L’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont annoncé hier mercredi leur décision coordonnée de reconnaître un État palestinien dans l’espoir d’entraîner d’autres pays à faire de même. Le Premier ministre norvégien Jonas Gahr Store a été le premier à annoncer cette reconnaissance à la date du 28 mai, lançant par la même occasion « un appel fort » à d’autres pays pour qu’ils fassent de même. Saluant un « jour historique », son homologue irlandais Simon Harris a suivi peu de temps après, tout comme le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, l’une des voix les plus critiques envers la guerre génocidaire menée par Israël dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre dernier.
« Le Premier ministre Netanyahu n’a pas de projet de paix pour la Palestine », a dénoncé devant les députés le leader socialiste espagnol. « Lutter contre le groupe terroriste Hamas est légitime et nécessaire après le 7 octobre, mais Netanyahu provoque tant de douleur, de destruction et de rancœur à Gaza et dans le reste de la Palestine que la solution à deux États est en danger », a-t-il lancé. La reconnaissance d’un État palestinien par Madrid interviendra également le 28 mai, date du prochain conseil des ministres, a précisé Pedro Sanchez.
Persévérance historique du peuple palestinien
Alors que les capitales européennes se divisent sur le génocide israélien à Gaza, l’initiative cherche à relancer le processus de paix sur la base de la solution à deux Etats, en ligne avec la position de principe historique de l’Europe. Au début des années 1990, après une « Conférence de paix israélo-arabe » fin octobre 1991 à Madrid, la Norvège avait secrètement accueilli les premiers pourparlers de paix israélo-palestiniens qui avaient débouché sur les accords d’Oslo. « Un Etat palestinien est essentiel pour réaliser la solution à deux Etats conceptualisée dans le plan de partage des Nations unies de 1947 », rappelait le 10 mai, Espen Barth Eide, le ministre norvégien des affaires étrangères.
En Irlande, cette solidarité, affichée partout ou presque sur l’échiquier politique irlandais, trouverait ses racines dans l’histoire de l’île d’Émeraude, a expliqué le chef de l’exécutif mercredi. « Le 21 janvier 1919, l’Irlande a demandé au monde de reconnaître son droit à l’indépendance [vis-à-vis du Royaume-Uni]. Notre message aux nations libres mettait l’accent sur notre identité nationale distincte, notre lutte historique et notre droit à l’autodétermination ainsi qu’à la justice. Aujourd’hui, nous utilisons les mêmes termes pour soutenir la reconnaissance d’un État palestinien. »
Le Hamas palestinien a applaudi la démarche des trois pays pour la reconnaissance d’un Etat palestinien. « Ces reconnaissances successives sont le résultat direct de cette résistance courageuse et de la persévérance historique du peuple palestinien, nous pensons qu’il s’agit d’un tournant dans la position internationale sur la question palestinienne », a déclaré Bassem Naïm, membre du bureau politique du mouvement de résistance palestinien. De son côté, le ministère israélien des Affaires étrangères a immédiatement réagi en annonçant le rappel « pour consultations » de ses ambassadeurs en Irlande et en Norvège. Dans un message vidéo à l’adresse de Dublin, il a averti que « reconnaître un État palestinien risque de vous transformer en pion dans les mains de l’Iran » et du Hamas. Cette mesure ne fera « que nourrir l’extrémisme et l’instabilité », a-t-il ajouté.
En attendant d’autres pays européens
D’après le décompte de l’Autorité palestinienne, 142 pays des 193 États membres de l’ONU ont jusqu’à présent annoncé qu’ils reconnaissaient un État palestinien. L’initiative conjointe de Madrid, Dublin et Oslo pourrait être rejointe par d’autres pays européens. La Slovénie a également enclenché une procédure de reconnaissance. En mars à Bruxelles, les dirigeants slovène et maltais avaient signé un communiqué commun avec Madrid et Dublin dans lequel les quatre pays faisaient part de leur volonté de reconnaître un tel État. Le gouvernement slovène a adopté le 9 mai un décret pour la reconnaissance d’un État palestinien, comptant l’envoyer au Parlement pour approbation d’ici au 13 juin.
Pour ce qui est de la France, la reconnaissance d’un État de Palestine « n’est pas un tabou » mais Paris estime que « les conditions ne sont pas réunies à ce jour pour que cette décision ait un impact réel sur le processus visant la solution à deux États », a réagi mercredi le chef de la diplomatie française auprès de l’AFP. « Cette décision doit être utile, c’est-à-dire permettre une avancée décisive sur le plan politique », a souligné Stéphane Séjourné dans une déclaration écrite. « Dans cette perspective, elle doit intervenir au bon moment pour qu’il y ait un avant et un après », a-t-il ajouté. Stéphane Séjourné, qui a reçu mercredi matin à Paris son homologue israélien Israël Katz, estime qu’« il ne s’agit pas seulement d’une question symbolique ou d’un enjeu de positionnement politique, mais d’un outil diplomatique au service de la solution à deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité ».
En Angleterre, l’information est à la Une du Guardian à Londres. En effet, précise le quotidien britannique, plusieurs membres de l’Union européenne, l’Irlande, la Norvège et l’Espagne, donc, mais aussi la Slovénie et Malte, ont indiqué ces dernières semaines qu’ils prévoyaient de faire une annonce de reconnaissance, « arguant qu’une solution à deux États était essentielle pour une paix durable dans la région. » D’après les médias britanniques, la pression s’intensifie sur le gouvernement israélien : une guerre à Gaza qui s’éternise, des otages toujours pas libérés, une contestation intérieure qui s’amplifie, des mandats d’arrêt requis par la Cour pénale internationale à l’encontre de Benyamin Netanyahu et de son ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour crimes de guerre et contre l’humanité… Et pour couronner le tout, l’Irlande la Norvège et l’Espagne qui annoncent leur intention de reconnaître officiellement l’État palestinien.
(avec agences et médias)