Technique millénaire, la mosaïque est un art à part entière. Née en Mésopotamie il y a six mille ans, cette technique devenue art décoratif a traversé l’histoire de l’homme entre grâce et oubli. Remise au goût du jour il y a une centaine d’années, elle est bien présente à Hammamet.
L’art de la mosaïque a parcouru un long chemin depuis ses origines anciennes, évoluant vers un élément de design apprécié dans le monde entier. Son charme intemporel et son adaptabilité continuent d’enchanter les amateurs d’art et d’architecture, en faisant un choix recherché dans le design d’intérieur contemporain. La mosaïque se compose de milliers de petits éléments (les tesselles) découpés dans des matériaux aussi divers que la faïence, la pâte de verre ou le marbre, et qui permettent de jouer avec la couleur et la lumière. Cet art a été revalorisé lors du 2e Symposium international de la mosaïque de Hammamet qui prend fin ce samedi au Centre culturel international de Hammamet.
C’est une occasion unique d’évaluer les expériences internationales, d’unifier les visions artistiques et de célébrer le noble art de la mosaïque. « Cette manifestation comme l’a précisé Latifa Bida, coordinatrice de cet évènement, constitue une plateforme qui a réuni des artistes de 15 pays du 1er au 25 mai 2024, favoriser la coopération, préserver des souvenirs partagés et honorer l’héritage remarquable de Dar Sébastian et du Festival international de Hammamet. C’est une rencontre d’une grande richesse culturelle et humaine. Une quinzaine de nationalités sont présentes pour participer à la réalisation de quatre fresques de18m2, futur musée à ciel ouvert sur le site du centre.
Harmonies de formes et de couleurs
Tailler et assembler de petits carrés d’émaux pour former des harmonies de formes et de couleurs : l’art de la mosaïque s’apprend au centre culturel d’Hammamet. Il suffit de voir de près ces artistes venus d’Afrique, du Maghreb et d’Europe en train de composer des tableaux par touches successives. Ces mosaïstes ont un rapport brut à la matière, de défaire pour refaire, de répéter ce même geste sûr pour placer la tesselle à sa juste place, jusqu’au moment perceptible et unique où ils délivrent une composition définitivement aboutie. Fruit d’un long processus de création où ils ont le don de marier de façon inattendue des matières minérales et organiques entre elles, ils possèdent cette patience et cette force intérieure pour révéler le beau, l’harmonie, cette finesse si rare qui n’est pas livrée au premier coup d’œil et qui trouve sa puissance dans les détails de l’œuvre.
Dans cette caverne aux trésors de matières et de couleurs. Les mosaïstes aiment se confronter à la matière, la détourner pour créer une œuvre « C’est un art décoratif, explique le français Michel « On taille des éléments, des cailloux, du marbre, des ardoises, du grès, des émaux et on les utilise pour reconstituer un décor. » Ce travail minutieux nécessite une patience infinie. Attirance particulière pour les matières solides, ces artistes venus d’Europe et d’Afrique transforment ces lignes, en courbes, en rythme comme la musique.
Pour Lotfi Bettaieb, c’est avant tout la passion des beaux matériaux qui anime cet artiste. « J’aime tout ce qui est pierre. Les pierres, c’est déjà beaucoup d’énergie. J’aime tout le travail manuel, le fait de couper des pierres, couper du verre. J’aime tout ce qui est art en général », révèle-t-il. « Transmettre son amour et sa technique de la mosaïque, ses valeurs dans la récupération et l’embellissement de matériaux bruts, en individuel ou en collectif, tout cela fait partie de ma vie d’artiste engagée dans ce monde de mosaïque » a indiqué l’artiste Mouna Hachani. L’artiste marocaine Fatima, aime se confronter à la matière, la détourner pour créer une œuvre : « On associe souvent la mosaïque à quelque chose de plat, de solide, de lourd, de statique. Dans mon travail sur la mosaïque contemporaine, je cherche le mouvement, la légèreté, le floral. Cet art reflète notre vie quotidienne, nos traditions et notre patrimoine » dit-elle
Art trop peu connu ?
Dans cet atelier, on peut y lire de nombreuses émotions. C’est tout le secret des belles mosaïques de ces artistes. Couleur et matière en fragmentation traduisent leur imaginaire , leur quête d’harmonie.« Je m’ m’invente un monde , je m’évade, je joue de la nuance et use de découpes fines et précises pour des créations que je veux subtiles, harmonieuses, pleines de vitalité.
D’un matériau figé, mes œuvres se démarquent par la fluidité, le mouvement , le rythme. Mon temps de création est intimement lié à la passion, à mon engagement. Le temps horloger n’a pas cours dans l’atelier. », souligne cet artiste algérien de Guelma. L’objectif, ajoute Latifa Bida, est de mettre l’art de la mosaïque sous le feu des projecteurs. C’est l’occasion de valoriser cet art trop peu connu. On veut créer des vocations en faisant découvrir au public des œuvres de tous les horizons », explique –telle. Ces 40 artistes nous en feront voir de toutes les couleurs, de toutes les formes, de toutes les techniques et, surtout, de tous les styles. Ils ont réussi à nous montrer, dans ce second rendez-vous, une nouvelle facette de la mosaïque contemporaine. Un domaine sans doute encore trop méconnu du grand public, mais assurément riche et surprenant.
Ce symposium témoigne de l’incroyable richesse et diversité de cette technique, qui continue d’inspirer les créateurs du monde entier. Que vous soyez un amateur ou un passionné de mosaïque, n’hésitez pas à aller découvrir ces artistes qui présenteront ce samedi leurs travaux et qui perpétuent un savoir-faire ancestral dans un esprit d’innovation et de renouveau. Une grande diversité de styles, de techniques, de matériaux, seront exposés afin que les visiteurs de l’exposition puissent se rendre compte de toutes les possibilités offertes par cet art qui a su se renouveler et qui est bien loin aujourd’hui de l’image désuète qu’on peut en avoir parfois.
Kamel BOUAOUINA