Le vieillissement de la population tunisienne est un fait démographique avec lequel il faudra compter pour les prochaines années. En effet, selon l’Institut national de la statistique (INS), l’espérance de vie des Tunisiens à la naissance dépassera les 82 ans à l’horizon 2030. Selon les mêmes projections, les plus de 60 ans constitueront 15,2% de la population en 2030 et même 20% en 2040. Ces chiffres devraient inciter les pouvoirs publics à anticiper sur divers facteurs, notamment la prise en charge des personnes âgées. Décryptage avec Pr. Sonia Hammami Ouali, cheffe de l’unité de gériatrie, au département de médecine interne à l’hôpital universitaire Fattouma Bourguiba, présidente de l’Académie de gériatrie du Maghreb et fondatrice de la Société tunisienne de gériatrie, dont elle est présidente.
Pour Montaigne, les vieux sont des chanceux, ce sont ceux qui ne sont pas encore morts ! Mais le vieillissement est aussi source de souffrance… Peut-on bien vieillir sans souffrir ? C’est le thème abordé par le 5eme congrès national de gériatrie organisé par la société tunisienne de gériatrie et l’Académie maghrébine de gériatrie et gérontologie, MAMA en jumelage avec la 5eme Euro Med Geriatrics Meeting les 18 et 19 mai à Hammamet.
Changements démographiques
« La structure de la population tunisienne a radicalement changé, les dernières statistiques (2014) montrent que 11 % de la population Tunisienne sont âgées, alors que les prévisions montrent qu’en 2025 on aura atteint 15% avec inversion de la pyramide des âges. Cette évolution de la structure par âge de la population tunisienne est de nature à engendrer de nouveaux centres d’intérêt et de nouvelles priorités dans les domaines sanitaires et socio-économiques, ainsi que des répercussions importantes sur tous les secteurs vitaux (santé, couverture sociale, retraite, formation, cohésion sociale, emploi…).
L’Association tunisienne de gériatrie (ATG) est une voie essentielle ayant pour mission de défendre et de promouvoir la gériatrie, qui est une spécialité à part entière consacrée au traitement des affections physiques, mentales, fonctionnelles et sociales des séniors ou malades âgés, en particulier lors de soins aigus, chroniques, de réhabilitation, de prévention et en fin de vie. La gériatrie est enseignée en Tunisie mais elle n’est pas reconnue en tant que spécialité. Cela pose énormément des problèmes car beaucoup de gens se disent gériatres et qui ne le sont pas car ils n’ont bénéficié que d’une formation théorique alors que la médecine est une pratique médicale qu’on doit apprendre.
La gériatrie est une spécialité difficile car elle s’occupe de la santé et des maladies des aînés dont l’état général est caractérisé par des problèmes de santé liés à la présence de plusieurs maladies qui fragilisent le patient et favorisent la poly-médication. Elle mérite tout l’intérêt des décideurs. Parce que la population gériatrique pose beaucoup de problèmes qui diffèrent des problèmes de l’adulte .On a alors besoin de spécialistes et de services en gériatrie . Cette spécialité mérite 4 à 6 ans d’études. On ne peut jamais être cardiologue à la place du cardiologue, mais on peut l’aider à évaluer le sujet âgé, on peut diagnostiquer chez un sujet âgé avec insuffisance cardiaque, un problème de nutrition ou de démence. Il faut surtout convaincre les autres spécialistes que les gériatres sont là pour les aider à maîtriser la complexité des pathologies gériatriques, mais en aucun cas pour se substituer à eux.
Bien vieillir sans souffrir
La santé est donc au cœur des préoccupations quand on pense au « bien vieillir ». Une vision partagée tant par les femmes que par les hommes. Bien vieillir est une notion complexe. On ne peut évidemment pas souhaiter mal vieillir. Mais quand « bien vieillir » signifie vieillir sans problème et sans perte. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, les enjeux du vieillissement ont changé. Désormais, les populations vieillissantes sont moins préoccupées par la longévité, mais plutôt par ce que l’on appelle le “bien-vieillir”, ou la capacité à vivre en bonne santé le plus longtemps possible. Notre challenge est de permettre aux personnes âgées de « Bien vieillir sans souffrir ».
Ceci nécessite un bon traitement et surtout une bonne prévention pour un bon vieillissement des personnes âgées dans un cadre agréable sans souffrance. Cette population gériatrique pose beaucoup de problèmes qui diffèrent des problèmes de l’adulte : hypertension, démence du type Alzheimer, etc. On a alors besoin de spécialistes et de services en gériatrie.
Il est temps de sensibiliser les autorités pour prendre en considération cette population qui vieillit rapidement. Elle est en train de doubler très vite sur une période courte de 13 ans contre 47 ans en France et là il faut se préparer pour les prendre en charge tout en leur mettant à leur disposition des maisons de repos et des services de gériatrie. Il faut créer une tradition de protection constante à l’égard de cette catégorie aussi vulnérable car bien vieillir cela s’apprend. Il est temps de pallier aux problèmes de santé des personnes âgées et de les aider à se rétablir dans les meilleures conditions. »
Kamel BOUAOUINA