En Tunisie, les droits d’auteur sont protégés par la loi n° 36 du 24 février 1994, modifiée et complétée par la loi n° 33 du 23 juin 2009. Cette législation, ainsi que la Constitution tunisienne, garantissent la propriété intellectuelle et prévoient des mécanismes de protection des œuvres originales, tant sur le plan moral que patrimonial. L’Organisme Tunisien des Droits d’Auteur et des Droits Voisins (OTDAV) joue un rôle clé dans la gestion et la défense de ces droits. Cet organisme permet à tout créateur de protéger ses œuvres originales littéraires, scientifiques ou artistiques telles que les compositions musicales, les œuvres écrites ou imprimées, les œuvres créées pour la scène ou pour la radiodiffusion, les logiciels,
L’œuvre est protégée dès sa création, sans autre formalité que son originalité et son auteur dispose de droits moraux (droit à la paternité, au respect de l’intégrité de l’œuvre) et de droits patrimoniaux (droit de reproduction, de représentation, etc.). Selon la loi, la protection dure toute la vie de l’auteur, plus 50 ans après sa mort. Pour les œuvres photographiques, la durée est de 50 ans à partir de la création. Pour jouir de leurs droits, les auteurs doivent adhérer à l’OTDAV pour bénéficier de ses services. Des sanctions pénales et civiles sont prévues en cas de violation des droits d’auteur.
Atteintes aux droits d’auteur
Il est à constater que les atteintes aux droits d’auteur sont fréquentes en Tunisie, notamment dans le domaine de la musique et de la communication audiovisuelle. Pour ne donner qu’un seul exemple, la reprise des chansons par des chanteurs tunisiens professionnels ou amateurs est une pratique courante, que ce soit dans des spectacles musicaux ou dans les boites de nuit qui, en principe, se considère comme une atteinte aux droits d’auteur. Alors que selon la loi, chaque fois qu’il y a reprise ou imitation d’une œuvre musicale quelconque, le propriétaire de l’œuvre ou, le cas échéant, ses héritiers, doivent être payés.
De même, la numérisation de textes ou d’œuvres complètes et leur exploitation en ligne sont une pratique courante. L’utilisation des plateformes numériques pour la promotion et la diffusion des œuvres est pourtant autorisée par l’OTDAV, à condition que les droits d’auteur soient respectés. Cependant, malgré la mise en place d’un cadre juridique pour protéger les droits d’auteur, l’application de cette législation reste un défi, notamment en ce qui concerne la lutte contre la contrefaçon et le respect des droits des auteurs dans l’environnement numérique. Malheureusement, la plupart de nos créateurs ne prêtent pas d’attention particulière à cet organisme supposé défendre leurs productions et ils continuent à produire sans se faire protéger contre une quelconque atteinte à leurs œuvres, soit par le plagiat, soit par l’imitation ou la reproduction non autorisées.
D’autres créateurs n’adhèrent pas à l’OTDAV simplement pour éviter de verser une cotisation annuelle dont le montant est variable. Au fait, il y a plusieurs manières de porter atteinte aux droits d’auteur. Il s’agit de toute utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par le droit d’auteur, que ce soit par reproduction, diffusion, adaptation, etc. Cela peut inclure des actions comme la copie illégale de musique, de films, de logiciels ou encore, l’utilisation non autorisée d’images, de textes ou de designs.Voilà pourquoi la sensibilisation à la propriété littéraire et artistique constitue un axe important dans l’action de l’OTDA. Elle vise en effet à faire mieux comprendre, utiliser les Droits d’Auteur et les Droits Voisins et à promouvoir le respect de ces droits. En cas de violation du droit d’auteur, ce dernier peut intenter une action en justice pour obtenir réparation du préjudice subi. Les sanctions peuvent être pénales (amendes, peines de prison) ou civiles (dommages et intérêts).
Les droits d’auteur à l’ère de l’IA
Dans les créations assistées par IA où celle-ci est employée comme un simple outil, il est possible de considérer que la marque de l’intervention personnelle de son auteur demeure. La création pourrait ainsi accéder au rang d’œuvre et être protégée par le droit d’auteur. Face au développement de l’IA dans le domaine de l’art, de la littérature et dans d’autres domaines, l’OTDA doit prévoir de nouvelles législations, comme dans d’autres pays du monde entier où on commence à adapter de nouveaux cadres juridiques concernant les droits d’auteur. Les approches restent cependant variées.
En Europe, l’Union européenne démontre qu’elle travaille activement sur des cadres réglementaires sur l’intelligence artificielle. Des débats sont en cours pour établir des règles spécifiques concernant les œuvres générées par l’intelligence artificielle générative. Aux Etats-Unis, le Copyright Office a décidé que les œuvres générées entièrement par une IA ne peuvent pas bénéficier de la protection du droit d’auteur. Toutefois, il n’est pas exclu que cette position évolue à mesure que l’IA s’intègre davantage dans le processus de création. Au niveau international, des organisations travaillent d’ores et déjà sur des solutions globales pour répondre aux défis posés par l’IA. Leur objectif est d’harmoniser les réglementations en matière de propriété intellectuelle pour mieux protéger les auteurs à l’ère numérique. Il est donc urgent pour la Tunisie d’adapter de nouveaux cadres juridiques pour mieux protéger le droit des créateurs à l’ère de l’IA tout en encourageant l’innovation technologique.
Hechmi KHALLADI
