouvernementaux attribuent 42% du soutien économique et social aux personnes handicapées, suivis par les organisations de personnes handicapées (34%), les organisations locales de la société civile (21%). Le rôle des organisations internationales demeure limité (4%).
Pas de programme spécifique pour les femmes
Par ailleurs, les personnes handicapées estiment que les employeurs ne sont pas suffisamment conscients de leurs droits et de leurs besoins sur le lieu de travail et que le manque d’aménagements d’accessibilité favorise la propagation des stéréotypes et limite les perspectives d’emploi.
De l’autre côté, les employeurs considèrent que les personnes ayant une déficience intellectuelle sont les plus difficiles à intégrer. Les aménagements raisonnables sont souvent perçus comme complexes ou contraignants. On considère souvent que les personnes handicapées sont cantonnées à des emplois spécifiques et stéréotypés, ce qui suscite des inquiétudes quant à d’éventuelles difficultés de communication, une baisse de productivité, un coût imprévu des aménagements de poste ou, encore, la crainte d’un risque accru d’accidents.
Selon la note d’orientation, les entreprises ayant participé à l’enquête et qui emploient des personnes handicapées ne disposent pas de politiques formelles d’inclusion et de diversité, et la question du handicap est abordée dans sa politique de ressources humaines par le biais de la non-discrimination. Certains aménagements sont possibles pour les personnes en situation de handicap physique, comme l’adaptation de la charge de travail, mais les entreprises ne disposent pas de personnel dédié à l’évaluation des demandes d’aménagement.
Il est indiqué que les entreprises proposent des formations internes couvrant des sujets essentiels tels que la communication efficace, les procédures d’urgence et les droits légaux, et présentent un aperçu du handicap et de la législation nationale. Cependant, il n’existe aucun programme spécifiquement conçu pour soutenir ou développer professionnellement les femmes handicapées.
Zouhour HARBAOUI
