Vers la fin de l’année dernière, les perspectives économiques du Japon étaient marquées par un optimisme notable, malgré un contexte international moins favorable, caractérisé par un ralentissement économique mondial qui commençait à freiner la troisième économie mondiale après les États-Unis et la Chine.
Le consensus des enquêtes Bloomberg est un outil essentiel qui suit les prévisions sur les évolutions macroéconomiques. Il regroupe les estimations d’analystes, de groupes de réflexion et d’instituts de recherche. Fin 2023, le consensus prévoyait une croissance du PIB réel de 0,95 % pour 2024, ce qui dépassait la moyenne annuelle de 0,75 % du Japon depuis 2000. Cependant, cet optimisme initial s’est vite atténué après le séisme du Nouvel An, suivi d’indicateurs économiques suggérant un ralentissement de l’activité.
Prévisions consensuelles de croissance du PIB du Japon pour 2024
Au deuxième trimestre de 2024, le PIB réel n’était supérieur que de 0,1 % au pic pré-pandémique atteint au troisième trimestre de 2019, ce qui indique que l’économie n’avait pratiquement pas progressé au cours des cinq dernières années. En septembre, les prévisions de croissance pour l’année étaient tombées à seulement 0,05 %. Dans cet article, nous examinons trois facteurs clés qui expliquent ce changement radical dans les attentes concernant la croissance économique du Japon.
Tout d’abord, la stagnation de la consommation continue de freiner de manière significative la croissance économique. La consommation représente environ 60 % de l’économie japonaise, ce qui en fait un facteur déterminant de sa performance. Malgré une forte reprise post-pandémique, la consommation a enregistré une baisse continue d’une année sur l’autre depuis décembre dernier. De plus, la consommation moyenne cette année est restée en moyenne inférieure de 4,5 % à la moyenne pré-pandémique de 2018-2019, et de 0,4 % par rapport au niveau de 2023.
Indice de l’activité de consommation
La principale raison de la faible croissance de la consommation réside dans les taux d’inflation élevés, qui ont entraîné une érosion du pouvoir d’achat des salaires, pesant ainsi sur les dépenses des ménages. En juillet, les revenus des travailleurs ajustés à l’inflation ont augmenté de 0,4 % par rapport à l’année précédente, mais cela offre peu de répit après une longue période de taux de croissance négatifs, avec des revenus réels encore inférieurs de 2 % au pic de 2022. De plus, le vieillissement de la population accentue les facteurs négatifs affectant la consommation. Les consommateurs japonais plus âgés sont plus conservateurs dans leurs dépenses par rapport aux jeunes générations et tendent à privilégier l’épargne, en raison de leur dépendance aux revenus de pension et de l’importance de leurs dépenses liées aux besoins essentiels comme les soins de santé. Compte tenu de l’importance de la consommation, ces tendances négatives pèsent lourdement sur la performance de l’économie japonaise.
Deuxièmement, la faible demande extérieure implique un soutien réduit à la croissance économique de l’économie japonaise, fortement intégrée au commerce mondial. Les politiques protectionnistes et les barrières commerciales continuent de s’accroître à l’échelle mondiale, dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes. De plus, avec la fin de la pandémie de Covid-19, les habitudes de consommation se sont progressivement réorientées vers les services au détriment des biens, entraînant une récession persistante du secteur manufacturier mondial. Dans ce contexte, la croissance du commerce mondial devrait se situer entre 2 et 3 % cette année, soit environ la moitié du taux moyen observé entre 2000 et 2022. Cette perspective pour le commerce mondial a renforcé le pessimisme concernant l’économie japonaise, où les exportations représentent 20 % du PIB et constituent un moteur clé de la production industrielle. Jusqu’à présent cette année, les exportations japonaises, ajustées aux variations de prix, ont chuté de 1 % par rapport à l’année dernière. Compte tenu de leur importance pour le Japon, le ralentissement de la croissance du commerce mondial constitue un obstacle majeur à sa performance économique.
Troisièmement, les faibles taux d’investissement freinent le PIB du Japon, car les entreprises restent prudentes à l’égard des dépenses d’investissement face à l’incertitude économique et géopolitique mondiale ainsi qu’à la faible demande intérieure. En plus de la morosité des dépenses de consommation, le vieillissement de la population japonaise et les pénuries de main-d’œuvre limitent davantage le potentiel de rendement élevé des investissements, ce qui freine l’expansion économique globale. Les niveaux d’investissement ont diminué de 0,4 % au premier semestre 2024 par rapport au même semestre l’an dernier. Étant donné que l’investissement représente 25 % de l’économie japonaise, des dépenses en capital décevantes ralentissent le rythme de la croissance économique.
Compte tenu de ce qui précède, nous estimons que le PIB réel du Japon restera inchangé cette année dans un contexte difficile marqué par la stagnation de la consommation, une demande externe faible et une baisse des investissements.