L’environnement ne cesse de se détériorer dans la sebkha de Tazarka. Aujourd’hui, la situation de la lagune, connue pour sa diversité et son intérêt écologique, risque de se dégrader, de nouveau, au point qu’elle pourrait devenir un danger réel pour la santé des citoyens et une menace pour la biodiversité et les écosystèmes. Cette réserve naturelle classée «Ramsar» est consacrée zone internationale humide protégée, destinée à l’habitat des oiseaux d’eau de diverses espèces. Elle ne se développe pas, et tout l’écosystème lié en souffre. En effet, la Sebkha de Tazarka-mazraa est menacée de pollution. S’étendant du Nord au Sud, de la ville de Tazarka jusqu’aux environs de l’embouchure de l’oued Dharoufa sur une longueur d’environ 2,5 km, la superficie de cette Sebkha est d’environ 0.649 km2. Elle est séparée de la mer par un cordon littoral dont la largeur varie de 100 à 250 mètres.
Les écologistes et les défenseurs de la nature ont tiré la sonnette d’alarme sur une catastrophe environnementale de grande envergure, sur le littoral de Tazarka qui pourrait se répercuter sur l’ensemble de la biodiversité. La pollution continue ses ravages. Les conséquences sur l’environnement sont multiples.
Paradis perdu ?
L’équilibre écologique dans la zone humide de Tazarka est complètement chamboulé. Pour cause, la pollution industrielle dégradante qui a au fil du temps fragilisé toute la région. La sebkha connaît plusieurs problèmes de pollution, dont le déversement des eaux usées, aussi bien ménagères qu’industrielles, et le dépôt de déchets domestiques et de chantier, affectent ainsi son écosystème et constituent une sérieuse nuisance et des risques sanitaires pour la population avoisinante. Bien qu’ayant été aménagée pour offrir un meilleur cadre de vie pour les citoyens, elle est aujourd’hui refoulée par la société à cause de la quantité d’ordures qui envahissent sa lisière proche des bâtiments et qui limitent ainsi sa fonction naturelle. Etant une zone humide urbaine, la sebkha souffre de plusieurs pressions anthropiques dont les conséquences pourraient devenir irréversibles sur le long terme. Aujourd’hui, elle est prise en tenaille entre le développement de sa zone et la pérennité de son identité naturelle et paysagère. La lagune, qui se situe devant une zone industrielle, abritant une nouvelle station d’épuration de l’Office national de l’assainissement (Onas), souffre de deux problèmes gravissimes. Il y a tout d’abord le rejet anarchique et incontrôlé des déchets et des eaux usées de certaines unités, notamment les abattoirs de volailles, les usines de production de textile et de transformation manufacturière qui finissent dans la lagune. L’autre problème qui persiste et qui inquiète les habitants de la ville porte sur le grand débit d’eau traitée et rejetée par la station d’épuration de l’Onas dans la lagune et qui provient des eaux usées des trois villes, à savoir Tazarka, Maâmoura et Somaâ. La situation s’est davantage compliquée quand la station d’épuration des eaux usées de la région est tombée en panne, provoquant ainsi, une pollution de l’air et une prolifération de moustiques dans les quartiers avoisinants, alors que toutes sortes d’odeurs nauséabondes s’en dégagent, sans que cela interpelle les autorités compétentes.
Sauvons la lagune !
Il est vrai que chaque agression contre cette lagune est une blessure infligée à notre environnement, à notre santé, à notre avenir. «Aujourd’hui, nous ne sommes pas là pour faire un constat passif, nous sommes là pour réveiller les consciences et mobiliser à l’action. Les multiples alertes lancées par la société civile quant à la gravité de la situation écologique et sanitaire dans la région, n’ont pas abouti. Résultat inévitable, la lagune déborde sur la mer. Et voilà qu’une vraie catastrophe écologique pointe à l’horizon. C’est maintenant, plus que jamais, l’heure de stopper cette menace, sinon il sera trop tard pour réagir», avertit un citoyen de Tazarka qui préconise «des travaux de très grande envergure, un réseau d’assainissement sur la ville pour arrêter cette pollution et ramener la lagune à son état originel. Face à cette situation alarmante, les habitants de Tazarka et la société civile, à leur tête l’association de l’environnement de Tazarka, ont décidé de hausser le ton et de contacter les autorités concernées pour mettre un terme à ce fléau qui menace toute la région et protéger Tazarka des agressions et des atteintes à son écosystème. Sur les lieux lundi 28 juillet, le ministre de l’Environnement, Habib Abid, a exhorté citoyens et industriels à éviter de détruire la lagune avec des produits dangereux. Il a pu constater de visu l’ampleur de la pollution environnementale qui affecte la sebkha de Tazarka, causée par le déversement d’eaux industrielles polluées en provenance de la zone industrielle locale. Lors de cette visite, il s’est entretenu avec les responsables locaux des projets environnementaux prévus pour la ville de Korba, dans le cadre du plan de développement local 2026-2030. Il a appelé à prendre les mesures nécessaires contre les unités industrielles contrevenantes. Le ministère de l’Environnement souhaite que la lagune retrouve sa fonction écologique initiale, tout en mettant en place des systèmes d’assainissement approprié.
Aref Nachi, membre du conseil local de Korba, a indiqué que cette visite a permis au ministre de prendre connaissance de la réalité de la pollution persistante à Tazarka, provoquée par le rejet direct de déchets et d’eaux industrielles non traitées dans la sebkha. Il a précisé que la principale cause de cette pollution réside dans l’absence de stations d’épuration des eaux industrielles au sein de la majorité des unités de la zone industrielle. Actuellement, seules 9 des 23 unités implantées y rejettent des eaux conformes aux normes, aptes à être raccordées au réseau public d’assainissement. L’installation de stations d’épuration constitue, selon lui, une condition indispensable pour tout raccordement au réseau d’assainissement géré par l’Office national de l’assainissement (ONAS), dont les équipements sont conçus uniquement pour traiter les eaux usées domestiques. Les eaux industrielles, souvent chargées de produits chimiques et métaux lourds comme le chlore et le zinc, ne peuvent être traitées sans prétraitement spécifique.
Tazarka ne cesse de s’agrandir. Sa population a doublé. Une croissance qui rend plus urgente la recherche d’une solution pour maintenir la sebkha comme un espace vivable pour les hommes et les espèces aquatiques. Sauvegarder la lagune de Tazarka, c’est protéger une partie de nous-mêmes. L’avenir se construit dans l’éducation, la mobilisation communautaire et l’innovation environnementale.
Kamel Bouaouina
