Dans un communiqué publié dans la soirée du jeudi 18 décembre, l’Intersyndicale des professions médicales a lancé un appel urgent au dialogue avec les autorités de tutelle pour trouver des solutions à la crise de liquidités de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM).
«Alors que le système de santé national est menacé d’effondrement en raison des difficultés financières de la CNAM, nous sommes dans l’obligation d’appeler les autorités de tutelle à lancer de toute urgence un dialogue avec toutes les parties impliquées pour examiner les solutions nécessaires à cette situation, avant qu’il ne soit trop tard», a souligné l’Intersyndicale qui regroupe les divers syndicats des prestataires de soins privés, en l’occurrence le Syndicat tunisien des médecins libéraux (STML), le Syndicat tunisien des médecins dentistes de libre pratique (STMDLP), la Chambre syndicale des cliniques privées (CSCP), le Syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie (SPOT), le Syndicat tunisien des biologistes privés (STBP), la Chambre syndicale nationale des centres de dialyse (CSNCD).
«La CNAM est désormais incapable d’honorer ses engagements financiers vis-à-vis des prestataires de soins privés, ce qui risque d’avoir un impact négatif sur les intérêts des assurés sociaux», a-t-elle ajouté à l’issue d’une réunion tenue jeudi.
L’Intersyndicale a également rappelé que les prestataires de soins privés ont consenti des «sacrifices» tout au long des dernières années pour continuer à garantir l’accès aux soins aux assurés sociaux et assurer la pérennité du système de santé, notant cependant que cela leur a causé des difficultés financières qui ont atteint un «seuil insoutenable» et qui menacent leur capacité à poursuivre la prestation des services de soin.
Elle a par ailleurs qualifié la situation actuelle de «tournant critique», qui expose le système de santé national à un risque réel d’effondrement si le statu quo perdure.
Il est à rappeler que le Syndicat tunisien des biologistes privés a appelé, dans un communiqué publié la semaine écoulée, la CNAM à régler sans délai les arriérés de paiement, qui mettent en péril la pérennité des laboratoires d’analyses médicales et menacent leurs capacités à continuer à fournir des prestations de soins de qualité aux patients.
«Nous appelons la CNAM à respecter ses engagements contractuels et à verser les sommes dues aux laboratoires d’analyses médicales», a souligné le syndicat regroupant les biologistes de libre pratique, notant que les retards de paiement ont atteint 5 à 6 mois, ce qui représente des violations répétées de la convention sectorielle signée avec la partie syndicale.
Les régimes de retraite siphonnent les ressources de la CNAM depuis 2015
Le syndicat a aussi indiqué que ces retards de paiement rendent les laboratoires incapables d’honorer leurs engagements envers leurs fournisseurs, l’administration fiscale et les caisses de sécurité sociale, tout en rappelant que les perturbations dans les services fournis par les laboratoires d’analyses médicales privés influent négativement sur la sécurité des patients et la qualité des soins de santé.
Le STBP a fait remarquer, par ailleurs, que la convention sectorielle qui régit les relations contractuelles entre la CNAM et les biologistes privés expirera le 31 décembre 2025, sans perspective de renouvellement.
De son côté, le Syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie a suspendu, depuis le 8 décembre, le régime du tiers payant pour protester contre les retards de paiement par CNAM.
D’après ce syndicat, de nombreux pharmaciens d’officine se trouvent aujourd’hui incapables de s’approvisionner en médicaments et de fournir des services aux citoyens à cause de leurs difficultés financières, notamment dans les régions intérieures et les zones de développement prioritaires, à cause des retards de paiement qui peuvent aller jusqu’à 180 jours. Dans le cadre du tiers payant, le pharmacien conventionné avec la CNAM perçoit de l’assuré social 30% du montant global de l’ordonnance, et ce, sur la base du prix public des médicaments dispensés. Le reste du montant de l’ordonnance, à la charge de la caisse, fait l’objet d’un décompte adressé au centre de référence (centre régional ou local de la caisse désigné par le pharmacien conventionné), afin que la caisse procède au paiement intégral du pharmacien dans un délai de 14 jours ouvrables à compter de la date de réception du décompte, et ce, par virement bancaire ou postal au compte indiqué dans le dossier d’adhésion.
La crise de liquidité de la CNAM s’explique par le choix fait en 2015 par le gouvernement d’affecter l’essentiel des parts de cette caisse qui gère le régime national d’assurance-maladie dans les cotisations sociales à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et de la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS) pour assurer la continuité du versement des pensions de retraite. D’après le dernier rapport du ministère des Finances sur les établissements publics, publié en janvier 2024, les dettes cumulées de ces deux caisses envers la CNAM ont atteint 8787 millions de dinars (8,7 milliards de dinars) à fin 2022. Et c’est pour cette raison d’ailleurs qu’une réforme structurelle de l’ensemble des régimes de protection sociale est plus que jamais nécessaire.
Walid KHEFIFI
