L’écrivain Habib Falfoul vient de publier son nouveau roman intitulé « Les Arrangeurs » » aux éditions Dar Al Ittihad d’Edition et de Distribution. Un roman de 193 pages, composé de 20 chapitres. Il est à rappeler que H. Falfoul a un parcours bien fourni d’œuvres littéraires et culturelles, ayant publié plusieurs romans tels que « L’éternel retour à la terre » en 2012, « La dernière traversée » en 2014, « Solution d’attente inavouée » en 2017, « Contemplatifs » en 2022, ainsi que des essais et des anthologies, comme « La civilisation occidentale : mythes et limites » en 2011, « La verve poétique de Jalal El Mokh » en 2018, « Annales du Club dialogue avec les écrivains francophones » en 2020 et « Ontologie de l’être de la conscience » en 2022. H. Falfoul a également publié des livres en langue arabe.
Disons de prime abord que le thème central du roman est la solidarité familiale, la sacralité des liens familiaux, l’entraide entre les membres de la famille, l’amour partagé entre eux dans le meilleur et dans le pire. Le roman met en lumière les liens entre les membres d’une famille, souvent en situation de crise ou de défis, et comment ces liens les aident à surmonter les difficultés et à s’arranger pour trouver les solutions adéquates à leurs problèmes. En voici le résumé :
Mnaouar, cinquantenaire, est marié à Fatma, sa troisième épouse, et père de trois jeunes filles issues des deux premiers mariages : l’ainée Manoubia, la cadette Zakia et la benjamine Rafika. Les deux premières sont le fruit du premier mariage, la troisième fille est issue du deuxième mariage. Fatma est donc la femme épousée par Mnaouar après la mort de sa deuxième femme. La nouvelle épouse s’occupe de tout, du jardin, de la maison, de son époux et des trois filles avec lesquelles elle se montre compréhensive et serviable. A leur tour, les trois filles lui manifestent amour et sympathie. C’est le bonheur parfait.
Mnaouar, originaire de Tébourba, a tout fait pour réaliser son rêve : monter un grand projet en vivant au sein d’une famille unie et solidaire. C’est un homme dont le parcours est tout simplement inspirant. Son histoire force l’admiration. En effet, de simple camionneur, il a gravi les étapes et, grâce à sa détermination, il a pu construire une entreprise en s’offrant une place de choix dans le monde des affaires. C’est que notre homme ne s’est jamais arrêté devant les échecs qu’il prenait souvent comme des opportunités. Son succès est la conséquence de ses décisions et de ses actions, plutôt que de conditions extérieures à celles-ci.
Cet homme n’a pas pour autant écrasé ou manipulé les autres pour arriver à ses fins. Il a simplement su recevoir l’aide des bonnes personnes, au bon moment : ce sont d’abord ses trois filles puis ses trois gendres qui l’ont toujours soutenu à réaliser ses projets. Il fut tour à tour un chauffeur-livreur, un gérant d’une entreprise de vente d’appareils électroménagers, un commerçant détaillant et un marchand de mobiliers-reprises qui fonda sa propre entreprise familiale, une affaire qui lui valut beaucoup de jalousies, de médisances et de soupçons de la part de ses détracteurs dans la région.
L’entreprise élargit sa production et sa clientèle, devenue ainsi bien réputée auprès des commerçants, grâce à ses filles et ses gendres qui mettent la main à la pâte. Peu à peu le commerce de mobiliers-reprises devient florissant et prospère, allant jusqu’à l’exportation de meubles restaurés et remis à neuf vers l’étranger. Entretemps, Mnaouar, construit sur son terrain plusieurs maisons pour abriter ses filles nouvellement mariées, logeant ainsi toute la famille dans un seul lieu. C’était son rêve de réunir toute la famille sous le même toit. Mnaouar est respecté par tous les membres de la famille et considéré comme le chef incontesté.
Sous le terrain sur lequel sont bâties les maisons et l’entreprise de Mnaouar se trouvent des vestiges archéologiques qui remontent à l’époque romaine. Un escalier secret mène à ces ruines. De son vivant, Mnaouar ordonne à ses filles de ne jamais s’approcher de cet escalier ; les filles s’exécutent docilement.
Entretemps, un incendie se déclare, se propage et gagne l’entreprise, causant des dégâts importants surtout dans les meubles. Le matériel et les machines sont heureusement épargnés grâce à l’intervention rapide des sapeurs-pompiers. Dès lors, Mnaouar subit un choc violent. Son état de santé se dégrade, d’autant plus qu’il souffre des séquelles d’un pied fracturé, et garde le lit jusqu’au jour où il rend l’âme. La douleur est doublement ressentie chez les siens : d’abord la fermeture de l’entreprise à cause de l’incendie, puis la perte subite de leur cher parent.
Cependant, les choses prennent un tournant décisif quand un jour les trois sœurs ont l’idée d’aller descendre l’escalier secret que le défunt, leur père, les a toujours défendues d’approcher. C’est alors qu’elles découvrent, à leur grande surprise, que le sous-terrain recèle de ruines archéologiques de valeur historique. Elles annoncent la nouvelle à leurs maris et ainsi le bruit court dans toute la ville. Les autorités sont aussitôt venues pour prospecter les lieux. Et c’est ainsi que la famille de Mnaouar est priée de quitter les lieux, étant donné que leur demeure est désormais un site archéologique qui appartient exclusivement à l’Etat, moyennant une indemnisation importante touchée par les propriétaires, à savoir les trois sœurs et leur mère adoptive Fatma. Les trois sœurs se sont déménagées avec leurs maris respectifs. Quant à Fatma, elle rejoint sa grand-mère et fait la connaissance d’un notaire qu’elle épouse, sous l’influence de sa grand-mère. C’est alors qu’elle loge chez cette dernière qui lui lègue sa maison. Elle devient, grâce à sa fortune, la maitresse de céans, en retrouvant ainsi la liberté et la vie mondaine. Ainsi, du vivant de Mnaouar, tous les membres de la famille vivent aisément. Même après sa mort, ils continueront à mener le même train de vie.
Comme dans ces romans précédents, Habib Falfoul nous livre une histoire vraisemblable qui aurait existé à une époque et en un lieu bien déterminés dans notre pays : cette histoire se passe entre à Tébourba et Gaafour, deux petites villes du nord de la Tunisie, sous le règne de Bourguiba, juste pendant et après l’échec du système coopératif des années 60 du siècle dernier. Le lecteur se trouve embarqué dans des événements marquants, imprévus ou imprévisibles. L’auteur a souvent recours au flash-back pour nous informer sur le passé des personnages ou rappeler un fait historique, ce qui nous permet de comprendre la suite des actions. On note, outre les passages narratifs clairs et détaillés, une description minutieuse des lieux et des personnages. Le dialogue entre les protagonistes est vif et animé, ce qui rend la scène plus mouvementée, nous renseignant ainsi sur les intentions des personnages, leurs sentiments et leurs pensées. Dans tout cela, le romancier se montre omniprésent, sachant tout sur les personnages, les lieux, les comportements jusqu’aux sentiments des protagonistes. Cette omniprésence lui permet de connaître tous les détails de l’intrigue, les pensées et les émotions des personnages, ainsi que les événements passés, présents et futurs. Parfois, il intervenir directement dans le récit, commentant ou interprétant les actions des personnages. Le roman véhicule un message bien précis : comment un homme peut se construire et se faire une place au soleil, malgré les contretemps, en se fondant seulement sur ses propres moyens et surtout sur sa matière grise, comment il peut réussir dans ses projets tout en conservant des liens familiaux bien étroits, affectifs et solidaires.
Hechmi KHALLADI