L’Académie parlementaire de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a organisé, le 22 décembre 2025, une journée d’étude consacrée au projet de loi n° 058/2025 relatif à la régularisation des infractions de change. S’inscrivant dans une démarche d’approfondissement du débat autour de cette initiative législative, la séance avait pour principal objectif de recueillir l’avis du ministère concerné, ainsi que celui du gouvernement dans son ensemble.
«Cette rencontre revêt une importance particulière, dans la mesure où ces parties n’avaient pas participé aux deux précédentes séances organisées par la Commission des finances, malgré les invitations qui leur avaient été adressées pour exprimer leurs positions», a révélé Abdeljalil El Hani, président de la Commission des finances à l’ARP, dans une déclaration accordée au journal Le Temps.
Dans ce cadre, Abdeljalil El Hani a précisé que cette journée d’étude s’est tenue en présence de représentants de la Douane tunisienne et de la Banque centrale de Tunisie (BCT), lesquels ont présenté leurs observations sur l’ensemble des articles du projet de loi.
Revenant sur le contenu du texte, le président de la Commission des finances a expliqué que le projet prévoit notamment une amnistie en matière de change au profit des Tunisiens résidant à l’étranger. Cette mesure concerne plusieurs types d’infractions, tels que le transfert de devises sans autorisation, l’ouverture de comptes à l’étranger en violation de la réglementation ou encore le non-rapatriement des recettes d’exportation.
«Le texte comprend des dispositions relatives à l’octroi de l’amnistie, ainsi qu’à la possibilité d’ouvrir des comptes en devises pour les personnes bénéficiant de cette mesure», a-t-il ajouté.
S’agissant des positions des parties prenantes, Abdeljalil El Hani a indiqué que la Banque centrale de Tunisie, tout comme la Douane tunisienne, ne s’est pas opposée au principe de cette initiative. «Toutefois, leurs interventions ont mis en évidence certaines réserves et préoccupations qui nécessitent un approfondissement et une clarification de plusieurs articles du projet», a-t-il souligné.
Par ailleurs, il a déclaré que la Douane tunisienne s’est montrée particulièrement favorable à l’amnistie, estimant que de nombreux Tunisiens résidant à l’étranger ont commis des infractions de change involontairement, tandis que les amendes et décisions judiciaires prononcées à leur encontre se sont révélées très lourdes. «Il conviendrait d’adopter cette amnistie dans un premier temps, avant d’engager, dans une seconde étape, une révision globale du Code des changes», a précisé Abdeljalil El Hani.
Dans ce contexte, il a également annoncé qu’un nouveau projet de loi portant sur la révision globale du Code des changes, initié par des députés, est en cours de préparation et devrait prochainement être transmis à la Commission des finances pour examen.
Le président de la Commission des finances a insisté sur le fait que les observations de la Banque centrale et de la Douane seront prises en compte lors de l’élaboration finale du texte. «Actuellement, l’attente porte sur la transmission du projet à la séance plénière, prévue au début de l’année prochaine. Ce projet dispose de réelles chances d’adoption lors du vote», a-t-il conclu.
La Banque centrale soutient le projet, sous conditions
De son côté, Raoudha Boukadida, Directrice générale des opérations de change à la Banque centrale de Tunisie, a déclaré que l’institut d’émission apprécie le projet de loi relatif à la régularisation des infractions de change. Elle a toutefois souligné la nécessité de garantir la cohérence de ce texte avec l’ensemble des législations en vigueur.
À cet égard, elle a mis l’accent sur le projet de loi portant Code des changes, qui sera prochainement soumis à l’Assemblée des représentants du peuple, ainsi que sur les textes relatifs à l’échange automatique d’informations, en particulier ceux concernant les comptes financiers. Selon elle, ce cadre législatif cohérent est essentiel pour assurer la réussite du processus de régularisation des infractions de change et pour atteindre les objectifs escomptés.
Dans ce contexte, la directrice générale des opérations de change à la Banque centrale de Tunisie a affirmé que celle-ci valorise ce projet en raison de son potentiel à favoriser l’entrée de devises convertibles dans le pays, tout en renforçant les ressources du Trésor public. Elle a, en outre, insisté sur le respect des quatre principes internationalement reconnus dans le cadre des recommandations du Groupe d’action financière (GAFI/FATF), notamment ceux relatifs à la transparence, à la lutte contre le blanchiment d’argent et à la prévention du financement du terrorisme.
Elle a ainsi rappelé que la réussite de cette loi dépend étroitement de sa concomitance avec l’adoption du nouveau Code des changes. Elle a également mis en garde contre tout déséquilibre pouvant en découler, qui risquerait d’affecter négativement la position de la Tunisie sur le plan international.
La Douane : recommandations pour réussir l’amnistie de change
Par ailleurs, le Colonel-major des douanes Anouar Sbaï, directeur de la Direction du contentieux et des poursuites au sein de la Direction générale des douanes relevant du ministère des Finances, a indiqué que les échanges entre les pouvoirs législatif et exécutif ont été constructifs.
«La proposition est respectable et la Douane a transmis au Parlement l’ensemble de ses observations et préoccupations. À ce titre, il a été proposé que l’amnistie relative aux infractions de change soit appliquée simultanément avec la promulgation du Code des changes, que le gouvernement s’emploie à finaliser prochainement», a-t-il précisé.
Le responsable a également souligné que la Douane a formulé des remarques concernant l’articulation du projet avec la législation relative à la lutte contre le blanchiment d’argent, soulignant la nécessité de clarifier le champ d’application du texte. «En effet, certaines zones d’ombre subsistent concernant les catégories de personnes pouvant bénéficier de cette mesure, ainsi que les infractions de change visées par l’amnistie», a-t-il expliqué.
En outre, le directeur de la Direction du contentieux et des poursuites a indiqué que des réserves ont été exprimées par les représentants de la Banque centrale de Tunisie concernant les équilibres financiers, ainsi que les évaluations internationales auxquelles la Tunisie est soumise, susceptibles d’influencer le classement du pays. «Cela ne signifie nullement un rejet du projet», a-t-il tenu à préciser, «mais constitue plutôt un appel à approfondir l’étude du texte et à mener les concertations nécessaires, notamment pour assurer la conformité de cette mesure avec la loi organique n° 2015-26 du 7 août 2015, relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent».
Nouha MAINSI
