A chaque début de l’année scolaire (voire souvent dès le mois de Juillet), une problématique et non des moindres se pose avec acuité et de façon récurrente : Les cours particuliers dispensés par une grande frange du corps enseignant » professeurs et instituteurs » aux élèves toutes matières confondues. Un phénomène touchant tous les niveaux de la première année de base aux classes terminales aussi bien dans le secteur étatique que privé.
Toujours le même argumentaire
L’approche immuable s’applique surtout au niveau des petites classes. Au bout d’une petite semaine, convocation des parents : » Votre chérubin ne suit pas le rythme adopté par ses camarades et accuse un retard sensible quant à la compréhension et l’assimilation des cours dispensés ». Un verdict sans appel contribuant à affoler les pauvres géniteurs voyant déjà leur rejeton au banc de la société, en parfait ignare et à l’avenir compromis. La solution ? » Il lui faudrait quelques séances particulières de rattrapage là où vous voulez et pas nécessairement au sein du groupe que j’ai formé par ses semblables et dont je consolide les connaissances à mon domicile ». Un appel du pied des plus éloquents saisi 5/5 par les parents ; Inscrire le gosse ailleurs rimerait avec le début de la galère, entendre une ignorance totale par l’instit de la présence de leur enfant en classe associée à une mise à l’écart ostensible au dernier banc là-bas au fond de la salle, les reins adossés au mur.
Autre son de cloche pour les grandes classes
Pas besoin de convocation parentale ce coup-ci. Dès le début du mois de Juillet, début des cours particuliers par groupes chez tel ou tel professeur. Le ballet débute dès 6h du matin, courte pause entre 13h et 14h, reprise l’après-midi jusqu’à 21h voire plus. Et ce sont les plus chanceux qui parviennent à décrocher la grosse timbale, entendre parvenir à s’inscrire dans l’une des séances. Très souvent, « on » refuse du monde faute de places disponibles. Les matières les plus courues étant les mathématiques, les sciences physiques, l’économie- gestion. Passé la saison estivale, d’autres matières entrent en lice à l’instar des Sciences Naturelles, de l’Anglais, du Français, de l’Arabe et de la Philosophie. L’éducation Physique (Sport)n’est pas demeurée en reste, mais elle met son grain de sel dans l’affaire et entre dans la danse beaucoup plus tardivement à l’approche du Baccalauréat dans le dessein de mieux peaufiner les enchainements.
Conditions douteuses
Le plus souvent, « on » loue un local (généralement un garage) vétuste, mal aéré, peu éclairé, aux conditions d’hygiène laissant à désirer. Quelques chaises branlantes voire des tabouret inconfortables, quelques tables bancales, et le tour est joué ; par ici la monnaie. Les gosses y sont entassés (es) pêle-mêle histoire d’assurer une meilleure affluence…une meilleure rentabilité pécuniaire. Le respect des abc de l’ergonomie? Circulez ! Il n’y a rien à voir, pas à l’ordre du jour, » on » y pensera un jour de pluie….
Le packaging spécial Baccalauréat
Une approche pratiquement généralisée et entrant définitivement dans les us et coutumes pour les élèves de la terminale : La révision générale de tout le programme à l’approche de la date fatidique. C’est du » en veux-tu, en voilà » ! Un authentique marché aux puces: Maths, Physiques, Sciences Nat, Eco-Gestion, Anglais, Français, Arabe, Philo. Moyennant une grosse enveloppe avec un frugal encas assaisonné par un thé dilué compris, le futur bachelier est » séquestré » pendant deux jours de suite de l’aube à tard dans la soirée chez son professeur(?) repassant en revue toutes les difficultés du programme d’une seule discpline. Il y a une tacite connivence établie au préalable entre les instits, chacun disposant de sa plage horaire n’empiétant pas les plates-bandes du collègue.
Questions : Avec quelle concentration ? Avec quel degré d’assimilation ? Avec quelle aptitude de compréhension ? Pourrait-il tout gober tout digérer et tirer profit de ce déluge ou plutôt de cette tornade de connaissances en un laps de temps aussi réduit Allez savoir !
Enormes sacrifices parentaux
Il va sans dire que pareilles heures supplémentaires grèvent lourdement le budget familial déjà rétréci comme peau de chagrin par le marasme économique et la cherté de la vie. Recours alors aux différents moyens pour faire face à cette spoliation massive en deniers sonnants et trébuchants (les enseignants refusant de faire crédit et/ou les paiements par tempérament): Prêts auprès des parents et/ou voisins aisés, mise au clou des quelques babioles de valeur de la maman, avance sur salaire du paternel, braderie des quelques appareils pourtant de première nécessité tels : réfrigérateur, poste TV, lave-vaisselle, machine à laver, micro-ondes, voire fer à repasser, téléphones portables des géniteurs. Les portables des gosses épargnés car certains enseignants dispensent également des cours particuliers en ligne moyennent finances cela va sans dire. Inutile de mentionner les tarifs exigés, ils sont connus de tout un chacun allant mensuellement de 50 dinars à 200 d par matière. Les packagings tournant autour des 400d voire davantage. Pour un ménage devant subvenir aux besoins de trois élèves en moyenne, on vous laisse le soin de deviner la mélasse où s’embourbent irréversiblement et sans la moindre lueur de sortie du tunnel, sans le moindre bon de sortie, sans la moindre issue salvatrice en perspective. Leur seule motivation, leur seul espoir, leurs seuls motifs d’abnégation : la réussite à l’arrivée de leurs gosses avec un avenir décent, assuré.
Pourtant la loi est théoriquement contre
Voilà quelques années, une circulaire du Ministère de l’Education interdisait pareilles pratiques » Tout enseignant donnant des cours particuliers à ses élèves chez lui encourt de lourdes sanctions ». Avertissement resté sans suite, non suivi, nullement appliqué, juste pour épater la galerie quoi ! La tutelle préconise et incite les élèves à suivre les cours particuliers dispensés dans les enceintes éducatives à des prix modérés, accessibles à toutes les bourses. Mais au vu de l’affluence massive des postulants, la plupart des élèves y renoncent n’y tirant point le profit escompté ; c’est pratiquement le bis-repetita de ce qui se passe en classe avec deux variantes notoires : l’enseignement en nocturne, et les parents grelottant et transis de froid attendant devant les portes des institutions les leurs craignant de les laisser rentrer au bercail en solo en pleine nuit…
Mohamed Sahbi RAMMAH