A flanc de collines plongeant dans la Méditerranée, des vignes clairsemées portent des raisins à Grombalia, Turki, Samech et Takelsa. Après des mois de sécheresse, les vendanges qui débutent s’annoncent particulièrement moyennes et attisent les craintes pour l’avenir du vignoble.
La plaine de Grombalia a beau être réputée pour ses vins, dans la région mais les temps sont durs pour les vignerons. A Grombalia, ville viticole qui contribue à environ 40% de la production nationale des vignes, la production des raisins de cuve s’élèvera au cours de cette saison à 8 mille tonnes, outre 4 mille tonnes de raisins de table, selon les estimations du CRDA, lesquelles restent toutefois tributaires des fluctuations climatiques. Les vignobles devraient fourmiller d’activité en cette saison des vendanges, mais , la main d’œuvre manque et il y a peu de raisins à ramasser. Les vignes ont peu produit, et pour cause…l’augmentation du coût de production, résultat systématique de l’exorbitance du coût des équipements agricoles et du manque d’eau, selon eux.
« Ce n’est pas comme ça normalement, explique Ali, un vendangeur. On cueille beaucoup moins de raisin que d’habitude à cause de l’été caniculaire qu’il y a eu. »Un faible rendement dû à des températures trop élevées auquel s’ajoutent les conséquences de la crise sanitaire. Le président de l’union régionale de l’agriculture à Grombalia, Chokri Bouziri, a souligné le rétrécissement des superficies viticoles dans la délégation de Grombalia, diminuées de 10 à 15%, pour n’atteindre que 800 hectares de plantations de raisins de table et 1600 hectares de vignes, dont la plupart vieilles, défraichies et à faible rendement.
Vendangeur, un métier très éprouvant
Les viticulteurs se désespèrent de l’enchaînement de mauvaises nouvelles auxquelles ils sont confrontés cette année, en particulier concernant la sécheresse et le manque de débouchés pour vendre leur production. Sami, vigneron, ne recule pas. Il se lève tôt pendant quinze ans pour élaborer ses vins aux couleurs intenses malgré les adversités. Mais il prend désormais son temps. Cette année encore, alors que les vignes devraient déborder d’activité en cette saison des vendanges, de nombreux rangs restent déserts : le rendement des ceps est amoindri après une température estivale anormalement élevée.
Vendangeur est un métier très éprouvant qui attire de moins en moins d’ouvriers agricoles journaliers. « À chaque saison, il y a des complications à cause du manque de vendangeurs. On a du mal à cueillir le raisin », déplore un vigneron de Bou Argoub. En conséquence, de nombreux vignerons délaissent leurs vignes. « Je ne comprends pas pourquoi ils ne travaillent pas leurs terres », confie un autre, vendangeur de 38 ans à l’œuvre dans un vignoble de Samech. « Avant, tout le monde travaillait sans problème sur la terre. Maintenant, ce n’est plus le cas, est-ce parce que ça demande un gros effort ? La viticulture disparaît », lance-t-il.
Il est vrai que depuis l’installation des italiens, il y avait de la vigne, raconte Am Salah. L’urbanisation a fait disparaître tout ça, mais il y avait un grand vignoble. « Au départ, c’était de la qualité. Les vins de Grombalia se vendaient plus chers. Les visiteurs de notre région peuvent tout découvrir les différentes variétés classiques de raisin blanc, noir et rouge ainsi quelques variétés fruités ou encore muscatés. »
Produit qui par ailleurs, semble attirer de plus en plus l’intérêt du consommateur. La demande pour le raisin sans pépin est de plus en plus importante. C’est un produit facile à manger, facile à emporter, gustativement bon car sucré et sans amertume. C’est également une source riche de vitamines et idéal pour les enfants. « La variabilité de notre climat fait que la première récolte du raisin intervient en mai et la dernière en septembre. Il ne faut pas oublier aussi qu’on a plusieurs variétés tardives et d’autres précoces. On peut exporter jusqu’au mois de janvier », précise t-il.
Pourquoi le raisin se vend à prix d’or
Le prix du raisin ne cesse d’augmenter chaque mois et il a même plus que doublé cette saison. Et ce n’est pas près de s’arranger, dans le contexte inflationniste actuel. Parmi les aliments qui coûtent de plus en plus cher, les raisins occupent une place peu enviable avec une hausse de 20à 30%. En 2023, le prix du raisin a augmenté de 65% par rapport à la même période de l’année écoulée, pour atteindre une moyenne de 5 dinars le kg. Cette hausse est expliquée par une baisse de 84% de l’approvisionnement en ce fruit. Cette année, le prix moyen du raisin oscille entre 6 et 8 dinars le kilogramme.
Hédi, cadre dans une banque, pointe du doigt une «très mauvaise régulation» du marché. Aussi, argumente-t-il, le circuit de distribution qui, en dépit des efforts et des lois existantes ou prévues, connaît des «intervenants de tout bord». A cette anomalie vient se greffer la marge bénéficiaire qu’il qualifie d’importante. Aussi, les problèmes logistiques liés au transport, au stockage et à la distribution, «influent énormément sur les prix de vente aux consomamateurs». Un autre facteur peut être également source de hausse des prix. Le banquier cite «la sécheresse ralentissant les efforts de récolte et de collecte de ce fruit».
Kamel BOUAOUINA