Généralement, nos élèves ne lisent jamais dans le cadre des loisirs et leur rapport avec le livre se limite aux seules lectures concernant leurs études ou leur programme scolaire. Voilà qu’ils sont en vacances depuis le début du mois de juin, sauf pour ceux qui ont des examens nationaux à passer, et depuis, ils n’ont plus foulé le sol des écoles. En effet, dès la fin de l’année scolaire, une majorité écrasante de ces élèves n’ouvrent plus de livre ni de cahier. S’ils ne lisent pas au cours de l’année scolaire, faute de temps, ils ne profitent pas des vacances d’été pour s’adonner à la lecture. Il semble qu’ils ont d’autres chats à fouetter.
S’il est un fait de notoriété publique, c’est bien que les jeunes d’aujourd’hui lisent de moins en moins chez nous : la lecture, surtout des œuvres littéraires, en tant qu’activité scolaire et extrascolaire, a perdu de sa valeur d’antan. La pratique de la lecture en cette période de vacances compte pour eux parmi les efforts les plus pénibles qu’ils puissent consentir après cette rupture prolongée, les vacances d’été étant très longues ! La priorité est plutôt accordée aux veillées interminables et aux grasses matinées, aux baignades et aux promenades. Une rupture totale avec le monde scolaire.
La lecture, quelle corvée !
On ne doit certes pas généraliser, mais ceux qui, pendant le très long congé estival, ont maintenu le contact avec les études, la lecture et l’écriture, le savoir et la culture, ne représentent qu’une très faible minorité d’élèves. Les parents ont beau crier après leurs enfants afin d’imposer quelques heures de révision par semaine, peine perdue, au mieux font-ils semblant de s’y mettre, puis abandonnent très rapidement livres et cahiers pour reprendre jeux et navigation sur le Net ou sorties avec les amis. C’est donc la majorité écrasante de nos élèves qui renonce au livre et à la lecture pendant les vacances d’été. En effet, collégiens, lycéens ou étudiants lisent souvent moins au sens « classique » du terme (c’est-à-dire des livres de fiction comprenant plusieurs chapitres qu’on lit du début jusqu’à la fin, sur plusieurs jours, dont on peut parler entre amis ou à ses parents après les avoir lus…), mais leurs lectures sont plutôt documentaires, informatives, spécifiques et pragmatiques, donc plus courtes. Il n’y a qu’un petit nombre d’étudiants qui parcourent les journaux quotidiens à la recherche d’une information sportive ou d’une nouvelle sur les stars de la chanson ou du cinéma, en jetant un coup d’œil sur l’horoscope du jour ; mais les œuvres littéraires classiques ou modernes n’ont souvent aucun sens pour eux. Ce qui est peut-être plus grave, c’est qu’il y a aussi ceux qui ne veulent pas lire carrément, ni pendant les vacances ni au cours de l’année, mais aussi ceux qui ne peuvent pas le faire tout simplement. Manque d’intérêt pour les uns, faute de temps pour les autres. Alors qu’en réalité, il ne s’agit ni de « vouloir » ni de « pouvoir », encore moins de « devoir » lire.
La lecture, question d’habitude
Il va sans dire que la lecture est une habitude qui s’acquiert dès la prime enfance où se développe chez l’enfant le goût du livre. On ne naît pas liseur. Ce sont donc les parents qui font découvrir le goût et le plaisir de la lecture à leur enfant. Aussi peut-on dire que les jeunes assument les conséquences du manque de sensibilisation aux bienfaits du livre et de la lecture de la part de leurs parents, mais aussi des enseignants et du système éducatif en général où la part accordée à la lecture est négligeable.
Dans un pays comme le nôtre où le taux de scolarisation a atteint 98% et l’analphabétisme a été sensiblement réduit, la lecture doit être une obligation, une nécessité tout comme l’air qu’on respire. On doit lire pour se cultiver, s’enrichir, acquérir des expériences, approfondir ses connaissances ; on doit lire pour se faire plaisir, pour s’évader, se reposer, se divertir, s’ouvrir sur l’autre, etc. Les vertus de la lecture sont innombrables. Sans les livres, l’ignorance règnera dans le monde. Sans les livres, on ne trouvera jamais de réponses à nos problèmes et à nos ressentiments (stress, violence, haine, guerres, barbarie, peur et toutes les absurdités de la vie). Il est dommage que la majorité de nos élèves, à tous les niveaux scolaires, accorde de moins en moins d’importance à la lecture, que ce soit comme activité de classe ou comme loisir. La lecture est avant tout une tradition qui se transmet de génération en génération dans la famille. Les adultes et les séniors d’aujourd’hui se souviennent encore des années 60 et 70 du siècle dernier où on avait comme discipline « Lecture suivie » qui consistait à faire lire à haute voix les élèves d’une même classe une œuvre littéraire sur plusieurs séances, accompagnée de discussions sur les thèmes abordés par l’œuvre en question. Outre cette séance hebdomadaire de « lecture suivie », on avait ce qu’on appelait la « bibliothèque de classe », constituée essentiellement des livres apportés par les élèves eux-mêmes et généralement recommandés par leurs enseignants. Tout cela n’existe plus malheureusement dans nos établissements scolaires. Espérons que les prochaines réformes prendront en considération la place du livre et de la lecture dans le cursus scolaire.
Hechmi KHALLADI
