Par Slim BEN YOUSSEF
Il faut qu’on s’entende sur ce point : pour nous – Tunisiens et plus largement citoyens du Sud global – la gauche en France est une alliée parce que l’extrême droite – raciste, suprématiste et xénophobe – est une ennemie.
L’alliée a mis du temps – énormément de temps – à venir. Le temps, forcément pour elle, de mettre à côté ses divergences, resserrer ses rangs et accorder ses violons, pour enfin – enfin ! – redresser la barre et faire front uni. Mais maintenant qu’elle est placée par les Françaises et les Français aux portes du pouvoir, à l’issue d’un scrutin historique, est-il possible que l’espoir de lendemains meilleurs entre nous, Sud global, et cette France qui s’enfonçait, avec son Europe, plus que jamais à droite, soufflant le chaud et le froid pendant de longues années, l’emporte ?
On doit répondre oui plusieurs fois.
Nos amis du Nouveau Front populaire, même s’ils ne sont pas parvenus à constituer une majorité parlementaire conséquente pour prétendre à former un gouvernement exclusivement de gauche (la totale !), sont arrivés en tête des élections législatives anticipées et revendiquent désormais de gouverner la France. Historique ? Du jamais vu probablement depuis l’élection de François Mitterrand à l’Elysée, en 1981, suivie des législatives qui ont propulsé la gauche au gouvernail de l’Assemblée nationale. Le vote du 7 juillet présente donc un double impact : d’une part, l’objectif était de barrer la route à l’extrême droite, devenue un peu trop triomphaliste, et de fait plus arrogante et, pire, encore plus confiante sur bon nombre de sujets qui ont de quoi donner des frissons non seulement aux binationaux de l’Hexagone, notamment tunisiens, mais même aux Franco-Français eux-mêmes. D’autre part, et c’est peut-être là le point le plus intéressant, car, arrivée aux portes de Matignon, cette gauche ouverte, xénophile et cosmopoliste, amie du Sud global, va désormais être en mesure de prescrire un certain nombre de ses idées et idéaux à la France. Dossier immigration, cause palestinienne, relations Nord-Sud, combat écologiste et l’on en passe. Autant de thèmes-clés qui, traités dans le bon sens, devraient contribuer à réconcilier nos relations, détériorées au fil des années, avec cette France devenue méconnaissable.
Doit-on jubiler pour autant ? On va répondre oui, mais prudemment.
Parce que, pour nos amis de la gauche française, le plus dur commence maintenant. C’est-à-dire : comment fructifier les résultats de ce vote historique pour parvenir à gouverner une France que tout le monde, dans l’Hexagone et au-delà, qualifie désormais d’ « ingouvernable ». Le jeu des alliances et les tractations de la politique politicienne peuvent commencer : suivons cela en spectateurs attentifs. Mais en attendant, savourons d’abord la victoire de nos amis du Front.
Et… la débâcle du RN, tant qu’on y est ? forcément aussi.