Le sujet des réformes scolaires est abordé aujourd’hui plus fréquemment qu’avant, car il est devenu obligatoire d’effectuer des changements radicaux dans notre système éducatif. C’est un sujet d’une actualité brûlante à tous les niveaux (enseignants, élèves, familles, gouvernement…), car l’enseignement a toujours occupé une place éminente dans notre société. En effet, l’une des tâches majeures du gouvernement (qui vient de proposer une consultation nationale sur l’éducation) sera la révision de fond en comble du système éducatif dans notre pays.
C’est que la mission de l’école, aujourd’hui et demain, sera de former un citoyen qui «apprend à apprendre», à agir, à être et à vivre avec les autres et de développer chez lui les aptitudes qui lui permettront d’acquérir les compétences, les savoir-faire et les savoir-être indispensables à la vie.
Il va sans dire que depuis l’indépendance, l’enseignement en Tunisie, qui a subi maintes transformations, a effectué des réalisations remarquables aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif en assurant le principe de «l’éducation pour tous», ce qui a certes contribué énormément à la lutte contre l’analphabétisme et l’illettrisme, mais tout en favorisant une croissance progressive du taux des diplômés universitaires contraints d’attendre des années entières pour accéder à un emploi. Quoique ce secteur ait connu à travers les époques des réformes qui ont touché aux différents aspects (pédagogies, programmes officiels, formation continue…), il s’avère à chaque fois que ces réformes ont toujours été timides, superficielles et provisoires et jamais profondes et radicales.
Où en sommes-nous ?
Il y a sans doute des acquis atteints dans le secteur de l’enseignement depuis des décennies qu’il faut garder et consolider. Pour ne citer que quelques-uns, l’accès obligatoire de tous à l’enseignement, la scolarisation en Tunisie ayant atteint des taux respectables dans tous les niveaux scolaires. Le deuxième acquis à préserver, c’est celui de la concrétisation du principe d’égalité absolue entre les deux sexes, la mixité filles-garçons étant une réalité dans tous les cycles de l’enseignement. Le dernier acquis concerne l’adoption des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) qui entrent progressivement dans notre enseignement à travers la digitalisation progressive du secteur.
Actuellement, le nombre de diplômés supérieurs en chômage en Tunisie a atteint un taux de 24,3% selon des statistiques publiées en fin 2022 par l’Institut National de la Statistique (INS). Aussi faut-il mentionner les 100 mille abandons scolaires enregistrés chaque année dans toute la République. On comprend dès lors l’échec de l’actuel système éducatif tunisien qui doit changer en vue d’être mieux structuré, rénové et mis au diapason de l’actualité en s’adaptant aux réalités économiques et sociales du pays et aux exigences des générations présentes et futures. En d’autres termes, ces jeunes qui ont fait ou vécu la Révolution veulent voir une nouvelle école qui soit à leur écoute et à la hauteur de leurs aspirations.
Encore des défis à relever
Cependant, il reste beaucoup à faire pour apporter les remèdes nécessaires à notre système éducatif dans tous ses cycles et ses niveaux. Certains changements sont à apporter immédiatement, d’autres, moins urgents mais aussi importants, suivront ultérieurement. Les propositions qui suivent ont été recueillies lors d’une consultation auprès des enseignants en 2016, avant même l’organisation récente de la consultation nationale sur l’éducation. On peut citer les unes et les autres en vrac et sans ordre de priorité.
D’abord et surtout, remettre de l’ordre et de l’autorité dans l’institution scolaire (révision de tous les mécanismes de discipline existants qui sont devenus désuets et sans effet face à une école qui change et à de nouveaux comportements et rapports établis entre les différents acteurs de l’école (prof-élèves-administration). Sur ce point, une majorité écrasante d’enseignants souffrent d’un problème de confrontation avec une nouvelle génération d’élèves qui exprime un certain désintérêt et un dégoût pour les études.
Le deuxième changement consiste à rendre l’école non seulement un milieu d’acquisition des différents savoirs mais également un lieu d’exercice des loisirs et des activités extrascolaires et de découverte de jeunes talents dans les domaines culturel, artistique et scientifique, en transformant le temps scolaire de sorte à accorder la plage horaire nécessaire aux différents clubs scolaires pour animer la vie scolaire et valoriser le travail créateur chez les élèves.
De même, vu la démission marquée ces dernières années de la part d’un grand nombre de parents d’élèves, il faut réconcilier la famille avec l’école en faisant participer davantage les parents dans la vie scolaire et les sensibiliser à leur devoir de suivre scrupuleusement le cursus de leurs enfants à travers leur participation permanente et active dans une nouvelle structure représentative.
Le dernier et non le moins consiste à rajeunir le corps enseignant en accordant la retraite anticipée à ceux qui le désirent parmi les enseignants du secondaire ayant accompli entre 30 et 32 ans de service, vu la pénibilité du métier, pour créer des milliers de nouveaux postes d’emploi destinés aux diplômés du supérieur. Toute réforme à venir serait d’un grand apport pour insuffler un second souffle à notre éducation, pourvu qu’elle prenne en considération les nouveautés survenues dans le monde en matière d’éducation.
Hechmi KHALLADI
