Malgré toutes les campagnes et toutes les assurances pour freiner l’hémorragie des accidents de la route, les chiffres et faits quotidiens ont tendance à confirmer la gravité de ce fléau. Le ministère de l’Intérieur vient de lancer un plan pour réduire de moitié les accidents de la route. Peut-il le faire ? Avec ce que nous constatons chaque jour, cette action ne s’avère pas de tout repos même si nous gardons espoir de voir ce plan parvenir, au moins, à limiter au maximum les dégâts.
Lors d’une séance de dialogue au Conseil national des régions et des districts, le ministre de l’Intérieur, Khaled Nouri, a récemment présenté un « plan national global pour la sécurité routière », destiné à réduire le lourd tribut des accidents de la route pour la société tunisienne. L’objectif annoncé est clair : diminuer de 50% les accidents de la circulation d’ici 2034.
Le ministre a précisé que ce plan repose sur une vaste stratégie qui s’attaque aux causes principales des accidents, en collaboration avec l’ensemble des parties concernées. Elle prévoit également une révision en profondeur des textes législatifs relatifs à la sécurité routière, dans le cadre d’une réforme législative structurelle, tout en mettant l’accent sur l’application effective des lois sur nos routes.
D’après l’Observatoire national de la circulation routière, l’un des points de cette stratégie concerne la mise en service officielle d’une série d’appareils intelligents et sophistiqués destinés à mesurer le taux d’alcool dans le sang chez les usagers de la route. Ces dispositifs ont été distribués dès cette semaine à plusieurs unités spécialisées des forces de sécurité, dans le but de renforcer la sécurité routière et de réduire les comportements dangereux liés à la conduite en état d’ébriété.
Cette stratégie est-elle capable de venir à bout des écarts et des dérives de beaucoup de conducteurs qui se plaisent à défier le code de la route et à conduire comme ils désirent, sans aucune conscience de la gravité de leur comportement ?
C’est que l’alcootest à lui seul ne peut pas résoudre le problème, s’agissant de pratiques inconscientes qui nécessitent une thérapie beaucoup plus profonde et plus efficace.
Eh oui, il suffit de prendre la route et de tenir le volant pour voir défiler devant soi toute une panoplie de comportements curieux et très peu civiques. Au nom d’une liberté que tout un chacun traduit à sa manière et selon ses goûts, le respect de l’autre et surtout de la loi est de plus en plus piétiné.
C’est que le mot « respect » ne fait plus partie du langage et du dictionnaire du conducteur tunisien qui se trouve pris dans un dangereux engrenage qui érige le désordre au premier rang du code de la route, avant tout autre engagement. Aujourd’hui, presque personne ne respecte la moindre règle, surtout aux croisements munis de feux de circulation. Ceux qui le font sont considérés comme des « extraterrestres ». Et, par conséquent, ils doivent le payer et ils sont constamment bousculés par les fous du volant.
Entre mauvais comportement et sentiment d’impunité
Avant, il n’y avait que les taxistes qui tentaient, de manière discrète d’ailleurs, de contourner ces feux et de passer au rouge lorsqu’il n’y a pas de voitures dans l’autre sens. Aujourd’hui, c’est la majorité des conducteurs qui le fait. Pis encore, ils ne le font pas de manière discrète et gare à celui qui leur demande des comptes ou conteste leur comportement et leurs excès.
Et il n’y a pas que les taxis jaunes qui participent à ce saugrenu festival de conduite puisque les conducteurs de taxis collectifs s’avèrent de sérieux concurrents pour décrocher la palme de ceux qui piétinent le plus les règles du code de la route. Eux, ils en font un peu plus et pas uniquement dans le chapitre du non-respect des feux et de la priorité. Ces fous du volant réussissent même à communiquer ces comportements à l’écrasante majorité des autres automobilistes présents sur la route. Pour tout ce beau monde, passer avant et devant tous les autres à n’importe quel prix est la règle d’or et tant pis pour les panneaux de signalisation, les feux, la priorité et toutes ces « recommandations » dépassées par la folie sans limites de ces chauffards qui imposent leur tempo et obligent les autres conducteurs à adopter un nouveau mode de conduite sauvage dans une totale impunité puisque leur comportement est très rarement sanctionné. Dans nos carrefours et croisements, ceux qui voient s’allumer le feu vert doivent être encore plus vigilants au moment de démarrer car un « invité-surprise » peut toujours surgir de l’autre côté.
Dans une telle situation de désordre total, les conséquences ne peuvent qu’être fâcheuses et désolantes avec encore plus d’accidents, de victimes et de pertes à tous les niveaux. C’est dire que seuls les tôliers s’en tirent bien pour profiter pleinement de ce qui se passe.
Nous comprenons les raisons qui poussent les autorités à fermer l’œil face à quelques intrus et clandestins qui renforcent la flotte de ces conducteurs de la mort, mais il faut réagir et accentuer les contrôles sur les routes empruntées par ces véhicules pour, au moins, les dissuader de rouler ainsi et de mettre leur vie et celle des autres usagers de la route en danger.
Des chiffres plus rassurants, mais…
Loin de ces constats qui donnent froid dans le dos, nous préférons rester confiants et optimistes pour l’avenir. Selon les statistiques publiées par l’Observatoire national de la sécurité routière (ONSR), le nombre d’accidents de la route enregistrés depuis le début de l’année 2025 jusqu’au mois d’avril a diminué de 29,72% par rapport à la même période de l’année 2024, alors que le nombre de personnes tuées dans ces accidents a par conséquent baissé de 3,06% au cours de la même période de 2024.
La nouvelle stratégie est appelée à améliorer ces indices réconfortants. A la fin de cet été, on aura sûrement une meilleure idée sur son efficacité.
Kamel ZAIEM
