Les soldes de l’été 2025 auront droit à une courte prolongation de deux semaines. Il faut dire que cet acte commercial ne semble pas attirer outre mesure les citoyens qui n’y voient plus une véritable occasion pour acquérir des vêtements à bas prix, en plus d’une offre pas à la hauteur de ce qui était espéré. Cette prolongation va-t-elle changer le cours des choses ?
Le ministère du Commerce et du Développement des exportations a annoncé, ce mardi, la prolongation de la saison des soldes d’été jusqu’au 30 septembre 2025. Pourquoi une telle prolongation ? D’après le ministère, cette mesure exceptionnelle a été décidée afin de permettre aux citoyens d’acquérir leurs fournitures de rentrée scolaire à des prix préférentiels.
Le ministère a souligné que cette prolongation vise également à dynamiser l’activité commerciale et à soutenir le pouvoir d’achat des familles, particulièrement dans le contexte de la rentrée scolaire, marquée par des dépenses supplémentaires.
Bien entendu, le communiqué ne revient pas sur l’échec quasi certain de ces soldes qui n’ont pas attiré une clientèle consistante comme cela se passe normalement en de pareilles occasions et n’indique pas les raisons réelles et objectives qui ont amené à une pareille décision.
Dans ce même communiqué, le ministère appelle les commerçants à afficher clairement les prix avant et après réduction et à se conformer aux dispositions légales en vigueur encadrant la période des soldes.
A titre de rappel, signalons que 425 entreprises, représentant 1241 points de vente, ont adhéré à la saison des soldes d’été 2025, qui a démarré le 7 août 2025. Près de 60% des points de vente (743) sont spécialisés dans la filière du prêt-à-porter, 18% (218 points de vente) spécialisés dans la vente de chaussures, et 22% (280 points de vente) dans d’autres filières, telles que les parfums, les lunettes et l’ameublement.
Le département du Commerce a révélé, en outre, que 58% des participants aux soldes d’été sont implantés dans le district du Grand Tunis, 29% dans le district du Sud et 11% dans les zones du Centre et du Littoral, alors que 2% uniquement dans le district du Nord.
Rappelons également que le ministère a fait savoir que 81 visites de contrôle économique ont été menées avant le démarrage des soldes, aboutissant à l’enregistrement de 37 infractions économiques, dont 27 dans le secteur du prêt-à-porter, 4 dans le secteur de la chaussure et 3 dans le secteur de l’ameublement…
Aujourd’hui, alors que le taux d’inflation annoncé tend à la baisse (5,4% pour le mois d’août), on doit s’attendre à voir les prix baisser pendant cette période de soldes. Or, les avis divergent à ce propos. Les consommateurs estiment que les baisses ne concernent que les produits invendus durant la période précédente et que les habits ou les chaussures en vogue gardent le même niveau élevé du prix avec des acrobaties pour faire croire que ces prix ont été revus à la baisse.
Du côté des commerçants, le son de cloche change, comme l’indique Amira, une gérante d’un magasin de chaussures : «Déjà, hors de la période des soldes, nous baissons régulièrement nos marges à cause de la dégradation du pouvoir d’achat des Tunisiens et pourtant, notre chiffre d’affaires est en baisse. Les clients se font rares et nous ne comptons plus sur cette saison des soldes pour booster nos ventes. C’est la crise et il faut composer avec».
Une loi à remodeler
Quel avis pour les experts en économie concernant cet échec évident qui a caractérisé les soldes d’été 2025 ? L’un d’eux, Mohamed Salah Jennadi, explique à sa manière cette réticence manifeste des consommateurs : «Face à cette crise économique et à la détérioration de son pouvoir d’achat, le Tunisien est obligé de bien gérer ses dépenses en consacrant son budget aux produits de première nécessité comme la nourriture, les soins, les médicaments, le loyer et les charges comme l’eau et l’électricité, en plus des besoins urgents de la rentrée scolaire qui aura lieu ce 15 septembre. Quant aux vêtements, une grande majorité des Tunisiens s’approvisionne aujourd’hui dans la friperie. Il faut également préciser que malgré le fait que le taux d’inflation ait connu une légère baisse, descendant à 5,4%, la hausse des prix de certains produits de première nécessité continue de peser sur le budget des ménages».
Notre interlocuteur épingle également la loi qui régit les soldes : «En plus de l’inflation, la loi qui régit les soldes en Tunisie est jugée par les professionnels comme archaïque et obsolète. Il s’agit de la Loi n°40 de 1998 qui ne répond plus aux attentes aussi bien des consommateurs que des professionnels. Le cadre juridique fixant des règles claires et strictes en matière de rédactions des prix et des soldes, ainsi que les promotions, est tellement flou que les arnaques continuent à être le pain quotidien dans ce manège. La plupart du temps, le consommateur se voit proposer des produits soi-disant soldés, alors que certains commerçants avaient déjà procédé à une augmentation des prix avant la saison des soldes. Il est alors urgent de mettre en place un cadre réglementaire en Tunisie spécifique organisant le traitement des réclamations (fixant les procédures, les issues à donner aux réclamations, la marge de manœuvre de l’administration dans le traitement des réclamations, la relation de l’administration avec les ONG réclamant les litiges des consommateurs».
De telles réactions et conclusions prouvent que l’organisation des soldes, d’hiver comme d’été, doit être révisée de manière à prendre en considération les facteurs qui l’empêchent de réussir. Et ce n’est pas la prolongation d’une quinzaine de jours qui va arranger les choses.
Kamel ZAIEM