Le roi dollar s’impose face à la majorité des devises enregistrant son niveau le plus haut depuis plus de deux ans. Le dinar tunisien n’a pas été à l’abri de cette nouvelle donne en subissant une dépréciation face au billet vert. Hier, le dollar s’est échangé à 3,23 dinars et les experts affirment qu’il ne faut pas s’affoler et que cette dépréciation n’est que temporaire. Toutefois, une poursuite de la dépréciation du dinar face au dollar aura un impact sur le solde de la balance des paiements courants, sur les coûts de l’importation, su l’inflation et sur la dette extérieure.
Le dollar américain s’est maintenu lundi à 109,67 contre un panier de devises, se rapprochant de son niveau le plus élevé depuis novembre 2022. Le dollar a commencé la semaine sur une note forte, laissant ses pairs languir près de leurs plus bas niveaux après un rapport sur l’emploi américain affirmant la surperformance de la plus grande économie du monde par rapport au reste du monde. L’euro est sur le point d’égaler le dollar. Tous les marchés sont sous le choc, les actions sont en baisse et l’attentisme règne sur les places internationales.
Après la guerre tarifaire lancée par Donald Trump en déclarant l’état d’urgence économique aux USA, « les données de vendredi ont montré que la croissance de l’emploi aux États-Unis s’est accélérée de manière inattendue en décembre, tandis que le taux de chômage est tombé à 4,1 %, le marché du travail terminant l’année sur une base solide, laissant les traders réduire fortement les paris de réduction des taux de la Réserve fédérale cette année.
Donald Trump a précédemment envisagé d’imposer 10 à 20 % de droits de douane sur l’ensemble des produits entrant aux États-Unis, et même jusqu’à 60, voire 100 % sur ceux venant de Chine. Des premières annonces ont concerné une imposition de 25 % sur les produits en provenance du Canada et du Mexique », rapporte la presse internationale.
Les dégâts les plus directs de cette appréciation du dollar concernent les économies émergentes, confrontées à la hausse de leurs coûts de financement, à la fuite des capitaux et à l’accroissement de leurs coûts d’importation, donc de leur inflation. Quels impacts sur la Tunisie ?
L’appréciation du dollar américain par rapport au dinar tunisien constitue un défi majeur pour l’économie tunisienne. Ce phénomène, fréquent dans les économies émergentes a des répercussions profondes sur plusieurs secteurs économiques et sur la vie quotidienne des Tunisiens.
Une facture d’importation plus salée
La Tunisie est un pays fortement dépendant des importations, notamment pour l’énergie, les produits de base et les matières premières nécessaires à son industrie. Une hausse de la valeur du dollar renchérit automatiquement le coût des importations.
Ainsi, les entreprises tunisiennes, notamment celles opérant dans des secteurs stratégiques comme l’énergie ou l’agro-industrie, voient leurs coûts de production augmenter, ce qui se répercute inévitablement sur les consommateurs.
D’ailleurs, au cours de l’année 2024, les importations ont augmenté de +2,3 % suite à l’augmentation enregistrée au niveau des importations des produits énergétiques (+9,1 %), des biens d’équipement (+5,6 %) et des biens de consommation (+6,3 %).
Le déficit de la balance énergétique dépasse les 10,8 milliards de dinars. Ainsi, toute augmentation du dollar aura un impact direct sur la balance commerciale qui conclut l’année 2024 avec un déficit alarmant de 18,9 milliards de dinars.
L’appréciation du dollar entraîne une inflation importée, où les prix des produits importés augmentent sur le marché local. Cela affecte directement le pouvoir d’achat des ménages tunisiens, déjà fragilisé par un contexte économique tendu. L’énergie, les carburants et les denrées alimentaires, largement importés, deviennent plus coûteux, aggravant les inégalités sociales.
Une dette extérieure plus pesante
Avec une dette extérieure libellée en grande partie en devises étrangères, l’économie tunisienne est directement impactée par la hausse du dollar. A fin novembre 2024, 29,2 % de la dette extérieure est libellée en dollar. La charge de remboursement de la dette devient plus importante, ce qui exerce une pression sur le budget de l’État. Cela réduit les marges de manœuvre pour investir dans des secteurs essentiels comme l’éducation, la santé ou les infrastructures.
Paradoxalement, la dévaluation du dinar face au dollar peut offrir des opportunités pour les exportations tunisiennes. Les produits libellés en dinars deviennent plus compétitifs sur les marchés internationaux. Des secteurs comme le textile, les produits agroalimentaires ou le tourisme peuvent en bénéficier. Toutefois, ces gains sont souvent limités si les industries exportatrices dépendent elles-mêmes d’intrants importés, dont les prix augmentent.
L’appréciation du dollar peut également décourager les investissements étrangers. Une monnaie locale faible peut être perçue comme un risque, surtout dans un contexte économique marqué par une instabilité politique ou sociale. De plus, les entreprises locales, qui importent des équipements ou des technologies, voient leurs coûts d’investissement grimper.
Les ménages tunisiens sont les premiers à ressentir les effets de cette situation. L’augmentation des prix des produits de première nécessité exacerbe la précarité et alimente un mécontentement social croissant. Les grèves, protestations et revendications sociales deviennent plus fréquentes, rendant encore plus complexe la gestion économique du pays.
Pour limiter les impacts de l’appréciation du dollar, la Tunisie pourrait envisager de diversifier ses partenaires commerciaux pour réduire la dépendance au dollar, notamment en renforçant les échanges avec des pays européens, asiatiques ou africains, encourager la production locale pour substituer les importations et réduire la facture en devises et réduire la dépendance énergétique en investissant dans les énergies renouvelables pour alléger le poids des importations de pétrole et de gaz.
Yosr GUERFEL AKKARI