La carte bancaire est devenue un moyen de paiement omniprésent chez un grand nombre de Tunisiens, notamment des salariés, considérés par la banque comme étant des clients fidèles, tant que leurs salaires sont versés mensuellement à leurs comptes bancaires. Cette carte bancaire leur assure la possibilité de retirer de l’argent à partir des distributeurs automatiques, d’effectuer leurs achats à tout moment et de payer depuis internet leurs factures.
Toutefois, la carte bancaire n’est pas toujours utilisée à bon escient chez certains tunisiens qui, manifestement habitués à dépenser plus qu’ils n’en gagnent, y trouve un moyen facile, voire une exigence, pour retirer de l’argent, quitte à dépasser souvent leurs provisions disponibles ou le découvert autorisé. Résultat : un compte bancaire constamment en rouge.
Selon la Société Monétique-Tunisie (SMT), le taux d’utilisation des cartes bancaires s’élève actuellement à 78,5% dans le Grand Tunis, à 10,7% dans les gouvernorats touristiques. Mais il existe encore un écart entre les régions en matière d’utilisation des cartes bancaires. En effet, toujours selon SMT, on enregistre 3,1% seulement dans le gouvernorat de Sfax et 7,7% dans les autres gouvernorats. C’est dire que nous n’avons pas encore atteint le niveau d’autres pays dans le monde où la possession d’une carte bancaire est généralisée, si bien que les achats et les transactions ne se font plus en argent liquide dans tous les commerces, même via le net.
Les cartes bancaires sont aujourd’hui et plus que jamais répandues à travers le monde, à telle enseigne que les gens y recourent souvent, non seulement dans leurs achats courants effectués directement, mais aussi dans le commerce électronique qui s’amplifie chaque jour davantage. En effet, la carte bancaire représente beaucoup d’avantages aussi bien pour la banque que pour le client. Elle assure non seulement la rapidité d’utilisation lors des paiements et des retraits d’espèces, mais aussi une réduction considérable dans les files d’attente devant les guichets de banque pour le retrait d’argent. De même, elle évite de devoir circuler avec des espèces sur soi, remplace le payement en espèces ou par chèque surtout pour les achats courants et facilite les payements en ligne lorsqu’il s’agit d’acheter via internet.
En Tunisie, l’octroi de ces cartes bancaires aux clients s’est multiplié durant ces dernières années. Faute de mieux, on peut se fier aux statistiques effectuées en 2014 par la Société Monétique de Tunisie qui comptaient 2 542 170 cartes de crédit actives et plus de 2000 DAB. Trois ans plus tard, en 2017, les cartes en circulation avaient évolué à 3 100 000 cartes et 2500 DAB. Par ailleurs le nombre de TPE (Terminal de Paiement Electronique) est estimé à 14000. L’utilisation des cartes bancaires en Tunisie avait donc observé une grande hausse en un temps relativement court. Toujours selon la même source, rien qu’en 2016, le nombre des transactions effectuées par cartes bancaires a atteint 1,131 million, soit une évolution de 41% par rapport à 2015.
Comptes débiteurs
En raison d’une situation difficile, vu la cherté de la vie et ne pouvant plus joindre les deux bouts, le Tunisien est contraint à retirer de l’argent auprès des distributeurs, faisant fi souvent de son compte débiteur. C’est qu’il doit faire face aux pressantes dépenses quotidiennes, effectuer des achats occasionnels, notamment lors des grands évènements (Ramadan, Aïd Esseghir, Aïd El kébir, rentrée scolaire…) qui sont des dates incontournables auxquelles le Tunisien accorde un grand intérêt. Il peut ainsi utiliser sa carte bancaire à volonté pour payer ses achats dans une grande surface ou dans des boutiques d’habillement, mais jamais chez l’épicier du coin ou chez le marchand des fruits et des légumes qui exigent des espèces sonnantes et trébuchantes. On déplore cependant le fait que certaines institutions publiques (STEG, SONEDE, Bureaux des Recettes, Taxes municipales, stations-services…) n’acceptent pas d’être payées par carte bancaire, à l’heure où les transactions électroniques ne cessent d’augmenter à travers le monde. Pourtant, elle est plus sollicitée dans les différents commerces dans les pays occidentaux, beaucoup mieux qu’un payement en espèces.
Il arrive que le détenteur de la carte bancaire ne l’utilise pas à bon escient. A force de recourir aux distributeurs automatiques et aux règlements de ses achats quotidiens, il risque de « sortir au rouge » dans sa banque. Certains clients ignorent souvent que la « sortie en rouge » est une pratique qui se paie cher, même si d’autres le savent, ils ne sont pas prêts à s’en débarrasser. Ils restent ainsi débiteurs en attendant le versement de leur salaire à la fin du mois. Le client débiteur est donc acculé à rembourser sa dette avant de sortir de nouveau dans le rouge. Et ainsi de suite durant toute l’année et peut-être toute la vie…
Selon une enquête réalisée par l’Institut National de Consommation, « 60% des ménages interrogés ont systématiquement ou souvent recours au rouge, qu’ils ont un compte bancaire débiteur. De même, 30% des ménages interrogés ne sont pas conscients du coût élevé de cette « sortie en rouge ». Toujours, selon la même enquête, 06 tunisiens sur 10 sont systématiquement ou souvent dans le rouge. Pratiquement, la banque n’arrêtera jamais le « rouge », car elle en profite pour pratiquer des commissions, des intérêts, des frais et des agios, payés par le client sur sa sortie en rouge ou sur son compte débiteur. Allez imaginer le chiffre des montants encaissés par la banque grâce à cette facilité accordée au client.
Hechmi KHALLADI