Par Raouf KHALSI
Comme lors de la grande déflagration des années 1990 (avec l’éclatement chromosomique de l’Union soviétique), la planète devient unijambiste. C’est un nouvel ordre mondial avec une Amérique qui devient outrancièrement nationaliste, jetant aux orties les velléités du multilatéralisme prôné par les prédécesseurs de Trump à la Maison-Blanche. Désormais, du moins pour un certain temps encore, c’est l’unilatéralisme américain qui va dominer le monde.
Pour autant, l’arrogance américaine n’a d’égal que l’effacement géostratégique de la Fédération de Russie ; effacement peut-être bien stratégique, non sans dresser des barricades face à l’OTAN qui veut ramper jusqu’aux portes de Moscou par le biais de l’Ukraine, elle-même soutenue –non sans humiliation- par Trump. C’est un bourbier. Et on ne saurait dire exactement où cela mènera. Seule peut-être la Chine pourra opposer certains contre-arguments à la voracité américaine, mais cela restera dans les sphères commerciales. Cela pourrait même se mouvoir en échanges de bons procédés. D’ailleurs, on a bien vu que, comme la Russie, la Chine n’a eu que des réactions molles quand Trump décida de bombarder l’Iran.
Cette abdication devant le fait accompli américain se meut donc au détriment des équilibres géostratégiques. Désormais, il n’y a plus qu’un seul gendarme du monde. Et la planète s’en retrouve suspendue au seul mouvement des lèvres, au seul décret fascisant signé par Trump.
Il était évident que la Tunisie serait touchée par la bourrasque douanière américaine. Parce qu’on n’a plus à rechercher l’affreux croquemitaine derrière ce nouvel ordre mondial coercitif, d’autant plus qu’un Trump effronté joue à découvert, narguant le monde, narguant les autres « superpuissances » et renvoyant « la Vieille Europe » à ses chères études. Du reste, hormis tout le zèle (contre-productif) de Macron pour une position unifiée contre la Russie et, surtout, contre l’Amérique, l’Europe elle-même risque d’éclater parce que les intérêts des uns et des autres ne convergent pas.
Et la Tunisie dans tout cela ?
Nous avons nos arguments. Parce que le compter-sur-soi n’est plus une option mais une contrainte. La Tunisie est certes surtaxée alors que la balance commerciale est excédentaire au profit de l’Amérique. Elle n’en reste pas moins attachée au multilatéralisme. Et, en harmonie avec sa position claire et sans équivoque exprimée à la Conférence internationale sur le financement du développement, elle a vocation de sonder d’autres trajectoires, d’autres partenariats et une volonté assumée de se réorienter vers ce Sud global qui regorge d’opportunités. Non que nous devions renoncer à nos partenariats traditionnels et stratégiques, avec l’Europe en tête, mais le Sud global, l’Afrique malgré ses avatars historiques et structurels, sont autant de sentiers exploitables, si ce n’est encore relativement vierges.
Le compter-sur-soi prendrait dès lors une autre dimension.
