Depuis l’aube d’hier, mercredi 30 juillet 2025, le Grand Tunis est plongé dans une quasi-paralysie de ses moyens de transport publics. En cause : une grève générale lancée dans le secteur du transport terrestre de voyageurs par la Fédération générale du transport, affiliée à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Cette grève, prévue pour trois jours (30 et 31 juillet, 1er août), affecte massivement la Société des Transports de Tunis (Transtu), la Société nationale de transport interurbain (SNTRI), ainsi que toutes les sociétés régionales de transport. Le blocage est total. Métro léger, bus, lignes interurbaines : tout est à l’arrêt. Une situation qui a pris de court de nombreux usagers et mis en lumière les fragilités structurelles d’un secteur vital pour la mobilité quotidienne de millions de citoyens, outre l’arrogance du syndicat.
Dès les premières heures de la journée, les stations de transport public affichaient un silence inhabituel. À la station du métro léger de la Cité El Khadra, aucun passage de rame n’a été observé depuis l’aube. Des usagers, visiblement pris au dépourvu, attendaient dans le vide. «Aucune rame n’est passée ce matin. Beaucoup de gens sont venus sans être au courant de la grève. Certains ont dû repartir à pied ou chercher désespérément un taxi», raconte un passager visiblement agacé.
Même ambiance à l’arrêt de bus d’El Manar 2, où un autre usager exprime son ras-le-bol : «Toutes les lignes sont suspendues. C’est un mépris envers les citoyens, surtout ceux qui n’ont pas les moyens de transport personnels et travaillent à des kilomètres de chez eux.»
La paralysie du transport public a reporté la pression sur les alternatives privées : taxis individuels, voitures de transport collectif et véhicules personnels. Résultat : embouteillages massifs, allongement des temps de déplacement, hausse des tarifs des courses informelles et une tension palpable dans la rue.
Un mouvement massif, un taux de participation élevé
Selon les responsables syndicaux, le taux de réussite de la grève aurait atteint 100% dès les premières heures. Des photos publiées par la Fédération générale du transport montrent les bus alignés à l’arrêt dans les dépôts, tandis que de nombreux agents participent à des sit-in dans les locaux des entreprises de transport. Ce mouvement de protestation intervient après l’échec de plusieurs cycles de négociation entre la Fédération, le ministère des Affaires sociales, les représentants gouvernementaux et les administrations concernées. Aucun accord n’a pu être trouvé, laissant le conflit s’enliser.
Dans un communiqué officiel, la Fédération accuse le gouvernement de fuir ses responsabilités et d’ignorer les revendications sociales des travailleurs du secteur, qu’elle juge légitimes. Elle dénonce également les tentatives de réquisition opérées par le ministère du Transport, estimant qu’elles n’ont pas permis de désamorcer la crise.
Les réactions officielles : entre fermeté et volonté d’apaisement
De son côté, le ministère des Transports a réagi en insistant sur la nécessité de préserver l’intérêt du citoyen. Dans un communiqué, il a souligné les efforts en cours pour améliorer le secteur : renforcement du parc de véhicules, modernisation de l’infrastructure, amélioration des conditions de travail du personnel. Toutefois, il a qualifié certaines revendications sociales d’«excessives» et de «matérielles», affirmant qu’elles doivent être corrélées avec l’amélioration des performances économiques et financières des entreprises publiques de transport.
Le ministère a également indiqué avoir pris des mesures préventives, notamment des réquisitions, pour assurer un minimum de service durant les trois jours de grève. Mais sur le terrain, ces mesures restent très limitées et largement insuffisantes face à l’ampleur du mouvement.
Un impact lourd pour les citoyens et l’économie
Au-delà de l’inconfort et de la frustration des usagers, cette grève a des répercussions économiques directes. Retards au travail, journées non productives, rendez-vous manqués, absence d’élèves dans certains centres de formation ou universités encore actives : les effets de la paralysie se font sentir à tous les niveaux.
Pour de nombreux travailleurs, notamment les plus précaires, chaque jour de grève représente une perte financière directe. D’autres doivent dépenser davantage pour se rendre à leur poste ou, faute de solution, renoncer à leur journée de travail. Les entreprises, quant à elles, voient leur fonctionnement perturbé, ce qui envenime le climat social.
Leila SELMI
