Des désaccords persistent encore entre la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) et le Syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie (SPOT) sur le renouvellement de la convention sectorielle régissant les relations contractuelles entre deux parties, qui expirera le 31 décembre 2024.
« Des négociations laborieuses se poursuivent encore. Des désaccords persistent jusqu’ici, mais nous gardons l’espoir de parvenir à une solution consensuelle qui permettrait aux assurés sociaux de continuer à bénéficier d’une prise en charge des médicaments dès le début de l’année 2025 », a déclaré au « Temps » le secrétaire général du Syndicat des pharmaciens d’officine, Mohamed Salah Kaddachi.
« Les pharmaciens restent attachés au respect des délais de paiement mentionnés dans la convention couvrant la période 2014-2019 et dans le cinquième avenant, en l’occurrence 60 jours », a-t-il ajouté.
Le responsable syndical a d’autre part souligné que les pharmaciens ne peuvent plus tolérer des délais de paiement allant jusqu’à 120 jours qui font accumuler les créances et détériorent les équilibres financiers des officines, ce qui représente une menace pour la pérennité du secteur et la disponibilité des médicaments pour les citoyens « dans un contexte marqué par l’envolée de l’inflation, la hausse de la pression fiscale et l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les chèques sans provision ».
Le blocage du dialogue entre le Syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie et la CNAM sur le renouvellement de la convention sectorielle risque de priver des centaines de milliers d’assurés sociaux affiliés au régime du tiers-payant de la prise en charge des frais de soins dès le 1er janvier 2025.
Pour une réforme globale des régimes de sécurité sociale
Dans le cadre du tiers-payant, le pharmacien conventionné perçoit de l’assuré social 30% du montant global de l’ordonnance et ce, sur la base du prix public des médicaments dispensés. Le reste du montant de l’ordonnance, à la charge de la CNAM, fait l’objet d’un décompte adressé au centre de référence (centre régional ou local de la caisse désigné par le pharmacien conventionné), afin que la caisse procède au paiement intégral du pharmacien dans un délai maximum de 60 jours à compter de la date de réception du décompte et ce, par virement bancaire ou postal au compte indiqué dans le dossier d’adhésion.
Dans la pratique, les pharmaciens sont cependant souvent payés dans des délais qui dépassent les 20 jours.
D’après le Syndicat des pharmaciens d’officine, l’allongement continu des délais de paiement s’explique par la situation financière désastreuse de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et de la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS).
Sous l’effet d’un manque de liquidités découlant des déséquilibres des régimes de retraite basé sur le principe de la solidarité générationnelle (les cotisations des actifs couvrent le paiement des pensions des retraités), ces deux caisses souffrent d’un déficit abyssal et se trouvent dans l’obligation de ne pas verser à la CNAM sa part dans les cotisations des assurés sociaux actifs pour pouvoir continuer à assurer le versement des pensions.
Les dettes de la CNSS et de la CNRPS envers la CNAM ne cessent d’enfler depuis 2015, année durant laquelle les autorités ont fait le choix de privilégier la poursuite du versement des pensions de retraite en puisant dans les ressources du régime national d’assurance-maladie au lieu de procéder à une réforme audacieuse et urgente de l’ensemble du système de sécurité sociale.
Ces dettes cumulées ont atteint 8787 millions de dinars (8,7 milliards de dinars) à fin 2022, selon le rapport du ministère des Finances sur les établissements publics publié en janvier 2024. Et c’est pour cette raison d’ailleurs que tous les syndicats des prestataires de soins privés comme les pharmaciens d’officine, les médecins de libre pratique et les cliniques d’hémodialyse et les biologistes considèrent que toute réforme du régime national d’assurance-maladie doit obligatoirement être précédée d’une réforme profonde et globale des régimes de retraite.
Walid KHEFIFI