Les médias d’information, en particulier, font courir des risques en diffusant des actualités qui traitent de guerres, de génocides, de morts violentes et de souffrance, ces actualités étant couvertes de manières répétées tout au long d’un cycle d’information de 24 heures. Quels sont les effets de ces images et vidéos sur les enfants ? Les explications du psychologue Tarak Saidi
Le Temps.news : A partir de quel moment cette exposition répétée à des contenus violents sur la plateforme aura-t-elle des conséquences sur le développement de nos enfants ?
Tarak Saidi : L’impact de l’exposition répétée à des contenus violents sur le développement des enfants peut varier en fonction de plusieurs facteurs, tels que l’âge de l’enfant, sa sensibilité, son niveau de compréhension, et le soutien qu’il reçoit de son environnement familial et social. Cependant, il est généralement accepté que l’exposition prolongée à des contenus violents peut avoir des conséquences néfastes sur le développement émotionnel, social et psychologique des enfants. En effet, les enfants, en particulier les tout-petits et les jeunes enfants de moins de six ans, ne possèdent pas encore les capacités psychologiques nécessaires pour assimiler et intégrer sainement les informations auxquelles ils sont exposés, car leur appareil psychique est encore en pleine évolution. Par conséquent, une telle exposition traumatique pourrait perturber le bon déroulement de leur développement, entraînant des conséquences psychologiques et comportementales néfastes à court, moyen et long terme.
Cette addiction à l’écran conduit-t-elle à développer des symptômes de syndrome de stress post-traumatique ?
Oui, cette exposition répétée à des contenus violents peut accroître le risque de développer des symptômes de stress post-traumatique, que ce soit chez les adultes ou chez les enfants. Chez les enfants, en particulier, une exposition fréquente à des contenus violents tels que des images de guerre ou de violence peut être traumatisante. Cette tranche d’âge est particulièrement vulnérable aux effets traumatiques, car leur personnalité, leurs mécanismes de défense psychologique et leur système nerveux sont encore en développement. De plus, les enfants ont souvent du mal à comprendre et à traiter ces expériences, ce qui peut accentuer les répercussions sur leur bien-être psychologique.
Est-il possible de préserver les enfants ? Faut-il éteindre leur ordinateur ou leur téléphone dès qu’ils voient un soupçon de violence ?
Il est essentiel de protéger nos enfants de l’exposition excessive à des contenus violents, mais cela ne signifie pas nécessairement éteindre leurs appareils dès qu’ils voient un soupçon de violence. Pour les préserver, une approche équilibrée est nécessaire. Les parents peuvent jouer un rôle crucial en supervisant les activités en ligne de leurs enfants, en éduquant ces derniers sur l’évaluation critique des contenus médiatiques et en instaurant des limites raisonnables pour le temps d’écran. De plus, regarder des contenus médiatiques ensemble en famille permet aux parents d’évaluer le contenu et de discuter des thèmes abordés. Cependant, il Cependant, lorsqu’il s’agit de contenus très violents, comme les images de cadavres, il est conseillé de les éviter.
Faut-il parler aux enfants des événements que nous vivons actuellement ?
Il est crucial d’engager des discussions ouvertes avec nos enfants sur les événements actuels. Les enfants sont souvent exposés à des informations par le biais des médias, des conversations avec leurs pairs, ou même de manière fortuite. Ignorer ces sujets peut laisser les enfants confus, anxieux et incertains quant à ce qui se passe dans le monde qui les entoure. En parlant avec eux, nous pouvons les aider à comprendre ces événements, à traiter leurs émotions et à développer des compétences pour faire face à des situations potentiellement troublantes. Cependant, il est essentiel d’adapter la manière dont nous abordons ces conversations en fonction de l’âge et de la maturité de chaque enfant, en veillant à les rassurer, à répondre à leurs questions de manière appropriée et à réduire leur exposition à des contenus traumatisants. L’objectif est de créer un espace de dialogue où nos enfants se sentent en sécurité pour s’exprimer et poser des questions, contribuant ainsi à leur compréhension du monde complexe dans lequel nous vivons.
Comment pouvons-nous assurer leur sécurité et gérer leurs traumatismes causés par ces images violentes de la guerre ?
L’exposition à des contenus violents, en particulier lorsqu’il s’agit de violence infligée par des êtres humains, peut avoir un impact sur les adultes tout autant que sur les enfants. C’est une réaction tout à fait humaine, surtout lorsque l’on perçoit ce qui se passe comme étant injuste. Cela peut nous plonger dans un état psychologique marqué par la frustration, le pessimisme et l’oppression. Nous sommes confrontés à la fragilité des valeurs qui sont censées être universelles. Puisque les parents sont responsables de prendre soin de leurs enfants, il est essentiel qu’ils prennent également soin d’eux-mêmes. Les adultes ont besoin de partager leurs expériences émotionnelles et affectives avec des personnes de confiance ou de solliciter l’aide d’un professionnel de la santé mentale. D’ailleurs, depuis la dernière guerre de Gaza, j’ai constaté une augmentation de la demande de consultations psychologiques et une détérioration de la détresse chez ceux qui souffrent déjà de troubles ou de difficultés psychologiques. Il est crucial de reconnaître l’impact psychologique de telles expériences et d’encourager les adultes, en tant que modèles et guides pour les enfants, à chercher du soutien et à prendre des mesures pour préserver leur propre bien-être émotionnel. L’importance de la santé mentale dans de telles situations ne saurait être sous-estimée, et il est essentiel de briser le silence et de solliciter de l’aide afin de favoriser la résilience individuelle et collective face à ces défis émotionnels éprouvants.
Kamel Bouaouina