Par Slim BEN YOUSSEF
Ce sont toujours les liens indéfectibles entre les peuples « parents » et « frères » qui font les politiques diplomatiques entre les Etats. Ce ne sera jamais le contraire. Telle est le côté irréversible de l’Histoire. Aussi, la politique diplomatique entre la Tunisie et notre Libye voisine se dicte-t-elle toujours par rapport à cette règle. Certes, l’origine invisible de l’amitié tuniso-libyenne est la seule référente, mais sur le terrain, c’est le poste-frontière stratégique de Ras Jedir qui en constitue concrètement – bien plus que symboliquement – le centre-source.
Le chef du gouvernement Ahmed Hachani le sait très bien ; et en voyageant mercredi dernier à Tripoli, sans doute avait-il irrémédiablement en tête cet objectif stratégique de relancer la concertation et la coordination entre nos deux pays pour les hisser à un niveau bien plus supérieur.
Bien plus supérieur ? L’enjeu est de taille : un corridor commercial continental tuniso-libyen vers les pays d’Afrique subsaharienne. Et c’est la réouverture de Ras Jedir enfin actée le 1er juillet dernier, après plus de trois mois de fermeture à la suite d’échanges de tirs du côté libyen, qui permet aujourd’hui de hisser nos relations avec nos voisins libyens à un niveau –on osera dire- jamais atteint. Une fois concrétisé, le corridor, dont le point de départ n’est autre que la zone de libre-échange de Ben Guerdane et le poste-frontière de Ras Jedir, devrait relier la Tunisie et la Libye à cinq pays africains enclavés (Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso et République centrafricaine). Ce sera le plus grand passage terrestre du continent.
Longtemps rêvé par la Tunisie, ce projet stratégique devrait octroyer définitivement à notre pays le statut de « porte de l’Afrique ».
Avec, évidemment, toutes les retombées économiques phénoménales qui vont avec.
Sans doute, M. Hachani était-il hanté par ces retombées pendant son voyage à Tripoli. Et ce n’était guère un hasard s’il avait choisi de rencontrer en une seule journée les deux têtes de l’exécutif libyen Abdelhamid Dbeibah et Mohamed Menfi, alors qu’un forum dit « transméditerranéen sur la migration », réunissait le même jour à Tripoli les plus gros poissons de la Méditerranée, Meloni et compagnie. En plus clair : les chefs d’Etat et de gouvernement des deux côtés de notre Méditerranée.
Un forum sur la migration ? Juste l’occasion pour M. Hachani de rappeler – pour la énième fois – aux Européens que la problématique migratoire nécessitait une approche sociale et économique et non pas sécuritaire. Un crédo tunisien à maintes fois ressassé. D’ailleurs, « les solutions à la question migratoire ne sont pas européennes », avait-il simplement balayé avant d’aller parler de choses sérieuses –concrètes et stratégiques – avec nos voisins libyens.