Par Raouf KHALSI
C’est parce qu’il est l’école, désormais fardée de la vie, que l’enseignement est en besoin pressant d’être anobli. C’est que, depuis les années 1990, l’enseignement est ballotté au gré des réformes et des semblant de réajustements structurels pour le moins contre-productifs. L’école à papa bat de l’aile, engoncée qu’elle est dans un monde scolastique en perte cruelle de repaires et dans des logiciels anachroniques qui ont fait leur temps.
Aujourd’hui, le quart de la population tunisienne va à l’école : le quart, en imagine-t-on le nombre ? C’est le poids des générations futures qui est dans la balance.
Il se trouve néanmoins que l’école n’est pas la même pour tous. On parle aisément d’enseignement à deux vitesses. Il y a les nantis et il y a ceux qui sont nés de l’autre côté de la barrière. Il y a ceux qui font des rentrées pompeuses et ceux qui font des kilomètres à pied, quelles que soient les conditions atmosphériques, pour aller en classe, courageux, opiniâtres et résilients.
Des statistiques biseautées et fallacieuses font état du chiffre de 800 dinars pour chaque rentrée scolaire par élèves : a-t-on idée sur le chiffre dérisoire de la rentrée pour chaque élève dans les milieux pauvres et dans les zones déshéritées ?
Pour eux, on vit d’amour et d’eau fraîche. Pour autant, cette rentrée comporte des enjeux qu’il n’est plus possible de maquiller ou de renvoyer aux calendes grecques.
Les syndicats du primaire et du secondaire ont déjà sonné la charge revendicative depuis déjà fin Août, jetant un voile d’incertitudes sur la rentrée. Leurs revendications sont d’ordre matériel et elles tiennent aussi à des considérations morales. Matérielles dans le sens où ils revendiquent la mise au concret des accords signés avec le ministère. Morales, dans le sens où ils réclament des conditions décentes pour pouvoir prodiguer des cours en toute quiétude et dans des salles de classe moins bondées.
On ne comprend d’ailleurs toujours pas que l’enseignement primaire et du secondaire soient en manque de 7500 enseignants, alors même que les suppléants et les sans-emploi attendent depuis une éternité d’être régulièrement recrutés et de sortir de la précarité dans laquelle ils vivent. Le Chef de l’Etat a lui-même appelé à résoudre cette problématique et d’en finir avec cette paralysante dichotomie, dans le sens d’une mise à niveau par le haut et non plus par le bas, reflexe commode mais qui rajoute à la déstructuration de l’enseignement.
Il faudra aussi penser à sécuriser l’école tout autant que son environnement, et cette entreprise ne requiert pas de plan, ni de négociations, mais elle doit primer pour éviter aux établissements scolastiques de glisser dans les avatars de « Fallouja » , ce fameux feuilleton qui a mis le doigt sur la plaie de la dangereuse mutation sociétale de l’école.
L’école à papa retrouvera-t-elle son roman des origines ? Il faudra que les politiques publiques se réconcilient avec la famille qui se déverse sur l’école tout en se désengageant de l’éducation de la progéniture. Il faudra aussi qu’au -delà de ses légitimes revendications, l’enseignant médite l’exemple qui vient d’en haut et qui a failli en faire un prophète.