Les retraités expriment une vive grogne face à la baisse de leur pouvoir d’achat due à l’inflation et à la stagnation de leurs pensions. Cette situation les pousse souvent à réduire leurs dépenses, notamment pour l’alimentation et les soins, et à revoir leur mode de vie. Les retraités réclament ainsi une augmentation de leurs pensions pour faire face à la hausse du coût de la vie et une amélioration générale de leurs conditions de vie.
Au fait, la part des personnes âgées à la retraite augmente régulièrement et rapidement. Selon l’INS, en 2009, les personnes âgées de plus de 60 ans ne représentaient que 9,8% de la population totale, mais les projections officielles laissent présager que ce taux atteindra 17,7% en 2029. C’est que d’ici là, on aura le même taux ou presque de retraités, ce qui a mis les caisses sociales dans des difficultés financières énormes depuis quelques années.
C’est ainsi qu’il a été décidé en 2019 que les agents de l’administration publique ou du secteur privé partiraient à la retraite à l’âge de 62 ans à partir de janvier 2020. Une fois à la retraite, ces retraités perçoivent moins d’argent que lorsqu’ils étaient encore actifs. Avec la crise actuelle, ils se sentent de plus en plus lésés en l’absence d’une révision de leur pension, considérée comme insuffisante pour joindre les deux bouts et satisfaire leurs besoins pressants, surtout en soins médicaux.
Espérance de vie élevée et besoins en croissance
Avec une espérance de vie en Tunisie qui dépasse les 76 ans, bon nombre de retraités vivent plusieurs années après l’âge de la retraite. Dès lors, le nombre de retraités encore en vie ne cesse d’augmenter, ce qui est l’un des facteurs de la situation financière désastreuse des caisses nationales de retraite. Quand on sait que certaines gens sont à la retraite depuis 30 ans et même plus ! Surtout ceux qui ont eu la chance d’avoir leur retraite à l’âge de 50 ou 55 ans ; ils auraient aujourd’hui 90 ou 95 ans ! Cette catégorie de retraités reste souvent «active», même après l’âge de la retraite, et continue à travailler, quitte à accepter parfois n’importe quel métier, le but étant d’assurer un revenu supplémentaire à la pension reçue qui devient insuffisante pour subvenir aux besoins de sa famille. Que la retraite soit anticipée ou à temps, le pensionné a donc la chance d’avoir encore plusieurs années devant lui pour exercer d’autres boulots. Dans la légalité ou dans le noir. Qu’à cela ne tienne ! L’essentiel étant de gagner de l’argent, de maintenir son équilibre financier en ces temps difficiles et de satisfaire ses besoins personnels et familiaux. L’un de ces retraités qui tient une épicerie nous a affirmé un jour : «La pauvreté pendant la vieillesse est une dure épreuve. Pour pouvoir vivre sans gêne et à l’abri du besoin, il faut des revenus suffisants, d’autant plus que la vie devient de plus en plus chère. Et puis, est-il normal que je reste désœuvré à l’âge de 55 ans, moi qui bosse depuis l’âge de 17 ans dans une usine ?» Cependant, le cumul entre pension et nouvel emploi n’est pas toujours facile pour un retraité, même si ce dernier est encore en bonne santé et capable de travailler.
Une pension toujours insuffisante
Malheureusement, il n’existe pas d’études en Tunisie portant sur le niveau de vie des personnes âgées et notamment celles qui sont couvertes par un système de retraite. Cependant, la majorité des pensionnés en Tunisie ne semble pas vivre aisément, certains n’arrivent pas à joindre les deux bouts, à cause d’une pension insuffisante et surtout, du coût de la vie qui devient de plus en plus élevé. Avant, quand quelqu’un partait à la retraite, il jouissait d’une pension assez suffisante pour mener une vie normale, car à l’âge de la retraite, ses enfants auraient déjà quitté le joug familial pour aller vivre ailleurs. Or, aujourd’hui, le retraité pourrait avoir deux ou trois enfants à sa charge, ayant achevé leurs études sans avoir eu de travail. Même si les deux conjoints sont pensionnés, ils n’arrivent pas souvent à satisfaire les besoins de tous les membres de la famille, étant donné le budget consacré à la vie courante (nourriture, habillement, santé, factures, impôts…), auquel il faut ajouter l’argent de poche pour les enfants en chômage, sans compter le loyer, le cas échéant ! Néanmoins, certains retraités peuvent vivre de leur pension, surtout quand ils n’ont pas de «jeunes adultes» à charge.
C’est ainsi que certains fonctionnaires ou ouvriers, une fois à la retraite, s’adonnent à différentes professions en montant de petits commerces, comme par exemple une épicerie, une librairie, une cafétéria, un publinet… On voit même des enseignants à la retraite qui continuent à donner des cours particuliers à domicile ou à travailler dans une école privée.
La crise économique actuelle a sûrement détérioré le pouvoir d’achat des Tunisiens, encore moins celui des retraités qui doivent tenir serrés les cordons de la bourse, vu la hausse des produits alimentaires, les services (eau, gaz, électricité, téléphone), le transport, la santé, le loyer… Et c’est pour cette raison que la pension de la retraite que reçoit actuellement un ancien fonctionnaire n’est pas suffisante pour lui garantir une vie plus ou moins décente, si bien qu’il est souvent obligé de chercher d’autres sources de revenu. Les retraités réclament donc une revalorisation de leurs pensions et une amélioration de leurs conditions de vie, notamment en matière de santé et de logement. Des mouvements de protestation ont été organisés dans plusieurs villes du pays pour faire entendre leurs revendications. L’Association tunisienne des retraités ne cesse d’appeler à un dialogue social avec le gouvernement et les partenaires sociaux pour trouver des solutions à leur situation. En vain !
Hechmi KHALLADI
