La crise financière mondiale qui a débuté en 2007 a marqué le commencement d’une longue période de sous-performance économique pour les économies de l’Europe du Sud (Espagne, Grèce, Italie et Portugal). Les défis budgétaires et structurels importants auxquels sont confrontés ces pays (tels que l’augmentation de la dette souveraine, des marchés du travail rigides et des secteurs privés surendettés) ont rendu ces économies particulièrement vulnérables aux perturbations, ralentissements en relation avec les crises économiques majeures. Entre 2007 et 2022, période marquée par la crise financière mondiale, la crise de la dette souveraine et la pandémie de Covid-19, le PIB réel des pays d’Europe du Sud a augmenté en moyenne de 0,1 % par an, soit presque 1 point de pourcentage de moins que le taux de croissance annuel de 1 % pour l’ensemble de la zone euro
Croissance moyenne du PIB réel des pays du sud de l’Europe et de la zone euro
(en points de pourcentage, p.p., historique et prévisions)
Après la pandémie de Covid, les économies du sud de l’Europe ont enfin commencé à se redresser, grâce à des facteurs à la fois cycliques et structurels. Entre 2023 et 2025, la croissance du PIB réel devrait atteindre en moyenne 1,7 %, soit presque le double des 0,9 % de la zone euro. Cet article explore trois raisons clés expliquant pourquoi la performance économique des pays du sud de l’Europe s’est améliorée.
Premièrement, la fin de la pandémie de Covid a déclenché un boom au secteur du tourisme, qui a donné un coup de pouce pour l’économie des pays de l’Europe du sud, où ce secteur a un impact considérable sur l’économie. Avec la disparition de la pandémie et la levée des restrictions de voyage, le tourisme a rebondi de manière spectaculaire et a entamé une période d’expansion soutenue. Différents indicateurs montrent que le nombre de visiteurs, les revenus totaux et le taux d’occupation des hôtels augmentent à des taux de 15 à 20 % dans les pays de l’Europe du sud. Cela représente une augmentation importante pour ces pays, où le poids direct et indirect du tourisme dans le PIB est estimé entre 8 et 20 %. De même, l’impact sur l’emploi est significatif. L’Italie, par exemple, avec une main-d’œuvre de 25 millions, compte 4,5 millions de travailleurs dans les secteurs liés au tourisme, tandis qu’en Espagne, 2,7 millions des 24 millions de travailleurs sont impliqués dans ces industries. En plus des dépenses des touristes, les dépenses des travailleurs et des entreprises du secteur touristique jouent un rôle de multiplicateur dans le reste de l’économie. Ainsi, la « revanche » des dépenses post-pandémie dans le secteur du tourisme a un impact positif majeur sur l’économie des pays de l’Europe du sud, tant par des canaux directs qu’indirects.
Deuxièmement, comparé aux économies les plus intensives en fabrication de la zone euro, les économies des pays du sud de l’Europe ont bénéficié d’une amélioration relative de leur compétitivité après la crise financière mondiale et la crise de la dette souveraine, ainsi que d’une meilleure protection contre la crise énergétique liée à la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Les économies des pays du sud de l’Europe étaient moins dépendantes des importations de gaz en provenance de Russie, par rapport aux pays plus énergivores de la zone euro, tels que l’Allemagne, l’Autriche et la Slovaquie (les pays GAS), ce qui les rendait moins exposés aux pénuries d’énergie et aux augmentations de prix.
De plus, la crise financière mondiale et la crise de la dette souveraine ont déclenché des ajustements importants sur les marchés du travail dans les économies des pays du sud de l’Europe, entraînant une pression à la baisse sur les salaires et donc une diminution des coûts salariaux relatifs. Les taux de chômage dans les économies des pays du sud de l’Europe ont augmenté en moyenne de 13,3 points de pourcentage entre les niveaux d’avant les crises et leurs pics. Ces ajustements massifs ont permis de réduire les pressions salariales et les coûts de la main-d’œuvre pour les entreprises. En conséquence, les coûts unitaires de la main-d’œuvre montrent une divergence significative entre les économies des pays du sud de l’Europe et les pays plus énergivores de la zone euro tels que l’Allemagne, l’Autriche et la Slovaquie (les pays GAS) depuis le début de la crise financière mondiale ils ont augmenté en moyenne de 34 % dans les pays du sud de l’Europe, contre 62 % dans les pays plus énergivores de la zone euro (pays GAS).
Les effets de la crise énergétique et de la compétitivité sont devenus évidents dans le secteur manufacturier : entre le deuxième trimestre 2023 et le deuxième trimestre 2024, la production industrielle moyenne a augmenté de 1 % dans les pays du sud de l’Europe, tandis qu’elle a reculé de 4,1 % dans les pays plus énergivores de la zone euro (pays GAS). Le gain relatif en compétitivité et la moindre exposition à la crise énergétique ont donné un avantage au secteur manufacturier des pays du sud de l’Europe par rapport à leurs voisins européens les plus industrialisés.
Troisièmement, le processus de désendettement du secteur privé et l’amélioration de la viabilité de la dette souveraine réduisent les craintes d’instabilité financière et restaurent la confiance des investisseurs. Depuis les crises, les ménages et les entreprises des pays du sud de l’Europe se sont désendettés à un rythme impressionnant : le ratio moyen du crédit privé au PIB dans les pays du sud de l’Europe a chuté de 65 points de pourcentage, passant de 134 % en 2011 à 69 % actuellement.
Les efforts d’ajustement des gouvernements ont également été significatifs, bien que plus modestes, compte tenu des importantes expansions budgétaires nécessaires pendant la pandémie de Covid : la dette publique brute moyenne dans les pays du sud de l’Europe a baissé de 14 points de pourcentage, passant de 139 % du PIB en 2014 à 125 % cette année. Ces améliorations ont permis d’augmenter les taux d’investissement privé, un élément clé du PIB du point de vue des dépenses : entre le premier trimestre 2023 et le premier trimestre 2024, les dépenses d’investissement ont augmenté en moyenne de 2,2 % dans les pays du sud de l’Europe, tandis qu’elles ont reculé de 0,6 % dans la zone euro. Ainsi, la correction des déséquilibres financiers a amélioré les conditions d’investissement et de croissance dans les pays du sud de l’Europe.
En résumé, les économies du sud de l’Europe devraient à nouveau surpasser cette année, avec une croissance réelle moyenne du PIB prévue à 1,6 %, contre 0,8 % pour la zone euro, grâce à un boom du tourisme, une compétitivité améliorée et une correction des déséquilibres financiers.
Crédit au secteur privé en part du PIB dans les des pays du sud de l’Europe
(en points de pourcentage, p.p., moyenne des économies d’Europe du Sud)