Par Mansour M’henni
La 36ème édition de la Foire internationale du livre à Tunis, plusieurs fois reportée du fait de la pandémie du coronavirus, aura donc lieu au Palais du Kram du 11 au 21 novembre 2021. Cela est confirmé au moins par la conférence de presse que le comité directeur de cet événement a tenue, le mercredi 03 novembre à la Cité de la Culture, et dont les différents médias continuent de rendre compte.
Le défi a été relevé par un comité directeur et une large équipe d’exécution ayant travaillé deux années entières ou presque pour conduire l’événement au point de sa réalisation. On y trouvera sans doute à critiquer, mais on n’y trouvera pas moins à faire valoir. Comme souligné dans la conférence de presse, bienvenue à la critique pourvu qu’elle s’inscrive dans l’esprit de l’évolution des choses vers le meilleur possible. Or ce qui est le plus contesté, paraît-il, c’est la date retenue pour cet événement.
Il est vrai que la date pourrait sembler peu adéquate, mais le comité directeur n’y est apparemment pas pour grand-chose étant donné son étroite dépendance du calendrier du Parc des expositions du Kram, généralement réservé d’avance pour au moins deux ans à venir. La Tunisie est appelée donc à réfléchir sérieusement à la question pour doter sa capitale d’un autre espace du genre, qui aurait pu se concevoir de façon concomitante de la Cité de la Culture. Hélas, celle-ci a même été réduite d’une bonne partie de son territoire initial pour des raisons qui restent encore à interroger. Sans cela, l’espace « ravi » aurait pu s’articuler architecturalement à la Cité, en hauteur surtout, et constituer avec son enceinte et ses espaces attenants une opportunité favorable à l’organisation des deux foires du livre, l’internationale et la nationale, en plus d’autres manifestations du genre.
Pour le reste, surtout concernant les personnalités et les pays invités, les créateurs honorés, les activités culturelles programmées, c’est la relativité qui préside. On ne peut jamais satisfaire tous les goûts ni répondre à toutes les attentes, mais avec 300 exposants arabes et 150 tunisiens, il y a lieu de reconnaître à l’événement l’importance de sa dimension et de son impact. Néanmoins, il y a bien un hic dans la nature des exposants : l’absence des grands éditeurs internationaux, surtout ceux d’Europe. Une part de leurs livres sera sans doute dans les stands d’exposants tunisiens ou arabes, mais l’absence ne s’en ressentira pas moins de par certains rendez-vous et certaines prestations qui manqueront dans cette foire. Force est de reconnaître, ici aussi, que le comité directeur n’y est pour rien et qu’il a même fait ce qu’il a pu, mais la situation sanitaire certainement, toujours marquée par le doute et la prévention, s’est doublée d’une idée persistante de l’instabilité du pays, donc peu rassurante pour certains.
Il reste donc le rôle des Tunisiens dans la réussite souhaitée de LEUR foire internationale en faisant de leur mieux pour l’animer économiquement, socialement et culturellement. Ainsi, pour la circonstance, on serait tenté de s’interroger sur la nature des interactions entre le livre et la société tunisienne d’aujourd’hui, au-delà même du point de vue sectoriel de la culture, suffisamment interpelé par les messages convergents des différents slogans collant à l’affiche de chaque édition. Quels liens entre les éditeurs, les écrivains et les citoyens (lecteurs ou collectionneurs de livres) qui ne soient pas uniquement motivés par le gain, pourtant légitime, mais aussi par l’échange, par la socialité, par la convivialité, les changeant peu ou prou des spectacles conflictuels dont la plupart de leurs politiciens les ont gavés pendant dix ans, comme pour leur empoisonner l’existence par un insupportable arrière-goût de honte et de frustration.
La foire serait alors, en plus de l’ambiance d’hospitalité générale cimentant l’être ensemble dans la citoyenneté, et à la faveur du programme d’activités établi pour les enfants, un complément de l’école pour une nouvelle vision du vivre-ensemble, de noble éthique, inculquée dès le premier âge aux citoyens de demain.