Par Slim BEN YOUSSEF
Le monde a déplacé son centre de gravité. Le Sud global s’organise, échange entre ses propres rives, affine ses choix et invente ses manières de consommer. Il s’affirme comme un espace d’initiative et de souveraineté, attentif à l’origine, à l’authenticité, aux couleurs locales. La Tunisie est de ce mouvement. Elle peut avancer à visage découvert, sans mimétisme, avec ce qu’elle sait faire et ce qu’elle est.
Parmi ses atouts, l’huile d’olive tient une place à part. Elle a longtemps voyagé sans visage, quittant nos ports comme un secret transmis en silence. Vrac, anonyme, absorbée dans des assemblages étrangers à son histoire. Elle enrichissait des bilans du Nord, sans jamais dire son nom, sans porter la lumière qui l’avait vue naître. Ce temps est révolu. Il a produit des volumes, peu de traces, rarement du sens.
Aujourd’hui, l’huile d’olive tunisienne peut devenir davantage qu’un produit exporté. Elle peut s’affirmer comme un langage diplomatique, un marqueur de positionnement stratégique. Le monde n’est plus aimanté par un seul pôle. Les échanges se recomposent, et nos réflexes d’exportation doivent s’y ajuster. En Afrique, en Amérique latine, en Asie, on reconnaît l’origine, on juge la qualité, on prend le temps d’écouter le récit. Ces marchés savent accueillir des produits souverains. À eux, la Tunisie peut répondre par l’excellence et par la cohérence.
Cela suppose une autre manière de faire de la diplomatie. Moins de rituels, plus de créativité. Une diplomatie inventive, enracinée, capable de faire voyager l’olive, l’olivier et l’huile d’olive comme on fait voyager une idée juste. Ambassades et missions deviennent alors des relais naturels, ouvrant des marchés, tissant des partenariats Sud-Sud fondés sur la confiance et la réciprocité. L’huile d’olive tunisienne peut alors dire au monde ce que la Tunisie choisit d’être.
Car l’huile d’olive tunisienne n’est pas seulement un fruit du commerce. Elle est un héritage liquide. Un soleil pressé, une terre patiente, un savoir transmis. De Magon le Carthaginois à la Zitouna, l’olivier traverse notre histoire sans rupture. Il irrigue notre culture, façonne notre méditerranéité, éclaire notre manière d’être au monde.
Exportée vers plus de soixante pays, distinguée dans les concours internationaux, issue de plus de cent millions d’oliviers, notre huile a déjà conquis le monde. Il lui reste à le faire sous son propre nom. Qu’elle circule et qu’elle voyage. Et que l’on sache, partout, d’où vient sa lumière.
